LIVRE XXXV. seulement par l'impunité, mais pnr les tributs aux-quel se soumettaient les nations calculatrices, qui, après avoir comparé le montant du tribut et la défrise d'un armement, ne voyaient point de raison de se décider pour le parti le plus cher. Le Danc-inarck, la ville de Hambourg, la Hollande, l’Angleterre elle-même, avaient traité avec ies régences. Venise avait déjà fait avec ces barbares , en 1735, une convention « dont les conditions, disait l’abbé de Bernis, étaient plutôt faites pour des sujets que pour des souverains. » Après quelques courses inutiles deses vaisseaux, elle se décida à traiter de nouveau avec Maroc, Tunis, Alger et Tripoli. Ces capitulations furent conclues en 1764 et 1763 : elles portaient que le gouvernement vénitien s’interdisait de couvrir de son pavillon des personnes, marchandises ou vaisseaux appartenant à des nations en guerre avec les Barbaresques ; mais que ceux-ci ne pourraient enlever aucun individu étranger sur les vaisseaux yénitiens; les Vénitiens n’étaient soumis à payer que les droits de douane exigés des nations amies, on s’interdisait réciproquement la visite des bâtiments rencontrés en pleine mer, à la charge de sefairereconnaitre, ensecommuniquantses papiers: les régences promettaient de ne fournir aucuns corsaires aux puissances qui pourraient être en guerre avec la république; de ne plus souffrir qu’aucun bâtiment vénitien fût vendu dans leurs ports; de ne plus acheter ni conserver aucun esclave de cette nation. On stipula qu’en Barbarie, les Vénitiens, pour les procès qu’ils pourraient avoir entre eux, ne seraient justiciables que de leur consul, et que leurs contestations avec les naturels du paysseraient soumises aux juges locaux, mais en présence du divan : que les vaisseaux vénitiens seraient exempts de tout droit d’amarrage, s’ils entraient dans les ports barbaresques, pour éviter la tempête ou l’ennemi, ou pour y faire des provisions; qu’enfin les bâtiments armés des Barbaresques ne pourraient entrer dans le golfe sous aucun prétexte, et se tiendraient constamment à trente milles des côtes do la république. L’historien Sandi, d’après lequel j’analyse ce traité, ne dit pas si le gouvernement de Venise se soumit à une redevance annuelle envers les régences, mais cela n’en est pas moins certain, et on en demeure convaincu d’après une expression qui lui est échappée au sujet de la rupture qui eut lieu bientôt après. Il raconte que la régence de Tripoli ne tarda pas à violer ces conditions, et que le sénat fut obligé, dès l’année suivante, de lui adresser des menaces, pour réprimer les excès de ses corsaires. Ces menaces n’ayant eu aucun effet, on arma une escadre, qui se présenta devant Tripoli. Le dey vint à bord de l'amiral, fit restituer les bâtiments qui avaient été enlevés, et même un vaisseau non vénitien qui avait été capturé sur les côtes de la Morée, rendit toutes les marchandises, paya la valeur de celles qui ne purent être représentées en nature, et promit de ne plus envoyer ses bâtiments armés au delà d'une ligne tirée du cap Saiute-Marie à l’île de Sa-pienza. A peine venait-on d’obtenir cette réparation, que le dey d’Alger prétendit que le consul de la république devait être confirmé ou changé de deux eu deux ans, parce qu’à cette occasion le nouveau consul devait offrir des présents ; et il ajouta qu’à chaque changement de dey ou de ministre, les présents envoyés après la signature des capitulations, devraient être renouvelés. Ces demandes parurent d’autant plus étranges, dit Sandi, que la république avait payé avec exactitude au nouveau dey la redevance annuelle qui avait été convenue. Cet aveu échappé à l’historien dément sa propre réticence, et ne permet pas de douter que la république ne se fût soumise à payer à la régence une somme annuelle, sous un titre quelconque. Le gouvernement vénitien ayant essayé de négocier, au lieu d’admettre ces nouvelles prétentions, apprit tout à.coup que le dey d’Alger lui déclarait la guerre; alors on offrit de nouveaux présents, et on obtint un armistice de quatre mois. Mais les prétentions du dey allèrent croissant. Il exigeait des sommes considérables, pour lui, pour ses ministres, et une augmentation de la redevance annuelle. La république fit porter sa réponse par une escadre. On encouragea les commerçants à se servir de vaisseaux susceptibles de quelque défense. Le gouvernement contribuait aux frais de construction, prêtait gratuitement des canons et des soldats, fournissait des munitions à bon marché,et modérait les droits de douane en laveur de l’armateur. L’amiral qui commandait la flotte destinée contre les pirates, se présenta dans la rade d’Alger, et déclara que si la régence rétablissait la paix, rendait quelques vaisseaux qui avaient été déjà pris, et mettait en liberté les sujets vénitiens réduits en esclavage, on paierait le tribut annuel, qu’on enverrait des présents à l’avènement de chaque dey et au changement des consuls. L’état d’incertitude se prolongea, et cette affaire fut plutôt assoupie que terminée. La régence de Tunis se montra à son tour aussi exigeante que les autres. Elle rompit les traités, eu 1774, et obligea la république à reprendre les armes, après de longues discussions. Cet événement pouvait rendre quelque éclat à la marine vénitienne. Elle voyait à la tète de scs escadres un amiral, qui heureusement avait autant de courage pour déter-