3ÍÍ0 HISTOIRE DE VENISE. nications que le ministre pourrait avoir avec un patricien; et si on découvre quelque chose, la prudence des inquisiteurs les portera à constater le rapport de leur agent par quelque autre témoignage, pour pouvoir procéder ensuite avec plus de vigueur et de sûreté. Si, d’après la connaissance du caractère du patricien, on rie peut pas lui supposer de mauvaises intentions, il sera mandé, on l’avertira de son imprudence, et on lui ordonnera de cesser tout commerce avec cette courtisane, et de se conduire dorénavant avec plus de circonspection, s’il ne veut pas s’exposer par son imprudence à être puni sévèrement. 10° Tous nos ambassadeurs et tous les recteurs sont dont l’usage de tenir un registre de toutes les lettres qu’ils écrivent au sénat pendant leur mission: il a été reconnu de tout temps que ce registre leur était nécessaire; niais il avait été réglé qu’à leur retour ils devaient le remettre à la chancellerie ducale, pour être déposé en lieu de sûreté, et gardé avec tout le soin nécessaire. Il est arrivé que quelques-uns de ces fonctionnaires ou ont négligé de faire le dépôt de ce registre, ou en ont gardé copie par devers eux. A leur mort, leurs héritiers n’y attachent pas la même importance, et il y en a qui ont été vendus au poids. Les agents du tribunal en ont découvert et apporté des feuillets épars qui contenaient des secrets intéressant le gouvernement ou des puissances étrangères. Quoique par le laps du temps ces secrets fussent devenus d’une moindre conséquence, comme les affaires d’Élat ne cessent jamais d’en avoir, le tribunal arrête qu’il sera sévèrement recommandé à tous les fonctionnaires de terre et de mer, ambassadeurs ordinaires et extraordinaires, résidents et autres ministresqui son tdans l’usage de correspondre avec le sénat, de déposer à leur retour leur registre authentique à la chancellerie ducale, et en le remettant d’écrire sur le premier feuillet un serment attestant qu’ils n’en ont point gardé copie. Cette obligation imposée par le présent article sera énoncée dans toutes les commissions qui seront expédiées à la chancellerie ducale lors du départ de ces fonctionnaires, afin qu’ils n’en puissent prétendre cause d’ignorance; et comme le dépôt de tous ces registres finirait par occasionner un encombrement de papiers, attendu aussi que la plupart des recteurs n’ont que rarement l’occasion de traiter des affaires secrètes, le magnifique grand-chancelier aura soin de charger tin des secrétaires de la chancellerie ducale d'en faire le triage, de mettre à part ceux qui paraîtront de quelque intérêt, pour être gardés, classés et inventoriés, de manière à ce qu’on puisse les trouver facilement au besoin : ceux qui ne contiendront que des affaires ordinaires et non secrètes seront aussi tenus en or- dre, mais dans un lieu séparé, afin qu’il n’y ait point de confusion. 11° Durant le dernier interdit, qui fut une censure pleine de nullités inutiles à énumérer ici, on a eu occasion de remarquer que quelques nobles revêtus d’une magistrature civile ou criminelle dans cette ville, et quelques recteurs du dehors, ayant été chargés par le conseil des Dix, selon la forme accoutumée de ce tribunal et par un mandat spécial, de prononcer contre des ecclésiastiques coupables, ont paru s’en faire quelque scrupule. D’abord ils ont cherché à faire traîner l’affaire en longueur sous divers prétextes, ensuite ils ont déclaré positivement qu’ils ne pouvaient pas s’ingérer dejuger des personnes revêtues d’un caractère sacré. Il en est résulté beaucoup d’inconvénients; d’abord ceux qui avaient à se plaindre de ces ecclésiastiques n’ont pu obtenir la justice qu’ils réclamaient; en second lieu, le refus de ces magistrats a été une espèce de blâme pour ies autres, et a fait taxer de manque de piété ceux qui s’étaient montrés moins scrupuleux; il en est résulté enfin que la juridiction de l’autorité souveraine a été méconnue, et que les maximes de la république ont été violées. Il est nécessaire de trouver un remède à ce mal, qui pourrait s’accroître si on fcignaitde l'ignorer; en conséquence le tribunal arrête que le conseil des Dix ne déléguera à aucun recleur du dehors la faculté de juger les ecclésiastiques qu’autant que ce recteur, en rendant compte du fait qui doit être l’objet du jugement, aura exprimé le vœu de voir ce fait jugé par l’autorité séculière : cette opinion garantira suffisamment que le recteur ne se fera pas scrupule de prononcer; mais si on n’a pas cette garantie de la part du recteur dans le ressort duquel le fait se sera passé, on renverra l’affaire à un autre, qui dans une circonstance semblable ait manifesté l’opinion que l’on vient d'indiquer. Quant aux magistrats de la capitale qui depuis longtemps sont dans l’usage de procéder contre les ecclésiastiques coupables, sans avoir besoin d’une délégation, ils seront mandés devant notre tribunal, et avertis que si quelqu’un d’entre eux avait des scrupules, il devrait s’abstenir do prononcer dans les affaires où un ecclésiastique serait impliqué; mais sansénoncer son scrupule, et en disant seulement qu’il se récuse, parce qu’il a intérêt dans l’affaire. Il laissera prononcer le jugement par ses autres collègues, sans confier à personne, soit à un ecclésiastique, soit à un séculier, soit publiquement, soit secrètement, pourquoi il s’est abstenu de juger ni les ordres qu'il avait reçus de nous à cet égard, et cela sous peine d’encourir l’indignation du gouvernement. Les généraux et les autres fonctionnaires, qui, à raison de la dignité de leur charge, jugent