230 HISTOIRE DE VENISE. les salles du palais, et criait que, bien loin de consentir à se laisser désarmer, elle voulait escalader les forts et exterminer tous les Français. On demandait le signal de l’attaque. Nous sûmes même que, clès la veille, le peuple, de son propre mouvement, avait dépêché un courrier au général autrichien Laudon, pour l’inviter à venir au secours de Vérone. Enfin 011 parlait de nous arrêter. Dans cet état de choses, ne pouvant calmer un peuple en effervescence, ne voulant point occasionner une déclaration de guerre, en ordonnant l’attaque des châteaux, qui avaient cessé de faire feu ; craignant de compromettre le gouvernement par notre présence, nous primes le parti de nous retirer. » On voit que, dans cc rapport fait à leur gouvernement, le provéditeur et le podestat ne nient point l’assassinat d’un chef de bataillon et de trois Français, antérieurement aux décharges de l’artillerie des châteaux; qu’ils ne dissimulent point les massacres qui signalèrent cette horrible journée, et dont en effet près de cinq cents Français, même ceux qui se trouvaient dans les hôpitaux, furent victimes (1) ; qu’enfin ils conviennent que la veille, c’est-à-dire dans un moment où on ne pouvait pas prévoir que les Français tireraient sur la ville, on avait envoyé demander du secours au général autrichien le plus voisin. XL. Je vais continuer d’analyser les relations vénitiennes. Le lendemain 18, il y eut un combat de cinq heures, qu’on interrompit pour parlementer. Le général persista dans les conditions qu’il avait exigées la veille. On convint d’une courte trêve. Pendant qu’on négociait, le peuple, toujours plus furieux, cria qu’il voulait que les Français évacuassent les forts et traversassent la ville désarmés, ou bien qu’il allait donner l’assaut. Les châteaux recommencèrent leur feu. Les Vénitiens y répondirent si vivement, que, dès le soir, ils furent sur le point de manquer de munitions; les Français firent plusieurs sorties, qui ne leur réussirent pas. Dans la ville, plusieurs édifices étaient détruits, quelques autres étaient en flammes. (1) « A Vérone, oii le parti du sénat dominait, et que Pesaro avait fait le point d’appui de son parti, le peuple, les militaires, les magistrats éclatèrent contre les Français : nombre de ceux-ci furent arrêtés dans les maisons, et 400 de nos malades furent égorgés dans les hôpitaux. Les Français durent s’enfermer dans les forts extérieurs de Vérone, et dans celui qui avait été pratiqué dans l’intérieur au débouché du troisième pont. » (Mémorial de Sainle-Hélène, tom. iv, pag. 40.) (2) « Au lieu de réprimer ce dangereux mouvement, le parti de Pesaro s’y livra tout entier, soit qu’il crût réellement à la perte de Joubert, soit qu’il ignorât que le corps de réserve de Victor, déjà assez près do Vérone, accourait Le sénat ordonna au provéditeur-général qui était à Vicence, de se porter au secours des Véro-nais avec des troupes et de l’artillerie. 11 amena à peu près deux mille hommes. Le 21, les châteaux tirèrent à boulet rouge. Les assiégés voyaient grossir les troupes ennemies, et savaient qu’une colonne autrichienne approchait. Ils manquaient de pain, la vie de quelques-uns de leurs compatriotes, non encore massacrés, était au pouvoir des Véronais. Au milieu de toutes ces anxiétés, ils découvrirent, du haut du château Saint-Félix, une colonne qu’ils reconnurent bientôt pour être française. C’était le général Chabran, amenant un secours de douze cents hommes; il avait passé sur le ventre à un corps nombreux de paysans, soutenu par mille hommes de troupes réglées, et lui avait pris douze pièces de canon. En approchant de la ville, il demanda à y cnlrer, et celte demande était, selon l’usage, accompagnée de la menace de mettre la ville en cendres, si les portes tardaient à s’ouvrir. Son arrivée donna lieu à une correspondance, puis à quelques ouvertures de négociation, puis à une entrevue. Mais le peuple, quoique sous les armes depuis quatre jours, n’avait rien perdu de sa fureur; son exaltation ne laissait guère les moyens de traiter ; la conférence fut rompue, les hostilités continuèrent pendant la nuit du 21 au 22. La journée suivante se passa en dispositions de la part des Français, en attaques infructueuses du général Chabran contre la ville, en correspondances qui n'interrompaient point la canonnade et le bombardement. Le 25, le général Balland reçut la nouvelle de la signature de la paix entre la république française et l’empereur; il en fit part à la ville; dès-lors, plus d’espoir pour les habitants d’être secourus par les troupes autrichiennes; toute l’armée française devenait disponible pour les punir. On convint d’une suspension d’armes* On sut que le général Victor avançait avec un corps de six mille hommes; alors les Vénitiens désespérèrent du succès, et les Français voulurent que le traité qu’ils allaient accorder à Vérone lut une capitulation (2). XL1. Des parlementaires de la ville se présentè- en toute hâte ; soit enfin qu’aveuglé par la haine, il espérât détruire tous les novateurs et avoir le temps d’en faire un grand exemple ; soit pour satisfaire la vengeance de l’oligarchie ; il inonda la terre-ferme de détachements d’Escla-vons, et poursuivit les patriotes avec fureur en sonnant le tocsin et faisant retentir partout le cri de Mort aux novateurs et à leurs partisans ! o Quoique tard, la division Victor arriva enfin de l’cxpé-dilion de Rome, et Vérone fut bientôt bloquée par. une armée. Toutefois les insurgés firent une vive résistance. 11 ne cédèrent qu’à des forces supérieures et à des attaques réitérées, et se maintinrent jusqu’au 24 avril. » (Mémorial de Sainle-Hélène, tom, iv, pag. 41.)