1Î HISTOIRE I)E VENISE. pour avoir urie nouvelle conférence avec le pape, la république lui fit rendre de grands honneurs sur son passage; mais elle évita soigneusement d’entrer dans la ligue qu’il voulait former contre ce qu’il appelait les ennemis de l’empire. L’empereur, qui voulait rendre les Vénitiens suspects au sultan, pour les obliger à faire cause commune avec lui contre les infidèles, affecta de laisser croire qu’il était d’accord avec le sénat. Soliman en conçut quelque ombrage, mais le gouvernement vénitien réussit à dissiper ses soupçons. Quelques nuages s’élevèrent encore entre la l’orte et la république, notamment lorsque une escadre vénitienne ayant rencontré la nuit quelques galères turques, qu’elle avait prises pour des corsaires, les attaqua vivement, en coula deux à fond, et en amena cinq. Dès que l’erreur fut reconnue, on la répara le mieux qu’il fut possible, en renvoyant les galères et les prisonniers et en prodiguant aux blessés les soins et les égards. Ces réparations furent admises, et Soliman, qui, à la première nouvelle de ce combat, avait fait arrêter tous les vaisseaux vénitiens qui se trouvaient dans ses ports, ne tarda pas à les relâcher. Pendant ce teraps-là les armées ottomanes et autrichiennes combattaient avec des succès divers, et Soliman, après avoir mis le siège devant Vienne, marchait pour prendre la capitale de la Perse. Un événement qui arriva à la fin de 1335, en Italie, renouvela les terreurs des Vénitiens, lis avaient fort à cœur de voir évacuer le château de Milan et la ville de Còme que l’empereur tenait encore, sous prétexte que le duc de Milan était redevable envers lui d’une somme assez forte sur les six cent mille ducats d’indemnité stipulés dans le traité de Bologne. Ils prêtèrent à ce prince cent cinquante mille mesures de sel, qu’il distribua à ses sujets et dont le prix le mit en état de se libérer envers l’empereur : ainsi la Lombardie se vit entièrement délivrée des troupes étrangères ; mais François Ier avait voulu profiter de l'oppression dans laquelle l’empereur tenait le nouveau duc de Milan, pour attirer celui-ci dans son alliance. II entretenait à la cour de Sforce un agent secrètement accrédité; Charlcs-Quint, qui en fut averti, adressa au duc des menaces si sévères, que ce prince, pour se disculper, imagina de faire susciter à l’agent français une querelle dans laquelle celui-ci tua son adversaire. Comme ce Français n’avait point un caractère publiquement reconnu, on l’arrêta, 011 lui fit son procès, et il eut la tête tranchée. Le roi, furieux de cet outrage, marcha en Italie, pour venger cette violation du droit des gens. Le duc de Savoie lui refusa, dit-on, le passage, et ses Étals furent envahis sur-le-champ. II. Sur ces entrefaites, François Sforce mourut en ldSii sans postérité. Cette mort terminait la querelle que le roi avait avec lui ; mais elle remettait en question tout ce qui avait été décidé si heureusement à Bologne, relativement à la possession du Milanais. La république se hâta de faire sonder l’empereur, pour pénétrer ses intentions à cet égard ; elle n’en obtint qu’une réponse assez modérée pour ôter tout sujet de plainte, et non tout sujet d’inquiétude. Charles-Quint lui fit dire, que lorsqu’il userait de son droit de disposer du duché de Milan, il se proposait de le faire d’une manière qui fût agréable aux Étals d’Italie, et particulièrement à la république. Cela n’était pas rassurant, il fallut bien se contenter de la promesse que cette couronne serait donnée au prince le plus propre à maintenir la paix dans la Péninsule, et l’empereur ayant proposé en même temps de former d’avance une ligue contre le premier qui troublerait cette paix, il n’y eut pas moyen de refuser d’entrer dans cette confédération. Tout cela devait déplaire au roi de France, qui, voyant renaître toutesses espérances, par la vacance du duché de Milan, en réclamait l’investiture pour le duc d’Orléans, son second fils. L’empereur, au lieu de s’y refuser positivement, chercha à faire traîner l'affaire en longueur, et proposa de donner l’investiture, non pas au duc d’Orléans, mais à son jeune frère le duc d’Angoulême. Les raisons que Charles-Quint alléguait pour justifier son refus et celte préférence,étaient que le duc d’Orléans, ayant épousé Catherine de Médicis, pourrait former un jour quelques prétentions sur la Toscane, et que la prudence ne permettait pas de lui conférer, en attendant, une principauté aussi considérable que celle du Milanais. On ne sait pas comment l’empereur s’en serait tiré, si François Ior l’eùt pris au mot, ainsi qu’il l’aurait dù. Il ne le fit point, et profitant des démêlés qu’il avait entretenus avec le duc de Savoie, il envoya de nouvelles troupes en Italie. Charles Quint, qui était alors à Rome, se porta aussitôt en Piémont, rassembla deux mille cinq cents gendarmes et quarante mille hommes d’infanterie, força une partie des Français de repasser les Alpes, les suivit en Provence, battit une de leurs divisions près de Fréjus, et mit le siège devant Arles et devant Marseille. Celte expédilion eut la même issue que celle du connétable de Bourbon. Après s’être épuisées en efforts inutiles pour prendre quelque place importante, les troupes impériales revinrent en Italie, où quelques détachements français étaient restés, et Charles-Quint se rembarqua à Gênes pour retourner en Espagne. Les Vénitiens, en vertu de l’obligation qu'ils