LIVRE XXVI. 27 u pape, et que le souverain pontife termina par :elte décision, que la république, étant une puis-;ance ancienne et maîtresse de deux illustres royau-ncs, devait marcher au rang des rois, et par conséquent avant ceux qui ne l’étaient pas. Pendant ce long intervalle de tranquillité, l'histoire des Vénitiens s’écoule sans être marquée par des événements dignes d’occuper la postérité. Pierre Lando, par qui la paix conclue avec les Turcs avait été signée, était mort en 1548. François Donato, son successeur, avait vu les arts fleurir à Venise, durant les huit années de son règne, et avait été remplacé, en 1555, par Marc-An-toine Trévisani, qui n’occupa le trône qu’un an, et dont la vie fut, dit-on , abrégée par les austérités de la pénitence. François Venier, qu’on éleva au dogat après celui-ci, ne lui survécut que de deux ans (1SB4). Laurent Priuli, élu en 1556, vit, dès le commencement de son règne, la prospérité de l’État troublée par deux fléaux, la peste et la famine. Le retour de ce dernier malheur amena un règlement important, qui ordonna de rendre à la culture toutes les terres que le défaut de bras avait fait abandonner. Il y en avait encore beaucoup qui étaient couvertes par les inondations que la défense du pays avait nécessitées. On entreprit des travaux pour faire écouler vers l’embouchure de l’Adige les eaux répandues sur les plaines. C’était une manière glorieuse de faire des conquêtes; les plus utiles sont celles qu’on fait chez soi. La paix fut enfin rendue à l’Europe au commencement de 1839, par le traité de Cateau-Cambrésis, qui réconcilia l’Empirc, la France, l’Espagne et l’Angleterre, et décida le sort de tant de prétentions rivales, qui, pendant un demi-siècle, avaient ensanglanté l’Italie. Gênes fut reconnue libre; le duché de Milan et le royaume de Naples demeurèrent à Philippe II, roi d’Espagne, fils de Charles-Quint. Cette année fut celle de la mort du doge Laurent Priuli, à qui on donna pour successeur Jérôme Pfiuli, son frère. XV. La multitude des livres de controverse qui avaient paru depuis quelques années, pour ou contre les opinions des novateurs, les volumineux catalogues de livres prohibés par le concile de Trente c‘t par les papes, donnèrent lieu au gouvernement vénitien de publier des règlements sur la police de l>> librairie, et de déterminer à cet égard les rapports de l’autorité civile avec l’autorité ceclésiasti-(Iue- Il n’était pas dans la nature de ce gouvernement, et encore moins dans le caractère du sévère tribunal auquel appartenait cette police, de favori-Sl 1 aucune espèce de liberté : celle de la presse fut soumise à une censure vigilante; c’est par cette rajion que les Vénitiens n’eurent jamais un historien dont les éloges pussent être flatteurs, et qu’ils se virent exposés à être jugés trop rigoureusement par les écrivains des autres nations. Les lois somptuaires furent remises en vigueur à cette même époque. Ce n’est pas ici le lieu d’en approfondir l’esprit, ni d’en discuter l’utilité. La législation tenta aussi de réprimer les abus du jeu. Elle détermina les jeux qui seraient permis, le nombre des personnes qui pourraient se réunir, le lieu, le temps, la somme. On ne se bornait pas à tout ce qui pouvait rétablir la police, l’ordre, l'abondance dans la république , on fortifiait ses frontières. Bergame, Udine, avaient été prises plusieurs fois pendant les guerres précédentes : le gouvernement faisait élever, autour de ces places, des ouvrages considérables, qui lui garantissaient la possession de ces deux postes avancés. Cependant les arts, qui faisaient alors la gloire de l'Italie, embellissaient la capitale de la république. Le Florentin Jacques Sansovino y érigeait les statues colossales de Neptune et de Mars; et le pinceau du Titien, deTintoret, de Paul Veronèse, décorait de peintures nationales des temples, des palais élevés par la main de Scamozzi ou de Palladio. Au milieu de tous ces bienfaits d’une longue paix, le bonheur ne pouvait être sans mélange. Un affreux tremblement de terr’e renversa de fond en comble la ville de Cattaro en Albanie. Les deux tiers des habitants furent écrasés; un grand nombre d’étrangers se trouvèrent enveloppés dans ce désastre, parce qu’une foire considérable rassemblait alors dans cette ville des commerçants de tous les pays. L’activité de l’administration fit promptement disparaître les traces de ce malheur. Cattaro fut rebâtie. L’arsenal et les anciens édifices de Venise, endommagés quelque temps auparavant, furent réparés. Le doge Jérôme Priuli, qui régna jusqu’en 1867, eut pour successeur Pierre Lôredan. XVI. Non-seulement Venise était en paix avec toute la chrétienté ; 011 n’apercevait pas même dans le lointain les causes qui auraient pu amener une rupture. De temps en temps il s'élevait quelques nuages entre la république et la cour de Rome, mais ces nuages ne portaient pas la tempête. Le pape régnant en 1 ¿560, qui était Pie IV, non moins jaloux que ses prédécesseurs de conférer les bénéfices ecclésiastiques de sa pleine autorité, et sans le concours delà puissance séculière, nomma à l’évèché de Vérone Jlarc-Antoine Amulio, ambassadeur vénitien à sa cour. Le sénat, fermement attaché à cette règle si sage qui défendait aux ministres de la république d’accepter aucune grâce des