2C8 HISTOIRE DE VENISE. système d'arrangement, qui conciliait plusieurs intérêts. La France devaitacquérir la Belgique, et avoir le Rhin pour limite, sauf à laisser le duché de Clèves au roi de Prusse, s’il se refusait à accepter un équivalent en Allemagne. L’empereur devait renoncer à Mantoue, à Ber-game, à Brescia, c’est-à-dire à la partie des provinces vénitiennes situées sur la rive droite de l’Adige, et recevoir en compensation, en Italie, la ville de Venise, en Allemagne, les évêchés de Salz-bourg et de Passau. Ce nouveau projet trouva le cabinet autrichien peu empressé de conclure; on multiplia d’abord les demandes incidentes, ensuite on déclara nettement qu’on ne pouvait signer la paix que dans un congrès, où les alliés seraient appelés : il est vrai qu’on offrait de régler d’avance le sort de l’Italie et de l’Allemagne, par des conventions secrètes. Toutes ces subtilités dilatoires prouvaient évidemment que l’Autriche croyait entrevoir dans l’avenir des chances plus favorables. « Je ne sais, h écrivait le général Bonaparte, à quoi attribuer « les longueurs de la négociation, si ce n’est à la « situation intérieure de la France. » En effet, une révolution s’y préparait ; et un mois après, 011 vit une partie des membres du gouvernement et des conseils proscrits par l'autre, et le désert de Sinamari peuplé de sénateurs. L’Autriche avait espéré un tout autre résultat de ces discordes intestines. i Dans ce moment, ses plénipotentiaires se refusaient à céder Mantoue, et demandaient, en dédommagement de la Belgique et du Milanais, non-seu-lement tout le territoire vénitien, sans en excepter (1) Voici le récit du négociateur français, ch. 21 de ses Mémoires. « Le 16 octobre, les conférences se tinrent à Udine, chez le coinle de Cobenzcl : le plénipotentiaire français récapitula en forme de manifeste, pour être inscrite au protocole, la couduile de son gouvernement depuis la signature des préliminaires de Léoben, et renouvela en môme temps son ultimatum. Le comte de Cobenzel parla fort longtemps pour prouver que les indemnités que la France offrait à son maître n’équivalaient pas au quart de ce qu’il perdait; que la puissance autrichienne serait considérablement affaiblie, dans le temps que la république serait tellement augmentée que l'indépendance de l’Europe en serait menacée ; que , Itioycnnant la possession de Mantoue et la ligne de l’Adige, la France joindrait au domaine des Gaules celui de toute l’Italie; que son maître était irrévocablement résolu h s'exposer i toutes les chances de la guerre, à abandonner même sa capitale, plutôt que de consentir à une paix aussi désavantageuse; que Catherine lui offrait des armées, qu’elles étaient prêles à s’avancer à son secours et qu’on verrait ce qu’étaient les troupes russes; qu’il était évident que le plénipotentiaire français faisait céder son caractère pacifique à ses intérêts comme général. qu’il ne la capitale ni les îles, mais encore les trois légations ecclésiastiques et le Ferrarais. De son côté, le directoire élevait aussi scs prétentions, et ne voulait plus permettre à l’empereur d’occuper Mantoue, ni Venise, ni les provinces italiennes de cette république, ni le Frioul : on lui laissait seulement l’Islrie avec la üalmatie, sauf à lui de chercher d’autres indemnités en Allemagne, en prenant possession de Salzbourg et de Passau. Un nouveau plénipotentiaire de l’empereur vint faire des demandes encore plus exorbitantes. L’empereur, cette fois, ne consentait à céder que la partie de la Lombardie située sur la rive droite de l’Adda. Il exigeait tout le territoire compris entre ce fleuve et la mer, ce qui emportait le duché de Mantoue et la totalité de l’Etat vénitien; et il persistait dans la demande des trois légations, en y ajoutant le duché de Modène. Jamais on n’avait été plus loin de s’accorder. XV. Tels étaient l’attitude de l’armée française et le ton imposant qu’avait su prendre son général, que dix jours après, c’est-à-dire le 17 octobre 1797, le traité de Campo-Formio fut signé (1). L’empereur céda les Pays-Bas à la France, en consentant à ce qu’elle eut le Rhin pour limite. II ne conserva en Italie, ni la Lombardie, ni Mantoue, ni ses prétentions sur Modène et sur les légations, et au lieu de recevoir en indemnité la totalité des États vénitiens, il les partagea avec la France et la république cisalpine. Plus d’une fois, dans le cours de ces négociations, les deux parties semblèrent avoir oublié leurs inimitiés, pour ne s’occuper que d’un même objet, celui d’arranger leurs différents aux dépens d’autrui. Les échanges, ou plutôt les abandons de terri- voulail pas la paix. Il ajouta qu’il partirait dans la nuit, et que tout le sang qui coulerait dans celte nouvelle lutte retomberait sur le plénipotentiaire français. « C’est alors que Napoléon, avec le plus grand sang froid, mais vivement piqué de cette jactance, se leva et prit sur un guéridon un petit cabaret de porcelaine que le comte de Cobenzel affectionnait, comme un présent de l’impératrice de Russie : « Eh bien, dit-il, la paix est donc rompue et la « guerre déclarée; mais ressouvenez-vous qu’avant la fin de « l’automne je briserai votre monarchie comme je brise « cette porcelaine. » Au même moment il la jeta à terre avec vivacité ; elle couvrit le parquet de ses débris. Il salua le congrès cl sortit aussitôt. Les plénipotentiaires autrichiens restèrent interdits. Peu après ils apprirent qu’en montant en voiture, Napoléon avait expédié un officier au général autrichien pour le prévenir que les négociations étaient rompues et que les hostilités commenceraient sous vingt-quatre heures. Ils envoyèrent le marquis de Gallo a Passeriano porter la déclaration signée par eux qu’ils adhéraient à l'ultimatum de la France.Le lendemain 17 octobre la paix fui signée à 5 heures du soir. »