HISTOIRE DE VENISE. Dès le lendemain on l'obligea de quitter la ligne du Mincio; et, le 11 août, le général Masséna occupait ces mêmes défilés de l’Adige dans lesquels il avait été forcé le 29 juillet. Peu de jours après la bataille, on reprit le blocus de Mantoue. I.es Impériaux avaient perdu dans cette marche de huit jours cinq à six mille morts, dix à douze mille prisonniers, et la majeure partie de leur artillerie. Lorsque la division du général Serrurier se présenta pour rentrer dans Vérone, elle en trouva les portes fermées; quelques troupes autrichiennes y étaient encore. Le provéditeur fit dire qu’il ne pouvait ouvrir les portes que dans deux heures; on les enfonça à coups de canon. Ainsi les Vénitiens protégeaient les Impériaux dans leur retraite, tandis qu’à l’approche du maréchal de Wurmser, lorsque les Français s’étaient vus dans la nécessité d’évacuer Vérone, on leur avait refusé jusqu’à des clefs de souterrains. Les provinces de Brescia et de Vérone furent en proie à tous les désordres de la soldatesque allemande et français, qui, tour-à-tour victorieuse et vaincue, exigeait des vivres, des chevaux, des effets, des contributions, et pillait les villes, quand elle ne pouvait plus les défendre. Sans doute on devait regretter de ne s’être pas mis dès longtemps en état d’empêcher de pareils excès; mais les mesures que le gouvernement avait prises semblaient avoir pour objet de venger ces offenses, plutôt que de les prévenir. XIII. La retraite de la seconde armée autrichienne ne changea rien aux projets qu’il avait conçus. Le 28 août, c’est-à-dire quinze jours après que le maréchal de Wurmser fut rentré dans le Tyrol, le podestat de Bergame annonçait que toute la population de sa province demandait la permission de se lever en masse, et qu’on pouvait compter sur trente mille hommes. Les inquisiteurs d'Etat arrêtèrent un plan pour organiser cette masse en dix-huit régiments. Ils s’occupèrent du choix des officiers, qu’on prenait tant dans les troupes de ligne que dans la masse elle-même; préparèrent des approvisionnements de vivres pour un mois; s’assurèrent de l’artillerie, des munitions et des canonniers nécessaires; fournirent aux habitants les moyens de fabriquer de la poudre dans leurs montagnes, leur promirent de les faire soutenir par des troupes réglées : surtout ils s’appliquèrent à sonder les dispositions des autres provinces, et à y semer les germes d’une pareille insurrection. Le développement de toutes ces mesures fut le sujet d’un mémoire qu’ils remirent au gouvernement, le 31 août ; communication dont les sages ne jugèrent point à propos de faire part au sénat, et qui fournit même à Pierre Doria, membre du collège, l’occasion de s’élever contre toules ces mesures avec force, mais sans succès. Venise, toutes les places voisines, et les lies des lagunes, s'encombraient de troupes arrivées de l’Is-trie, de la Dalmatie, de l’Albanie, et que de nombreux détachements de recrues venaient renforcer journellement. On élevait de petits forts, on plaçait des batteries à toutes les passes ; les lagunes étaient couvertes d’une multitude de bâtiments armés. Le ministre de France ne pouvait se dispenser de demander quelques explications sur la destination d’un appareil militaire qui se rassemblait sous ses yeux, et avec une précipitation si remarquable. Le sénat lui répondit par des protestations de neutralité, de loyauté; et le ministre, qui savait à quoi s’en tenir, voulut bien en paraître satisfait. Cependant le gouvernement ne pouvait pas avoir une grande confiance dans l’expérience militaire de ses patriciens; et il n’oubliait pas son antique maxime de ne jamais confier ses armées de terre à un indigène. Ce double motif le détermina à chercher un général étranger, sur qui on pût se reposer de la défense de la république. Il y avait alors à Venise un prince connu dans l’Europe par une intrépidité qui avait étonné les plus braves, et par son ardeur à courir après des périls au milieu desquels son devoir ne le plaçait pas. Sans être marin, il avait fait le tour du monde, et combattu comme amiral ; sans être Espagnol ni Français, il avait conduit une batterie Ilottante sous le canon de Gibraltar. Le gouvernement jeta les yeux sur ce brillant volontaire, à qui l’appât des périls aurait suffi pour l’engager dans cette cause, quand ses opinions politiques ne l’auraient pas fait l’allié naturel des Vénitiens. Le bruit s’en étant répandu à Vienne, le baron de Thugut, alors premier ministre, témoigna à l’ambassadeur de Venise que l’empereur verrait avec peu de satisfaction que le choix de la république se portât sur le prince de Nassau, contre lequel il avait quelque sujet de mécontentement ; ajoutant que les intérêts des deux nations pourraient en souffrir, par le défaut d’intelligence entre les généraux. Cette déclaration fut reçue comme un ordre. On peut en tirer deux conséquences : l’une que le cabinet de Vienne, en s’immisçant dans le choix du général de la république, témoignait assez qu’il comptait sur sa coopération; l’autre que les Français lui eurent l’obligation de n’avoir pas à combattre un adversaire, qui probablement se serait montré redoutable, et qui, à coup sûr, n’aurait pas laissé inactives les forces qu’on lui aurait confiées. Quand le ministère autrichien parlait ainsi, le