ICO JUSTOME DE VENISE. le combat. Trois autres y prirent part un moment après. Toute la division de Cornaro suivait cette avant-garde. La canonnade fut vive et meurtrière ; les vaisseaux du capitan-pacha furent fort maltraites; cependant il n’en perdit aucun, et il profita de la nuit pour se retirer à Butrinto, tandis que Pisani faisait entrer dans le port de Corfou le convoi de troupes et de munitions. Un seul bâtiment de ce convoi, portant trois cents hommes, tomba sous le vent et fut enveloppé par les ennemis. XV. Les Turcs débarques dans l’île dirigèrent leurs premières attaques sur le mont Abraham, l’une de ces deux hauteurs qui dominent les fortifications de la place. Ils en furent vaillamment repoussés par les troupes grecques et esclavones, que Shulleni-bourg y avait postées. Des Allemands, des Italiens, des Esclavons, les naturels de File, tout concourait à la défense de Corfou, jusqu’aux Juifs, qu’on avait armes et dont un se fit remarquer par son courage, au point de mériter le grade de capitaine. Le peu de succès de*cette tentative, et apparemment le temps qu’il fallut pour recevoir et monter l’artillerie, ralentirent les travaux des assiégeants pendant tout le mois de juillet. Le mois d’août était commencé, qu’ils n’avaient élevé que deux batteries; mais, à cette époque, ils se déterminèrent à emporter les positions d’Abraham et de Saint-Sauveur. La première, défendue par des Vénitiens, coûta beaucoup do monde aux assaillants : la seconde fut abandonnée sans résistance par les Allemands qui y étaient retranchés. Maîtres de ces hauteurs, les Turcs foudroyaient la ville et le port; mais, au lieu de battre les fortifications, ils dirigèrent constamment leurs feux sur l’in-térieurdela place,qu’ils écrasaient de leurs bombes et de leurs boulets. Toute la population s’élait réfugiée dans les vastes souterrains qu’offrait heureusement cette forteresse. Des renforts arrivaient de jour en jour aux assiégeants et aux assiégés. La Hotte vénitienne, pour isoler l’armée ottomane campée devant la place,voulut présenter la bataille au capltan-pacha ; mais celui-ci se tint constamment dans sa position, sans engager un combat, dont l’issue, si elle était funeste, pouvait compromettre cette arméo. Les assiégeants ne paraissaient suivre aucun système régulier dans leurs attaques; ils se présentaient tous les jours, pour emporter, le sabre à la main, ces fortifications qu’ils n’avaient pas essayé de ca-nonner. Ces assauts, toujours repoussés, coûtaient des pertes immenses à l’armée assiégeante et à la garnison. Les pointes de fer semées sous leurs pas, les artifices disposés pour éclater sous les ouvrages extérieurs qu’ils assaillaient, la mitraille qui pleuvait des remparts, le feu de la mousquelerie, rien u'cm- pêchait les Turcs de s’obstiner aux attaques et de s'amonceler sur le terrain qu’ils disputaient. Il n’était pas rare que ces combats durassent plusieurs heures. Les généraux vénitiens sentaient qu’avec un ennemi qui se présentait aux portes tous les jours, toutes les nuits, il ne fallait qu’un moment de surprise ou d’hésitation, pour perdre le fruit de la plus vigoureuse résistance. Ils voulurent ralentir l’impétuosité de l'assicgeant en l’attaquant eux-mêmes. Ils ordonnèrent une sortie. Trois heures avant le jour, un millier d'hommes, moitié Allemands, moitié Esclavons, débouchèrent par deux portes différentes, tandis que vingt galères et les batteries de la place foudroyaient d’un autre côté le camp des ennemis, pour détourner leur attention. Les Esclavons passèrent au fil de l’épée les postes avancés, pénétrèrent dans les tranchées, culbutèrent les Turcs qui les gardaient, et les poursuivirent jusqu’au pied du mont Abraham. Là ils trouvèrent une plus vive résistance : ils continuaient de combattre avec acharnement, lorsque les Allemands arrivèrent; mais, soit que, dans l’obscurité, ceux-ci eussent pris leurs alliés pour des ennemis, soit qu'ils tirassent en désordre et que leur feu fût mal dirigé, deux cents de ces braves Esclavons tombèrent dès les premières décharges. On s’aperçut de la méprise, il n’était plus temps d’y remédier. Des troupes qui se croient attaquées par derrière, sont difficiles à maintenir; on fut trop heureux, dans cette confusion, de pouvoir opérer une espèce de retraite. Quelques jours après, le séraskier se vengea de cette sortie par un assaut général. Dans la nuit du 17 au 18 août, toute l’armée ottomane prit les armes et se précipita sur divers points des ouvrages extérieurs qui protégeaient la place. On dit que les Allemands furent les premiers à céder ; mais bientôt les Esclavons, les Italiens, accablés par le nombre, furent forcés, comme eux, d’abandonner les postes qu’ils défendaient. Ces troupes repoussées se jetèrent en tumulte dans la place, dans le château; et tandis qu’une partie des assaillants après avoir planté leurs étendards sur les ouvrages qu’ils venaient de conquérir, se hâtaient de s’y retrancher, les autres, arrivés jusqu’au pied des murs, battaieut les portes et appliquaient les échelles. C’était vers un des bastions du château neuf que le combat était le plus sanglant. Schullembourg, le capitaine de la place, Loredan, le sergent-général Marc-Autoine Sala, couraient partout, animant les soldats; et se voyaient secondés non-seulement par les habitants, mais par les femmes, par les religieux, qui concouraient, aux dépens de leur vie, à repousser les infidèles. Dans un endroit où les assaillants et les assiégés combattaient pêle-mêle, le général voit