228 HISTOIRE DE VENISE. Ils avaient vu des succès prodigieux, c'était une raison pour ne pas les croire durables; ils avaient vu deux ou trois armées autrichiennes détruites, mais ils en voyaient renaître d’autres, et avec elles les espérances d’une aristocratie dégénérée. XVII. Dans ce moment même 011 recueillait avec avidité les bruits d’un rassemblement de troupes considérable dans le Frioul autrichien. On parlait du général Alvinzi, qui devait venger les désastres de Wurmser et de Beaulieu. On voyait les Français resserrer leur ligne, et évacuer quelques places éloignées du théâtre des opérations militaires (octobre 1796). Le gouvernement autrichien donnait à l’Europe l’étonnant spectacle de ce que peuvent l’ordre et l’activité d’une administration soigneuse, quand elle dispose d’une population nombreuse et vaillante, déterminée à s’acquitter, par de généreux efforts, des bienfaits dont elle se reconnaît redevable envers scs princes. A la fin du dix-huitième siècle, comme dans les premiers temps du moyen âge, l’Italie voyait arriver sans cesse des bords du Danube de nouvelles armées qui traversaient en tout sens la belle Véni-lie ; mais cette fois ce n’étaient plus des Hérules, des Ostrogoths, des Ilungres, devant lesquels la population épouvantée fuyait pour se jeter dans les lagunes; c’étaient des libérateurs que les maîtres des lagunes appelaient de leurs vœux pour repousser d’autres étrangers. La partie des troupes du maréchal de Wurmser qui était restéedans les montagnes, celles qui, après être descendues dans la plaine, s’étaient retirées du combat assez à temps pour n’être pas coupées, avaient formé le noyau d’une nouvelle armée, qui se divisait en deux corps principaux : l’un, que l’opinion publique portait à cinquante mille hommes, était réuni dans le Frioul, sous le général Alvinzi ; l’aulre, d’environ vingt mille hommes, sous le général Davidowitch, occupait les hauteurs du Tyrol, que les Français venaient d’évacuer. O11 était au mois d’octobre 1796, l’armée française en Italie s’élevait à peine à quarante-huit mille hommes. On éprouvait les effets des discordes intestines. Le gouvernement, alors aux prises avec des ennemis domestiques, perdait sa force, sa prévoyance, son temps et sa considération. Cette faible armée, obligée de contenir une population malveillante, avaient deux divisions occupées à resserrer la nombreuse garnison de Mantoue, qui, par scs fréquentes sorties, semblait sans cesse aller au devant de l’armée qui devait la délivrer. En effet, le général Alvinzi s’avança jusque sur la Piave ; le général Masséna était posté sur la Brenta, ayant son quartier-général à Bassano. Il importait à sa sûreté que la division autrichienne restée dans le Tyrol 11e pût pas arriver sur lui par les gorges de la Brenta, pendant qu’il aurait en face l’armée principale. Pour éviter ce danger, le général Vaubois, chargé de tenir en échec le corps du Tyrol, reçut ordre de s’emparer d’un poste avancé près le village de Saint-Michel. Il réussit non sans beaucoup d’efforts à brûler le pont des ennemis; mais il fut repoussé, et suivi le long de la vallée de l’Adige jusqu’à Rivoli et à la Corona, où il prit position. Pendant ce temps-là, c’est-à-dire dans les premiers jours de novembre, le général Alvinzi avait passé la Piave, et le général Masséna, forcé de lui céder la ligne de la Brenta, s’était replié sur Vi-cence, où il avait été rejoint par la division du général Augereau. Le 55 novembre, ces deux divisions réunies se portèrent au devant de l’ennemi, l’attaquèrent vivement, et le jetèrent de l’autre côté de la Brenta. Mais les événements qui venaient de se passer dans le haut Adige, obligèrent le général en chef de porter toutes scs troupes dans cette vallée. Là il y eut, dans les environs de Vérone, un combat sanglantdont l’avantage ne demeura point aux Français. Le général Alvinzi, qui avait suivi ce mouvement, manœuvrait vers le bas Adige pour percer la ligne des Français, et pénétrer jusqu’à Mantoue. S’il avait eu le bonheur de parvenir devant cette place, il écrasait les deux divisions qui la bloquaient, se réunissait au maréchal de Wurmser; et l’armée française, séparée de la Lombardie par le Mineio, n’avait plus de retraite. XVIII. Le général français, après avoir repassé l’Adige à Vérone, fila le long do cette rivière, en la descendant par la rive droite jusqu’à la hauteur de Bonco. Là, il jeta un pont, se porta sur la rive gauche et attaqua les Impériaux près du village d’Ar-cole. Ce combat célèbre dura trois jours, les 13,16 et 17 novembre. 11 paraît que le point d’attaque n’avait pas été heureusement choisi ; des efforts de courage réparèrent cette méprise. Le général Au-gereu, saisissant un drapeau, se porta en avant des troupes rebutées par une attaque infructueuse. Le général en chef, pied à terre, à la tète du pont d’Arcole, qu’il s’agissait de franchir, appelait ses soldats, en leur demandant s’ils étaient encore les vainqueurs de Lodi. Ce fut là que, repoussés par un feu terrible, ils le renversèrent dans un marais; ce fut là que le général Lasncs, atteint déjà deux fois, vint recevoir à cette même place une troisième blessure. Le général Masséna pénétra jusque dans les quartiers des Impériaux ; et les généraux Verdier, Bon, Verne, Robert, Gardanne et Vi-gnolles, payèrent de leur sang une victoire attestée