54G HISTOIRE DE VENISE. (lresqu’il ne serait pas convenable de communiquer à cette assemblée; parce que le grand nombre des votants peut mettre obstacle à la résolution la plus salutaire, et pareeque la solennité des délibérations d’un conseil donne aux mesures qui y sont décrétées un caractère de permanence et de publicité peu convenable dans les circonstances qui veulent des expédients secrets et provisoires. D’après ces considérations, quelques-uns des sages-grands nous ont représenté que le sage de semaine se trouve quelquefois dans le cas d’adresser aux ambassadeurs, ou aux représentants delà république dans les provinces et aux armées, des dépêches pour lesquelles il serait utile d’employer une forme nouvelle, surtout dans les circonstances délicates qui exigent un profond secret; mais que n’ayant l’autorité de donner des ordres qu’après l’approbation du sénat, il importait de s’assurer qu’on y déférerait; en conséquence il est arrêté que dans les circonstances importantes, lorsque les six sages seront unanimement d’avis de recourir à un moyen extraordinaire, ils en conféreront avec le tribunal, et si le tribunal est du même avis, la lettre du sagede semaine adressée à l’ambassadeur, ou à un autre fonctionnaire, sera accompagnée d’un ordre qui en commandera l’exécution, et cela non-seulement pour garantir la responsabilité du fonctionnaire, mais pour assurer l’effet du commandement et la prompte obéissance. 2° Il est d’usage que lorsque le doge invite les conseillers à faire au grand-conseil la proposition de créer des correcteurs des lois, ces conseillers s’empressent d’y porter un projet de délibération, par lequel les correcteurs sont autorisés à proposer tels règlements qu’ilsjugerontconvcnablcs, tant sur les matières civiles que sur les matières criminelles ou mixtes, et, ce qui est encore plus important, sur l’organisation des tribunaux, leursformes, leur autorité, les délibérations du conseil des Dix et du sénat. Cette formule des pouvoirs donnés aux correcteurs a été suivie depuis leur première institution. Cependant ce droit de proposer des changements dans l’organisation de conseils si importants, dépositaires de toute la politique intérieure et extérieure de l’État, est un objet qui mérite d’être pris en grande considération. 11 est arrêté qu’on laissera son cours à l’usage de proposer la création d’une commission de correcteurs des lois toutes les fois que le doge le demandera, que la formule de leurs pouvoirs restera la même, parce que y fairedes changements ce serait donner de l’ombrage à la multitude qui compose le grand-conseil; mais, aussitôt après leur nomination, les correcteurs seront mandés chez le doge : là se trouveront les trois inquisiteurs d’Etat, qui leur représenteront qu’on attend de leur prudence et de leur zèle pour le bien de la patrie qu’ils ne porteront point atteinte à l’autorité essentielle du sénat et du conseil des Dix, qu’ils ne toucheront que légèrement une matière si délicate et des institutions auxquelles tient le salut de la république, une longue expérience ayant fait connaître que la sûreté publique et privée reposent sur ces conseils et sur le respect dont ils sont environnés; et que si on avait pu y apercevoir quelque petite imperfection, elle était bien compensée par tant de bons effets que ces conseils avaient produits. On ajoutera que c’est une des obligations des inquisiteurs d’Elal de faire celte remontrance aux correcteurs des lois toutes les fois qu’on vient d’en nommer, aüu que cette magistrature remplisse le véritable objet de sa mission et l’attcnlc publique, en consolidant un sage gouvernement au lieu de l’ébranler. On leur fera observer que la multitude des nobles n’est pas capable de discerner les vérita-' bles intérêts de l’État,et que par conséquent, au lieu de lui donner occasion de voter sur des matières délicates et scabreuses, il ne faut lui proposer que des innovations qui soient à sa portée. Ou terminera cet avertissement aux correcteurs en leur disant que cette communication est une preuve de la confiance que l’on a dans leurs bonnes intentions et dans leur expérience, et que les magistrats de la république, quoique dans des fonctions différentes, n’ont tous qu’un même but, le bien de la pairie. Après cet avis, si tous les correcteurs se montrent disposés à y obtempérer, on n’ajoutera rien; mais si quelqu’un d’entre eux, par légèreté de jeunesse ou par toute autre cause, laissait entrevoir quelque répugnance et qu’il y eût à craindre de sa pari quelque proposition tendante à restreindre l’autorité du sénat ou du conseil des Dix, les inquisiteurs d’Élat en conféreront avec celui de scs collègues qui paraîtra avoir le plusde gravité. Ils lui recommanderont les intérêts de ces conseils, cl lui feront donner sa parole de s’opposer à toutes les innovations dangereuses, et de tenir le tribunal averti de tous les projets qui pourraient être conçus par un esprit turbulent. 11 serait bon, dans une telle circonstance, d’écarter le dissident en le faisaiH appeler à une autre charge par les suffrages du sénat. A cet effet, l’un des inquisiteurs avertira sous main quelques parents ou amis ayant voix dans le sénat, pour qu'ils concourent au bien public en ôtant cette pierre de scandale. 3° L’expérience rend plus manifeste de jour en jour l’inconvénient qui résulte des relations des prélats vénitiens avec le nonce. Ils sont le canal par lequel les secrets les plus importants de la république passent à la cour de Rome. Ces prélats se ménagent les bonnes grâces du pape, par le soin qu'ils ont de