riECES JUSTIFICATIVES. 3(17 Lcsdiguières, qui avait été secrétaire de ce conné- I table, rapportait tout ce qui s’était passé dans le j cabinet de son maître, relativement aux projets du duc pour usurper la couronne. Il disait positivement que les gouvernements de France, de Hollande, de Turin et de Venise, avaient été initiés dans ces projets. Des historiens napolitains, vénitiens et autres confirmaient en tout ou en partie ces diverses circonstances. Dès-lors les Vénitiens ne pouvaient pas s’imaginer que le duc d’Ossonc conspirât réellement contre leur république, puisqu’ils lui connaissaient d’autres desseins, pour l’exécution desquels il avait besoin d’eux. S’il était vrai que Bcdcmar et le duc d’Ossonc eussent conspiréensemble contre Venise, il faudrait convenir qu’ils en furent diversement récompensés. L’un continua d'être ministre, et fut fait cardinal; l’autre fut privé de son gouvernement,cl mouruten prison. Cefut par celle série de raisonnements que je fus conduit à cette conséquence: Le duc d’Ossone, Jacques Pierre et Renault n’avaient point conspiré rentre la république. Les Vénitiens connaissaient les véritables projets du duc d’Ossone, et avaient la preuve de l’innocence de Jacques Pierre et de Renault. II restait à trouver le motif par lequel ils avaient élé déterminés à accuser le premier el à sacrifier les deux autres. Mais, de ce que ces trois personnages n’étaient point dans la conjuration, il ne s’ensuivait pas que la conjuration n'eùt pu exister. Il était possible même qu’il y en eût une dont les agents ne sussent pas le véritable secret. C’est ce que je me suis attaché à éclaircir, en parlant d’abord des faits certains; en n’admettant dans mon récit aucune circonstance qui ne me fut fournie par l’histoire ou par les documents inédits; en discutant l’authenticité des faits et le poids des témoignages : je inc suis borné à coordonner les matériaux que j’avais rassemblés, à les disposer de manière qu’ils se prêtassent l'un à l’autre un nouveau jour. La nécessité de justifier toutes les assertions, et d’apprécier tous les faits, m'a peut-être entraîné déjà dans des digressions, qui appartiennent plutôt à la critique qu'à l’histoire. Pour ne pas les multiplier, j’ai réservé celles que j'ai cru pouvoir me dispenser de faire cnlrcr dans mon récit, el je me propose d’examiner dans celle notice les autorités sur lesquelles se fondent ceux qui veulent établir l'existence de la conjuration, et les objections dont ma propre narration peut être susceptible. La manière la plus sure de distinguer ce qu'un historien a ajouté au récit d’un événement, est d’examiner toutes les relations qui en avaient élé publiées avant lui. L’abbé de Saint-Réal donna la sienne en 1(174, et le succès de son ouvrage accrédita assez généralement la version qu'il avait adoptée. Les récits imprimés antérieurement au sien ne sont pas nombreux; ils se réduisent à trois. Le seul témoignage contemporain qui ait élé publié sur celle affaire, ou du moins qui nous reste, est une lettre supposée écrite de Venise sous la date du 21 mai, c’est-à-dire sept jours après la découverte de la prétendue conjuration. Il en existe un exemplaire à la bibliothèque du Roi, sous le n° llîQü; en voici la teneur : Conspiration et trahison admirable des Espagnols, nouvellement descou ver te, contre tu seigneurie de f'enise, el le succès d’icelle. 1018. Extrait d'une lettre envoyée de l énine le 21 mai dernier. u Les Espagnols ont corrompu par argent un sergent nommé Massa, qui esloit dans la forteresse de Marano,surlcs marches el confinsd'Istrie en la mer Adriatique, place forle el de grande importance à ceslc seigneurie, y ayant un bon port et capable de mettre à couvert une puissante armée. La trame esloil que ledit Massa devoit tuer le proviseur Lo-renzoThicpolo, et en mesme temps livrer aux ennemis ledit port el place. Geste trahison eust facilement réussi si elle (par la bonté et grâce divine) n’cusl été descouverte, par le moyen d’un varlclde chambre dudit proviseur, et d’un autre quidam, pensionnaire cl appoineléde la seigneurie. En mesme temps s’estoient cscoulés el glissés peu à peu dans celle ville plus de cinq cents personnes, gens de main, qui, à certain jour el heure ditle, dévoient mettre le feu en plusieurs lieux de la ville, cl s’emparer des places les plus importantes, pour de là saccager toute la ville, cl de là empescher louis moyens et inventions de pouvoir pourvoir au salut et conservation de la seigneurie, qui cusl sans doute eslé en grand risque el péril d’eslrc totalement perdue et ruynée. Car en ce mesme instant l'armée des Espagnols deroil paroislre, et la noslre, qui esloit en mer cz environs, devoit estre bruslée, par le moyen et invention d'un certain Jacques Pierre, François de nation, autrefois corsaire cl maintenant pensionnaire de la seigneurie, qui pour lors esloil en noslre dillc armée, mais corrompu et gaigné par argent des ennemis. Et en mesme temps par terre, vers le costc de Marano, allant à la forteresse de l'aime, se dévoient faire quelques mouvements, par le moyen des soldats qui resloicpl du désarmement qui se faisoil de jour à aulre, cl passer aussy sccretlemcnt que faire se pourroit vers laditle place de Maralio. üref c’csloil une conjuration, qui la voudra peser, la plus épouvanta blcct effroyable qu’on ou;l jamais