LIVRE XXXVIII. mois : Droits de l’homme et du citoyen; sur quoi un gondolier dit assez plaisamment, qu’enün le lion avait tourné la page. L’adoption d’une cocarde tricolore amena celle d’un nouveau pavillon. Il en résulta le triste inconvénient que le dey d’Alger ne se crut point obligé de respecter ce pavillon, comme celui de Saint-Marc, qui lui payait un tribut de 28,000 ducats, et j que la nouvelle république fut obligée de payer une seconde fois, pour que ses couleurs ne fussent pas méconnues par les pirates. Une réunion, qui prenait le nom de Société de l’instruction publique, et qui se trouva, en quelques jours, composée de plusieurs milliers de personnes, présenta à Venise le spectacle de ces sociétés populaires, déjà décriées en France. On forma un comité de salut public, et, sur la demande de ce comité, l’ex-procurateur François l’esaro, qui avait été rappelé et qui s’était bien gardé de comparaître, fut déclaré émigré et ennemi de la patrie; 011 prononça la confiscation de ses biens. XIII. La municipalité provisoire se hâta de ratifier le traité de Milan, sans examiner si elle en avait le droit. Le général en chef fit cesser les poursuites commencées contre les inquisiteurs d’État et contre le commandant du Lido. Mais cette municipalité n’était qu’une autorité locale. Quoiqu’il n’y eut encore ni forme de gouvernement déterminée, ni constitution, ni même indépendance politique, celte municipalité se hâta de faire des lois, et affecta de se croire le centre du gouvernement des anciens Etats de la république; prétention qui fut repoussée par toutes les villes de la terre-ferme. Cette scission révélait que, si les provinces avaient supporté le joug de la métropole pendant tant de siècles, ce n’avait pas élé sans impatience. Chacune venait de se constituer séparément, et elles ne voulurent même pas envoyer des députés, pour les représenter, et prendre part aux délibérations du corps qui gouvernait Venise. l’adoue surtout se rappelait que la dominante, qui lui devait la naissance, l’avait opprimée; et cette antique jalousie, que quatorze siècles n’avaient pu éteindre, se réveillait, quan I l’une et l’autre étaient également malheureuses. Chiozza et l’ales-trine, qui n’étaient que des faubourgs de Venise, ■ refusaient de reconnaître sa suprématie. Le résultat de cetle anarchie fut que tous les impôts, qui précédemment arrivaient dans la capitale, tarirent, et que le paiement de la dette publique devint impossible. 11 se trouvait, disait-on, à la banque un déficit de quarante-quatre millions de noire monnaie. Il fallut recourir aux emprunts for- , cés, pour subvenir aux dépenses indispensables, que la présence de l’armée décuplait. On avait pro- mis trois millions d’argent aux Français ; ils en demandèrent cinq. On devait leur livrer trois vaisseaux; il n’y en avait que deux. Le duc de Modène s’élait réfugié à Venise avec son trésor; 011 cerna sa demeure et on lui enleva cent quatre-vingt-dix mille sequins, pour les verser dans la caisse de l’armée. Cet état de choses dura jusqu’au mois d'octobre, et, avec lui, l’incertitude du sort de Venise, les reproches des deux partis, l’exaltation des passions, l’aigreur, les inimitiés réciproques, et un sentiment général de mal-être, qui faisait en même temps désirer un changement et prévoir une catastrophe. Dans les conférences de Milan, on avait llallé les commissaires de la république vénitienne, si elle adoptait la démocratie, de réunir à son territoire le Ferrarais, la Romagne, et peut-être le port d’An-cône : au lieu de cela, on voyait paraître des décisions qui incorporaient ces provinces à la république cisalpine. On venait d’afficher une proclamation, qui divisait les États vénitiens en sept départements, et on remarquait, avec un étonnement mêlé de douleur, qu’il n'y était fait aucune mention de Crème, ni de Bergame. Dans l’anxiété, suite naturelle de tant de funestes présages, la société populaire, soit d’elle-même, soit par une inspiration étrangère, s’avisa de voter ! la réunion de la république vénitienne à la nouvelle république déjà organisée à Milan. On envoya une députation à la municipalité, pour lui signifier ce vœu, plutôt que pour lui demander le sien. Celte autorité provisoire se crut obligée de voter aussi la dissolution du corps social, et on 11e tarda pas à produire des listes qui contenaient, disait-on, vingt, trente, quarante mille signatures. Le gouvernement français tardait à prononcer sur le sort des Vénitiens : ce silence avait quelque chose de sinistre. XIV. Dans les premières conférences qui suivirent la signature des préliminaires de Léoben, les Autrichiens se montrèrent aussi disposés qu’on pouvait le souhaiter à accélérer les négociations. Us offrirent de traiter séparément, sans appeler ni leurs alliés, ni l’empire. Cetle proposition, acceplée avec empressement et rédigée en forme de convention, fut envoyée à Vienne; maisTeinpereur refusa de la ratifier. Le retour d’un courrier anglais, qui avait porté à Londres la nouvelle des préliminaires, venait d’opérer cette révolution. Voici la série des projets et des contre-projets qui furent successivement débattus, entre les plénipotentiaires, réunis d’abord à Monbello, puis à Udine, et enfin à Campo-Formio. Les négociateurs convinrent entre eux de soumettre à leurs gouvernements respectifs un nouveau