STATUTS DE L’INQUISITION. 337 dont il aura été l’objet, si cette tentative n’a pas été faite par notre ordre pour l’éprouver, et quand il n’aura pas procuré les moyens de saisir l'agent de cette intrigue, ce noble sera mis sous la surveillance particulière de deux observateurs, afin de parvenir à vérifier la sincérité de son rapport, et à découvrir si cette révélation n’aurait pas été faite malicieusement, et de concert avec un ministre étranger, dans la vue d’écarter les soupçons. Dans ce cas, après avoir déjoué la ruse par la ruse, le tribunal sévira : le coupable subira la peine due à son crime, et l’ambassadeur la honte d'avoir échoué dans ses intrigues. 2G" Un autre genre de prévarication inconnu chez les anciens s’observe fréquemment, et excite une indignation générale. Si on n’y apporte remède, il peut s'accroître de jour en jour, et compromettre les plus grands intérêts de la république. On voit des sénateurs, des hommes revêtus des principales charges de l’État, versés dans les affaires depuis leur jeunesse, consommés, sortir tout-à-coup du sénat ou du collège des sages, pour entrer dans les dignités ecclésiastiques, soit que la cour de Home les ait gagnés, soit que de leur propre mouvement ils les aient sollicitées. On en voit même qui passent à la dignité la plus éminente, à celle de cardinal; de sorte que ces hommes, qui de leur vie n’avaient paru désirer aucun emploi dans le clergé, qui ont rempli des ambassades, qui étaient absorbés dans les affaires, initiés dans les maximes du gouvernement, accoutumés à prononcer sur les plus grands intérêts, environnés d’honneurs, comblés de récompenses, désertent la patrie, et vont paraître, revêtus de dignités nouvelles, à la cour d’un prince étranger, avec lequel la république a eu souvent des différents, et qui a toujours été un objet d'inquiétude pour nos ancêtres. Il est difficile de se persuader que la cour de Home ne fasse de pareils choix que pour récompenser des vertus éminentes; car ces mêmes vertus on peut les trouver dans des sujets qui ont embrassé l’état ecclésiastique dès leur jeunesse, et qui en ont rempli les fonctions pendant de longues aimées avec l’édification générale, même dans les prélatures. 11 est donc permis de croire que la cour de Rome a pour objet d'affaiblir nos conseils, en en retirant les hommes les plus versés dans les affaires publiques, et même on pourrait ajouter qu’elle cherche à s’attacher, en leur créant une nouvelle fortune et de nouveaux intérêts, ceux qui sont initiés aux secrets les plus importants de notre sénat. Si ces grâces ont été sollicitées, ce n’est pas un moindre mal; car si les Vénitiens parviennent aux dignités de l’Église plus rapidement, et à moins de frais que les sujets des autres nations, il faut bien qu’ils aient acquis des droits par d'autres moyens, et ce ne peut être qu’aux dépens de la république ; la cour de Itome n’étant pas dans l’usage de donner pour rien des dignités si ambitionnées. L’expérience ne confirme que trop ce soupçon. Ces promotions subites et inattendues n’ont jamais lieu en faveur de personnes étrangères au gouvernement; elles tombent précisément sur ceux qui y ont eu le plus de part. C’est à peu près de l'année 1830 que date cet abus, c’est-à-dire de la promotion au cardinalat de Bernard Navagier, qui était alors sage du conseil ; mais il ne voulut accepter cette dignité qu’après y avoir été autorisé par une délibération du sénat. On en vit un second exemple en 1393, lorsque le pape Clément VIII nomma le procurateur Jean Deltino à l’évêché de Vicence. Il est remarquable que ce pape prit soin d’éviter le mauvais effet que cette nouveauté devait produire, en chargeant son nonce de demander une audience au collège, et de le prier d’avoir cette nomination pour agréable, en considération de l’affection du souverain pontife, qui avait toujours été l’allié de la république; mais depuis, toutes ces formalités ont été omises, et les membres du sénat, abandonnant leur carrière naturelle, se trouvent tout-à-coup revêtus de dignités ecclésiastiques, et dévoués à un prince étranger. Il importe que, dans sa sagesse, le gouvernement prenne une résolution vigoureuse sur tous ces changements imprévus. Il faut bien que la voie reste toujours ouverte à qui veut entrer dans l’état ecclésiastique ; mais il n’importe pas moins d’interdire tous les moyens de sortir du sénat à ceux qui sont initiés dans les intérêts de l’Ëtat. En conséquence le tribunal arrête les dispositions suivantes; mais avec cette restriction que l’exécution en demeurera suspendue jusqu’à ce que nos premiers successeurs les aient examinées. S’ils les approuvent, ils les signeront, et ensuite les soumettront au conseil des Dix, qui en délibérera au scrutin secret. Si les suffrages de ce conseil confirment aussi ces nouvelles dispositions, elles seront communiquées aux sages, pour être observées dans l’occurrence. En voici la teneur : Quand un noble aura été pendant dix ans admis aux secrets de la république, c'est-à-dire quand il aura rempli les charges de sage du conseil, ou de terre-ferme, ou d’ambas-deur près d’une tête couronnée, il ne pourra plus être élevé à une prélature sans encourir l’indignation publique, dont les effets seront la privation du temporel du bénéfice, s’il est situe dans le domaine de l’État, l’exclusion immédiate de tousses parents au premier et au second degré de tous titres ou magistratures donnant entrée au sénat, et cela pendant toute la vie du prélat nouvellement nommé. La dignité de patriarche de Venise n’est point comprise dans le nombre de celles qu’il est défendu