LIVRE XXVII. 29 LÏYRE XXVIÏ. GUERRE DE CHYPRE.— S1ÎGES DE NICOSIE ET DE FAMAGOIÎSTE.— RATA1M.E DE LÉPANTE, 1870-1873. I. Depuis soixanle-cinq ans la république s’était maintenue presque constamment en bonne intelligence avec ses voisins du côté de l’Orient. Cette paix n’avait été troublée que parla rupture de 1858, et par la guerre assez courte qui en fut la suite; mais pendant ce temps-Ià la puissance ottomane s’était étendue, et il était impossible que, tôt ou tard, les rênes de cet empire ne tombassent pas entre les mains d’un sultan ou d’un visir qui voudrait l’accroitre encore aux dépens des Vénitiens. Mahomet II avait soumis aux Turcs la ville de Constantin. L’occupation de cette capitale avait déterminé pour l’avenir la direction de leurs armes. Quelques années après, le même sultan avait conquis Négrepont, et la paix de 1479 avait coûté aux Vénitiens plusieurs places de la Morée et de l’Albanie. Lorsque la république se brouilla, en 1499, avec Bajazet II, elle occupa l’ile de Céphalonie; mais cette conquête ne fut qu’une indemnité de la perte de plusieurs villes qu’elle fut obligée de céder sur les côtes de la Grèce. On a vu que la guerre de 1838 se termina par 1 abandon de Malvoisie et de Naplesde Romanie dans la Morée, de quelques ports en Albanie, et de presque toutes les petites lies de l’Archipel. Ainsi, depuis la prise de Constantinople, c’est-à-dire dans un intervalle de moins d’un siècle, les Vénitiens avaient eu trois guerres contre les Turcs, toutes trois malheureuses, et terminées par conséquent par des cessions, lis s’étaient dédommagés de ces pertes par l’acquisition des lies de Zante, de Céphalonie et de Chypre. Cette dernière était doublement importante par son étendue et par sa situation , d’ou elle commande le golfe que forment l’Asie mineure, la Syrie et l’Égypte. Mais la puissance des Turcs avait fait d’immenses progrès. Séliin Ier avait conquis la Syrie en 1818, ensuite l’Egypte ; et son fils Soliman II avait enlevé l’île de Rhodes aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, en 1821. Je ne parle pas ici de leurs conquêtes sur le Danube. Les Vénitiens étaient tributaires et vassaux du grand-seigneur. Tributaires, car lorsqu’ils achetèrent la paix, après la prise de Constantinople par Mahomet II, il fut stipulé qu’à raison des établissements possédés par la république dans l’étendue du nouvel empire, et notamment pour Scutari et les autres places de l’Albanie, elle aurait à payer annuellement un tribut de deux cent trente-six mille ducats. Une autre redevance de dix mille ducats avait été consentie par le traité de 1479.11 est vrai que Bajazet II avait bien voulu en dispenser la république, lorsqu’il renouvela sonallianceavecelle, après son avènement, en 1482. Ils étaient vassaux, car ils s’étaient soumis, en acquérant le royaume de Chypre, à prêter foi et hommage au Soudan d’Égypte, à en recevoir de lui l’investiture, à lui payer un cens de huit mille ducats, et aussitôt que l’empereur turc avait eu dépossédé le Soudan, ils s’étaient empressés de renouveler aux pieds du vainqueur ces actes de soumission et de vassalité. Déjà, dans plus d’une occasion, les Turcs avaient traité les Vénitiens en vassaux,notamment lorsque,