LIVRE XXXVII. verncnicnt, et des plaisanteries sur les procédures de l’inquisition d’État, sur les plombs, les tortures, le canal Orfano et autres mensonges inventés ou copiés par les écrivains français. « La conférence qui suivit le dîner découvrit de plus en plus la détermination prise par le général de dicter la loi au lieu de traiter. Il prétendit qu’il existait vingt-deux millions dans notre trésor. Il parla des effets anglais déposés à Venise, et il est bon de remarquer qu’il ne dit pas un mot de ceux du duc de Modène, qu’il ne parla point de ce prince, ce qui pourrait faire croire qu’il est compris dans le traité de paix. 11 revint sur le désarmement des paysans, sur la punition des coupables, le renvoi du ministre anglais, la liberté des prisonniers. « Au-« trement, la guerre; » et même il ne parlait pas de paix, après toutes les satisfactions obtenues. A diverses reprises, il parcourut beaucoup d’autres sujets. 11 nous dit qu’il se moquait des Esclavons, et qu’il comptait bien aussi les attaquer; mais qu’il serait bien reçu par eux, ayant déjà des relations en Dalmatie. Il ajoutait qu’ostensiblement le gouvernement de la république paraissait appartenir à toute la noblesse; mais que, dans le fait, c’était l’apanage d’an petit nombre de patriciens, et autres observations semblables qu’il est inutile de répéter. « Qu’on nous permette de repasser toutes les circonstances qui ont amené cette terrible situation. « Une république comme la nôtre, riche, maîtresse d’un État puissant, en possession d’un grand commerce, devait inspirer quelques ménagements à la France dans le commencement de la révolution. Aussi 011 cultiva sa bienveillance, on parla d’intérêts communs, on évita d’occuper nos places, dans les premiers temps de l'irruption; on ne nous demanda point des subsistances à titre gratuit; le gouvernement vénitien, en prodiguant ses secours, fit douter de sa force, on usa de sa facilité; on lui proposa une alliance ; et, en cas de refus, on le menaça de ce qui arrive aujourd’hui. it 11 est probable que, dans le principe, les Français ne voyaient dans notre république qu’une barrière à opposer aux Russes, pour les empêcher d’envahir la Morée, et qui garantissait les républiques italiennes du danger d’être écrasées par l’Autriche. Il n’y a pas un mois que Bonaparte, non encore assuré d’une victoire décisive, et prévoyant qu'il pourrait avoir à faire une retraite, nous proposait une alliance. Mais aujourd’hui qu’il est débarrassé des Autrichiens, que ses forces sont disponibles, qu’il peut faire de nous ce qu’il voudra, il n’a plus à s’occuper de nous rendre les provinces qui se sont détachées de nous ; aussi le traité qu’il aurait été possible de faire à Gorice n’est plus possible ici. Il nous l’a dit clairement, et par malheur la série des faits le démontre. « Nous avons le regret de ne pouvoir encore vous donner des détails positifs sur le traité de paix, le secret des conditions est impénétrable. Dieu veuille que ce mystère ne cache pas le partage des États de la république ! » XLVI. On voit qu’à l’époque de cette conférence, on ne savait pas encore l’issue de l’affaire de Vérone, qui en effet n’était pas terminée. On n’avait pas dit un mot de l’événement du Lido. De part et d’autre, on ignorait cet incident; les négociateurs marchandaient sur l’élargissement des détenus et sur le désarmement des milices. Pendant ce temps-là, des courriers étaient en route qui lui apportaient l’autorisation de promettre la mise eu liberté de tous les prisonniers et d’annoncer que le désarmement général était opéré. Les deux commissaires n’étaient pas encore partis de Léoben, lorsqu’ils reçurent la dépêche du sénat, qui leur donnait des instructions sur la manière dont il fallait présenter l’affaire du Lido. Ils furent tellement effrayés de ses conséquences qu’ils n’osèrent pas la traiter de vive voix. Ils expliquèrent par une lettre, le mieux qu’il leur fut possible, l’outrage fait au pavillon français, et se hâtèrent de partir ; mais à peine étaient-ils à quelques postes de Léoben, qu’un autre courrier de Venise les rencontra. Celui-ci leur portait l’avis de l’entrée des Français dans Vicence et dans Padoue, et de la révolution qu’on y avait fait éclater. L’état des choses changeait à tout moment. Il fallait bien cette fois hasarder une entrevue avec un général irrité. Ils allèrent l’attendre à l’alma-Nova, et, à son arrivée, sollicitèrent une audience par celte lettre : « Il n’y a plus dans la terre-ferme un homme resté fidèle au gouvernement qui ne soit désarmé. Les intentions de votre excellence ne peuvent plus trouver la moindre opposition. Il semble que cet étal des choses doit déterminer la grande nation, que votre excellence représente si glorieusement, à ne pas agir d’une manière hostile contre un gouvernement qui désire de bonne foi l’amitié delà France, et qui est prêt à manifester, par tous les moyens, la sincérité de ses sentiments. « Si des circonstances impossibles à prévoir, ont amené des événements pour lesquels la république française se croie en droit d’exiger des réparations; si, au terme des plus glorieux succès militaires, elle jugeait que le gouvernement vénitien eût quelque chose à faire pour compléter le nouveau système d’équilibre politique que la France jugera à propos de donner à l’Europe, nous supplions votre excellence de s’expliquer. « La France, au point de grandeur où elle est