LIVRE XXIX. 09 L’ambassadeur de France, Léon Brulard, se mêla j assez mal-à-propos de cette recherche. La cour de : France montra beaucoup de zèle pour déterminer la république à abandonner ses théologiens, que le ! pape voulait obliger à faire pénitence. On vit les mi- j nistres de Henri IV négocier auprès du gouverne- j inent vénitien, pour obtenir qu’un père I'ulgence, disciple de fra l’aolo, ne prêchât point l’Avent dans la chapelle ducale de Saint-Marc. Les tentatives d’assassinat contre le consulleur de la république se renouvelèrent, et il finit par être condamné à Rome, où il se garda bien de compa- j raltre. Lorsque après sa mort les Vénitiens voulurent élever un monument à l’homme qui avait con- j sacré sa vie et ses talents à la défense des droits de I la république, le pape Urbain VIII leur fit signifier -qu'il était déterminé à se porter aux dernières ex- ! trémités plutôt que de le souffrir. Le gouvernement, qui ne voulait pas s’engager dans de nouvelles discussions avec la cour de Rome, fit retirer le monument de chez le sculpteur. XV. La vivacité du pape Paul V se trouvait dé- que son 110m fût parvenu chez les hommes qui les premiers avaient vu la lumière. Ensuite il s’expliqua sur le peu d’ac-cord des théologiens, notamment au sujet des paroles hoc ! est corpus tneum, et Linckh lui ayant demandé par quel J moyen il espérait amener le succès de l’œuvre commencée, le servile ajouta que ce serait l’ouvrage de Dieu, qu’il était à désirer que la réformation s’établit dans les provinces ' allemandes qui confinent au territoirede Venise, notamment dans la Carinthie et la Carniole, parce qu’elles sont placées filtre l’islrie et le Frioul vénilien; qu’il importait que les princes protestants entretinssent des rapports plus intimes ! avec la république; qu’ils eussent constamment des agents J à Venise, et que ces agents y exerçassent leur culte, parce ' que les prédications des ministres produiraient un bon effet j et ouvriraient les yeux du peuple, qui ne faisait point de «JifFûrence entre les luthériens et les mahomélans. Autrefois, disait-il, on ne regardait pas ici les Anglais comme chrétiens; depuis qu’ils y entretiennent un ambassadeur, on a l"is une tout autreidéede leur religion. Les différents entre la cour de Rome et la république ne sont pas tellement j al>aisés qu’il ne reste bien des ressentiments dont il serait ficile de profiler : il ajoutait qu’on s’étonnait beaucoup de ’ Crande faveur que le roi de France témoignait aux jésui- lps, etc. Je me borne à rapporter ce passage. On sent qu’avant d'admettre deux faits aussi extraordinaires qu’une telle profession de foi faite par lin homme revêtu de l’habit monastique, et l’existence d’une société secrète de mille protestants à Venise, on est en droit de demander si le rapport de cet agent palatin est bien authentique, et, en supposant qu’on le produisit, il resterait encore à examiner si l’auteur | oe s’est nas trompé ou n’a pas été trompé. Au reste, l’ortho- | doue de fra Paolo a été défendue dans un ouvrage récent, ! intitulé : Justification de fra Pitolo Sarpi ou Lettres 'l'un prêtre italien (M. de Goi.a, Génois) à lin magistrat français, sur le caractère et les sentiments de cet homme Célèbre. Paris, in-8", 1811. concertée par la résistance mesurée, mais inflexible, que lui opposait le sénat de Venise. Plus d’un an s’était écoulé depuis la publication de l’interdit, sans que la moindre agitation se fût manifestée dans l’Etat, sans que le service divin y eût été interrompu; les censures, en vieillissant, ne pouvaient que perdre de leur autorité; et le gouvernement, qui les avait déclarées nulles, ne voulait pas même demander à en être absous. Les médiateurs qui s’élaient entremis dans cette affaire recevaient pour toute réponse l’invitation de s’adresser à celui qui était le seul promoteur de la querelle, et qui avait entre ses mains le moyen de la faire cesser, en révoquant des actes également injustes et inutiles. Pendant cette longue négociation, le roi d’F.spa-gne se décida à écrire à Paul V une lettre où il lui promettait des secours plus efficaces. Cette letlre rendit le courage au pape. Il se refusa à tous les projets d’accommodement; mais bientôt il s’aperçut, par l’inaction des Espagnols, que leur menace n’avait eu pour objet que d’empêcher les Vénitiens d’accepter la médiation de la France. Philipppe III Voltaire, dans Vl'ssai sur les moeurs, cbap.174, réfute une anecdote qui a beaucoup de rapport à celle de M. Lc-bret. a Daniel, dit-il, raconte une particularité qui parait bien extraordinaire, et il est le seul qui la raconte. Il prétend que Henri IV, après avoir réconcilié le pape avec la république de Venise, gâta lui-même cet accommodement en communiquant au nonce, à Paris, une lettre interceptée d’un prédicant de Genève, dans laquelle ce prêtre se vantait que le doge de Venise et plusieurs sénateurs élàient protestants dans le cœur, qu’ils n’attendaient que l’occasion favorable de se déclarer, que le père Fulgentio, de l’ordre des servîtes, le compagnon et l’ami du célèbre Sarpi, si connu sou3 le nom de fra Paolo, travaillait e/ficacement dans celte vigne. 11 ajoute que Henri IV fit montrer cette letlre au sénat par son ambassadeur, et qu’on en retrancha seulement le nom du doge accusé. Mais après que Daniel a rapporté la substance de cette lettre, daus laquelle le nom de fra Paolo fut cité et accusé dans la copie de la letlre montrée au sénat, il ne nomme point le pasteur calviniste qui avait écrit celte prétendue lettre interceptée. Il faut remarquer encore que dans cette lettre il élait question de.) jésuites, lesquels étaient bannis de la république de Venise. Enfin Daniel emploie cette manœuvre qu’il impute à Henri IV, comme une preuve du zèle de ce prince pour la religion catholique. C’eut élé un zèle bien étrange dans Henri IV de mettre ainsi le trouble dans le sénat de Venise, le meilleur de ses alliés, et de mêler le rôle méprisable d’un brouillon et d’un délateur au personnage glorieux de pacificateur. 11 se peut faire qu’il y ait eu une lettre vraie o.i supposée d’un ministre de Genève; que cette lettre même ait produit quelques petites intrigues fort indifférentes aux grands objets de l’histoire; mais il n’est point du tout vraisemblable que Henri IV soit descendu à la bassesse dont Daniel lui fait honneur : il ajoute que quiconque a des liaisons avec tes hé reliques est de leur religion, ou n’en a point du tout. «