LIVRE XXXI. 107 je mettre à mort tous ceux qui étaient impliqués > dans cette affaire, il fut étranglé la nuit de Saint- j Pierre et de Saint-Paul, ce qui se rapporte au ¿9 juin : cinquante de scs co-accusés furent étranglés, et un plus grand nombre, ensevelis secrètement. « Deux artificiers, qui se nommaient les frères Desbouleaux, furent interrogés séparément. Le premier nia toutes les relations qu’on l’accusait d’avoir eues avec le capitaine Jacques Pierre. On dit au second que son frère avait tout déclaré, et qu’en conséquence il venait d’être mis en liberté, ce qui le détermina à avouer qu’ils avaient travaillé chez l’ambassadeur d’Espagne, à préparer une grande quantité de pétards, et qu’il y avait dans ce palais beaucoup d’armes et de poudre. « Ces deux frères furent appliqués à la torture pendant plusieurs heures ; l’un persista dans ses dénégations, l’autre ne fit que répéter ses aveux : tous (leux furent pendus le lendemain, et vingt-neuf prisonniers furent noyés, la même nuit, dans le canal Orfano, pour ne point ébruiter l’affaire. » Si à ces deux déclarations de Laurent Bruslart et de l’un des frères Desbouleaux on en ajoute une, beaucoup plus succincte, d’un lieu tenant des troupes de Nassau, que la procédure ne nomme même pas, cl qui avoua qu’il avait pris part à un complot tramé par le capitaine Jacques Pierre, pour mettre le feu à la ville, en ajoutant que les princes de Nassau en avaient connaissance, et même le comte Maurice, on aura une idée complète de toutes les charges, qui résultent des dénonciations et des aveux consignés dans cette étrange procédure. Voilà ce qu’on a recueilli de plusieurs centaines d’accusés, qui tous subirent la question, et dont un seul fut assez heureux, pour faire hésiter ses juges sur sa condamnation : celui-là était un gentilhomme (le Dauphiné, commandant une compagnie au service de la république. Lorsqu’on l’arrêta, il se trouvait à Brescia. On dit qu’il était accusé d’avoir malversé dans l’administration de sa compagnie:si tel eut été le véritable motif de son arrestation, il eut été naturel de le faire juger sur les lieux; mais on le lit venir à Venise, sous une escorte très-nombreuse; retenu dans les prisons du conseil des Dix, il y demeura quatre mois, après quoi il fut mis en liberté, et même indemnisé de la captivité qu’il avait soufferte. Mais la clémence du gouvernement vénitien s’explique, lorsqu’on sait que ce gentilhomme était un protégé du maréchal de Lesdi-guières, spécialement recommandé par lui, et même, suivant quelques historiens, lui appartenant d’assez près. Quant à Jacques Pierre, qui était sur la flotte, on ne jugea pas nécessaire de l’interroger; l’amiral le fit jeter à la mer, sans lui donner le temps de se confesser. Quarante-cinq hommes suspects, pour avoir eu des relations avec lui, furent noyés sans bruit. L’artiûcier Langlade, qui se trouvait alors à Zara, y fut tué à coups d’arquebuse, avec un soldat et un enfant qui le servaient. Deux cent soixante officiers et autres gens de guerre, arrêtés dans les villes de la terre-ferme, périrent par la main du bourreau. XXV11I. Veut-on savoir maintenant quel fut le sort des dénonciateurs? Ils étaient au nombre de sept : Jacques Pierre et Renault, qui depuis un an ne cessaient de donner des avis sur les projets présumés du duc d’Ossone; Ballhazar Juven et Moncassin, qui avaient fait des révélations fort postérieures, que le gouvernement affectait de regarder comme les premières; Antoine Jaffier, sur la déposition duquel on avait commencé la procédure ; le Français Brainville et le Hollandais Théodore, qui avaient confié leurs scrupules à un noble vénitien, et avaient été amenés par lui à faire leur déclaration devant les inquisiteurs d’Etat. On a vu que Renault fut étranglé, et Jacques Fierre jeté à la mer. Brainville et Théodore avaient bien eu réellement le projet de faire avorter la conjuration; mais on considéra qu’ils ne l’avaient révélée que parce qu’on les avait attirés devant le tribunal ; en conséquence, on leur fit subir la torture, après quoi ils furent étranglés. Antoine Jaffier reçut 4,000 sequins, pour prix de sa dénonciation, et on lui signifia l’ordre de sortir du territoire de la république, dans le délai de trois jours; mais en passant par Brescia, il y fut arrêté pour avoir eu des communications avec des officiers français, fut ramené à Venise et noyé. Les pièces ne font point connaître ce que devint Balthazar Juven. Quant à Moncassin, le gouvernement lui assigna une pension de 150 ducats par mois, et 500 de gratification ; mais on le fit partir pour Candie, en lui inspirant quelques craintes, et à peine y fut-il arrivé, qu’on lui suscita une querelle d'allemand, dans laquelle il fut tué. Ce sont les expressions de l’ambassadeur de France. » Ainsi,-accusés, accusateurs, tous furent jugés également coupables:et ceux qui avaient spontanément donné les premiers avis, et ceux qui, plus tard, révélaient un complot, dont le gouvernement était instruit longtemps avant eux ; et ceux qui s’avouaient complices d’une conjuration, dans laquelle ils avaient été initiés, sans en connaître le véritable objet; et ceux qui niaient d’y avoir pris aucune part; tous, sans exception, périrent, pour qu’il ne restât aucun témoin qui put déposer des circon-