2C2 HISTOIRE DE VENISE. acquerrait même et qu’elle serait fortifiée de la protection de la France. «Enfin nous le limes avec beaucoup de peine consentir à un armistice de six jours ; et comme nous tenions beaucoup à avoir quelques assurances écrites, nous reçûmes la lettre ci-jointe du général lier-thier. » Elle portait que le général en chef ne pouvait entrer en explication, si, avant tout, le grarid-conscil ne faisait arrêter et punir d’une manière exemplaire les inquisiteurs et l’amiral. Les commissaires se félicitaient de ce que cette lettre ne demandait pas formellement la mort, mais seulement la punition de ces personnages. Pendant les quatre ou cinq jours de l’armistice, la marche Trévisane et la Polésine de Rovigo virent le lion de Saint-Marc renversé, de nouvelles autorités établies ; de sorte que, de toutes ses possessions en Italie, il ne restait plus à la république que les lagunes; et le quartier-général de l’arinée française était à Mestre. LeministredeFrance réitéra, sous la forme d’une note, toutes les demandes du général. Pour augmenter l’angoisse des membres de la conférence, le bruit se répandit qu’il existait une conjuration, dans laquelle étaient entrés jusqu’à seize mille citadins, déterminés à verser tout le sang patricien, si on ne changeait pas la forme du gouvernement. On recevait des rapports qui faisaient douter de la fidélité des troupes esclavonnes. On disait qu’elles voulaient piller la ville. On proposa de les éloigner, et, en attendant, on fit suspendre tout envoi de recrues. VIII. Dans la matinée du 4, le grand-conseil s’assembla, avec le même appareil de terreur qu’on I avait vu deux jours auparavant ; et le doge , d’une voix tremblante, proposa une résolution, qui passa à la majorité de sept cent quatre voix contre dix, non compris douze voix nulles. Elle portait que le grand-conseil, prenant confiance dans la possibilité de faire cesser les différents qui s’étaient élevés entre les deux républiques, autorisait ses commissaires à promettre tout ce qui serait nécessaire pour opérer une réconciliation; qu’ils pourraient même stipuler des conditions relatives à la constitution de l’État, sous la réserve de la ratification du grand conseil. A l’égard desdispositionspréliminairesqui étaient exigées, on décréta l’arrestation des inquisiteurs d’Etat et du commandant du Lido. Les avogadors furent chargés d’informer contre eux, pour qu’ils pussent ensuite être jugés par le grand-conseil. Le lendemain, il y eut une nouvelle conférence chez le doge; on y proposa encore de traiter pour la reddition de la capitale, en ne demandant des sûretés que pour la vie des habitants et pour le respect des lieux saints, et en stipulant que l’arsenal resterait sous la garde des troupes vénitiennes. On s’occupait déjà de rédiger ces articles, lorsque quel-ques-uns des assistants s’opposèrent vivement à ce que Venise se rendit à discrétion. Ils furent traités de jeunes imprudents, qui voulaient exposer toute la nation à être passée au fil de l’épée. Ruzzini, l’un des sages, déclarait que Venise pouvait être prise en vingt-quatre heures; et, en général, on était si persuadé de l’imminence du péril, que le commandant des lagunes fut autorisé à traiter de la capitulation de la dominante, avec les Français, s’ils se présentaient, et même à consentir à une contribution. Il est vrai qu’on lui recommandait la religion, la liberté, l’indépendance de la république, la monnaie, la banque, l’arsenal, les armes, les munitions, la marine, les archives, les vies et les propriétés des citoyens, la sûreté des ministres d’Angleterre et de Russie; et qu’on le chargeait en outre de stipuler que nul ne pourrait être recherché pour sa conduite antérieure, le tout sous la réserve de la ratification. C’était supposer que cet officier pourrait obtenir ce qu’on n’espérait pas soi-même. Le général en chef était parti pour Mantoue; de là il avait poussé jusqu’à Milan. On n’avait point de nouvelles des commissaires; l’armistice expirait; on en obtint la prorogation des généraux restés au bord des lagunes. Déjà trois fois on avait mis en délibération si on ne renverrait pas en Dalmatieles onze mille Escla-vons qui encombraient Venise. Cette troupe commençait à manifester un esprit d'insurrection. Des gens qui avaient pris le parti de ne pas se défendre, ! ne pouvaient voir, dans la présence des soldats, qu’un danger de plus. On se détermina, le 8 mai, à leur payer leur solde arriérée, et à les embarquer. Plusieurs membres du conseil voulaient s’opposer à cette mesure, lorsqu’on vint dire que la révolution allait se consommer dans Venise le lendemain , et que les Esclavons eux-mêmes planteraient l’arbre de la liberté. Cet avis porta le découragement au dernier point. Le doge, qui, dans la séance de ce jour, avait proposé de déposer les marques de sa dignité, et de remettre les rênes du gouvernement, était hors d’état de prendre un parti. Ces alarmes extrêmes étaient assurément prématurées : Venise, abandonnée de tout l’univers, et réduite à ses lagunes, n’était pas, il est vrai, capable de résister à la France; mais ces mêmes lagunes étaient un obstacle que l’armée française n’aurait pu franchir de longtemps. 11 fallait préparer une flottille; chercher, la sonde à la main, la direction de canaux sinueux, au milieu d’une vaste inondation où les balises ne marquaient plus la route; s’é-