LIVRE XXV. 9 qui, après s’être déclarée dans l’armée impériale, avait fait des progrès dans Rome, et gagné le château Saint-Ange, le pape, dis-je, se résigna à sa destinée, et acheta, à de très-dures conditions, non pas sa liberté, mais la grâce d’être tiré de cette forteresse. Il se soumit à payer quatre cent raille ducats, à Remettre aux troupes de l’empereur le château Saint-Ange, Ostie, Civita-Vecchia, Civita-Castel-la'na, Parme, Plaisance et Modène, sans qu’il fût rien stipulé pour leur restitution, et, pour mieux marquer qu’on ne regardait point ces places comme des gages de la somme promise, on exigea qu’il livrât en otage deux cardinaux, un de ses ministres, et deux de ses parents. Ce ne fut pas tout : on stipula qu’il ne sortirait du château qu’après le paiement effectif d’un premier à-compte de cent cinquante mille ducats. Telles furent les conditions auxquelles on voulut bien lui promettre de le transférer à Gaëte, ainsi que les cardinaux renfermés avec lui, pour y attendre ce que l’empereur déciderait sur leur sort. •afjv La peste que les Impériaux avaient apportée dans Rome, les en avait chassés, du moins en partie. Ceux qu’on avait cantonnés au dehors ravageaient les campagnes, et ceux qui étaient demeurés dans la ville opprimaient la population et le pape lui-rnêine, pour obtenir le paiement du restant de la contribution. Ils se portaient aux plus violentes menaces, jusque-là qu’ils conduisirent un jour sur la place publique les otages qu’on leur avait livrés, et firent dresser une potence, en jurant qu’ils allaient les faire pendre si l'argent n’arrivait tout-à-l’heure. Mais cette armée, que les renforts venus de Na-ples avaient portée à vingt-quatre mille hommes, n’entreprenait aucune opération militaire. Elle l’aurait pu, car celle des alliés se réduisait à quatorze ou quinze mille combattants; savoir: à la solde du roi de France, trois cents gendarmes, trois cents archers français, trois mille Suisses, et mille hommes d’infanterie italienne ; à la solde des Vénitiens, cinq cents gendarmes, trois cents chevau-légers, mille lansquenets, et deux mille fantassins italiens ; enfin quatre-vingts lances, cent cinquante chevau-légers, et quatre mille hommes de pied, que les Florentins avaient fournis. Ces troupes ne témoignaient guère plus d’envie d’agir que les Impériaux. ■Mais une nouvelle armée française de mille gendarmes et de vingt-quatre mille hommes d’infanterie descendait en Italie au commencement du mois d’août 1527, sous le commandement du maréchal de Lautrcc. Après avoir soumis Gcnes et Alexandrie, elle opéra sa jonction avec un corps de trois mille Vénitiens, et alla mettre le siège devant Pa-vfe, qui fut emportée d’assaut, au bout de quatre jours, et livrée au pillage, comme si cette malheureuse ville eût dû être responsable des souvenirs amers qu’elle rappelait aux Français. Les succès de cette armée décidèrent le duc de Ferrare et le marquis de Mantoue à accéder à la ligue, de sorte que, dans ce moment, toute l’Italie se trouvait confédérée avec les rois de France et d’Angleterre, contre l’empereur. On négociait en Espagne, on négociait à Rome, pour la liberté du pape, car il n’avait pas encore été transféré à Gaëte. Quand 011 vit l’armée française traverser le Pô, et faire mine de marcher sur Rome, les plénipotentiaires deCharles-Quint se désistèrent peu à peu de leurs prétentions. L’empereur, après beaucoup de difficultés, consentit à relâcher son prisonnier, pour de nouvelles sommes d’argent. Quatre ou cinq cardinaux devaient rester en otage entre ses mains, et le pape devait renoncer à la ligue. Ce traité venait d’ètre conclu le 50 novembre 1527, lorsque, dans la nuit du 8 au 9 décembre, Clément trouva le moyen de s’évader du château Saint-Ange, sous un déguisement, et arriva heureusement à Or-viette. C’est une singularité dans la destinée de Charles-Quint d’avoir eu en son pouvoir le roi de France et le pape sans en tirer parti. Depuis la prise de Pavie, les Français et les Vénitiens ne cessaient point.d’être en contestation sur le plan de campagne. Les Vénitiens disaient qu’avant tout il fallait chasser les Impériaux de l’Italie septentrionale, et en s’emparant de toutes les places qui leur restaient encore, rendre impossible l’arrivée des secours que l’Allemagne devait leur fournir. Cet avis était évidemment le plus sage, le plus sur; mais les instructions que Lautrec avait reçues portaient tout le contraire. Les Vénitiens ne se bornèrent pas à soutenir qu’il fallait chasser les Impériaux des postes qu’ils occupaient; ils surprirent Ilavcnne etCervia, qui appartenaient au pape, et étaient gardées par scs milices. Le roi prenait beaucoup moins d’intérêt au Milanais, depuis qu’il ne s’agissait plus de l’acquérir pour lui-même. Ce prince, qui avait ses fils en otage en Espagne, jusqu’à ce qu’il eût remis la Bourgogne, brûlait de conquérir le royaume de Naples pour dégager à la fois la Bourgogne et ses fils. 11 craignait aussi, disait-on, que le duc de Milan et les Vénitiens ne devinssent des alliés indifférents, si on leur procurait une entière sécurité. XIII. Lautrec partit donc, au mois de janvier 1328, pour Naples, emmenant même avec lui deux ou trois mille Vénitiens, et cela dans le temps que de nouvelles troupes allemandes se présentaient, pour entrer en Italie par les vallées de l’Adige et du Tyrol. Les Vénitiens avaient consenti à laisser