LIVRE XL. 513 dire a» poète Spagnoli, surnommé le Mantouan, que Venise surpassait Alhènesdans les arts, comme elle avait éclipsé Sparte et Argos par ses exploits. Cet éloge est une hyperbole poétique sans doute; mais on peut excuser l'enthousiasme qu’inspirait la vue d'une telle réunion, et il fallait bien que l'admiration fût générale pour que le poète ne craignit pas d’ètre démenti par la voix publique. Celle société qui, dans le principe, n’avait pour but que de contribuer à la propagation des lettres, ne subsista pas longtemps ; elle fut, en 1888, rétablie, constituée et dotée par la munificence de Frédéric Badouer, qui, en traçant le plan de son organisation, lui fit embrasser le cercle des connaissances humaines. Cependant elle avait fait le choix de ses travaux avec autant de discernement que de modestie. Ses membres s’étaienl proposé de recueillir de nouveaux ouvrages pour en enrichir la bibliothèque de Saint-Marc, et de publier successivement les manuscrits existants dans ce dépôt, en y ajoutant au besoin des traductions ou des commentaires. Il suffit d’énoncer ce projet pour faire regretter que ces travaux aient été interrompus, et que cet exemple n’ait pas été imité. Mais deux ans après le rétablissement de cette utile académie, liadoucr, son second fondateur, fut arrêté sans qu’on en ait jamais su la raison; relâché, puis arrêté encore en 1861. Il n’en fallait pas tant, dans un gouvernement comme celui de Venise, pour amener la dissolution d’une société dont le chef paraissait suspect. Les académiciens se dispersèrent. Au bout de trente ans l’autorité songea à rétablir ce qu’elle avait détruit : une nouvelle société fut formée sous le nom d’académie vénitienne. On lui assigna une des salles de la bibliothèque de Saint-Marc, pour y tenir scs séances; mais les Navagier, les Uembo, les Ramu-sio, n’existaient plus, le zèle s’était refroidi, et la nouvelle académie n’eut ni de l’éclat, ni une longue existence. Tant que ces réunions avaient été libres, les académies s’étaient multipliées. Je pourrais les appeler en témoignage du goût des Vénitiens pour les lettres, sans dissimuler cependant que toutes ne sont point parvenues au même degré de célébrité, et que ces sociétés n’ont été quelquefois que des réunions agréables; mais du moins c’étaient de nobles plaisirs qu’on venait y chercher. Elles encourageaient les arts, elles en supposaient le goût, si elles ne prouvaient pas le talent, et plusieurs d’entre elles se sont distinguées par d’utiles travaux, notam- « comme pauvres et en apparence d'humilité. Peu à peu, « amassant je ne sais comment des richesses et gagnant du » terrain pied à pied, ils sont venus jusqu’à former le des-« sein de se faire à t'adouc monarques du savoir, si encore ment à Venise, l’académie Justinienne, qui sc consacrait à l'exercice de l’art oratoire; l’académie Délia Fama, qui se proposait spécialement la publication des anciens manuscrits; à l’adoue, celle des Éthérécris, qui date de 11565; une autre société formée sur le modèle de l’académie des belles-leltres de Paris ; l’académie de chirurgie, fondée en 1780; à Vérone, la société philharmonique, instituée d’abord en faveur de la musique, mais qui s’occupait aussi des belles-leltres, des mathématiques et de l’astronomie ; l’académie des Coslunti, composée de quarante gentilshommes, qui pensionnaient un grand nombre de professeurs, et la société olympique de Vicence, qui a contribué puissamment à la renaissance de l’art dramatique. Les principales bibliothèques de Venise durent leur fondation à d’illustres étrangers, Pétrarque lut le premier bienfaiteur de la bibliothèque de Saint-Marc; le cardinal Bessarion y ajouta pour trente mille éeus do livres. Le professeur Melchior Wie-land, natif de Marienbourg, mérite d’être cité après ces noms illustres, pour avoir acquitté en 1889, par le legs de sa bibliothèque, lis bienfaits qu’il avait reçus du gouvernement vénitien. Cosnicde Médicis, exilé de sa patrie par les factions, paya noblement aussi l’hospitalité qu’il recevait à Venise, en y faisant bâtir, pour les bénédictins de Saint-George, une bibliothèque qu’il remplissait de manuscrits rassemblés à grands frais. En faisant cet aveu, je rends hommage à la générosité des donateurs, sans rien ôter à la gloire des Vénitiens. C’est à Pétrarque que toute l’Europe moderne doit la première connaissance des chefs-d’œuvre de l’antiquité, c’est à Cosinc de Médicis que Florence et Paris sont redevables des premières collections de manuscrits qu’on y ait vues. Catherine, son arrière-petite-fille, apporta en France tous ceux qui lui étaient échus dans le partage de sa succession. Après sa mort scs créanciers les mirent en vente. De Thou les acheta de ses deniers et en enrichit la bibliothèque royale. La collection de Saint-Marc devint célèbre, non-seulement par les ouvrages dont l’enrichirent successivement Jérôme Justiniani, Jacques Nani, trois membres de l’illustre famille dcsContarini, Venturi Lonigo, Pierre Uorosini, le bailli Farsetti, le patricien Ascanio Molirio, et le médecin Nicolas Manuzzi, mais encore par les travaux des savants hommes à qui ce dépôt précieux fut confié, entre lesquels les amis des lettres ne peuvent se dispenser de nommer Antoine Zanelti et Jacques Morelli (1). I'adouc, Vérone, Trévise, Murano, eurent bientôt de vastes bi- «■ ils se contentent de si peu de chose. •> {¡¡¡st. abrégée des « jésuites, ch. 17.) (1) Il y avait pour la bibliothèque de Saint-Marc deux sortes de bibliothécaires ; l’un, pris pai miles patricien.', était