LIVRE XXVIII. enté avec cette inscription : Velul aller Simeon nanibus Christum excepit. Vers ce tcmps-là, François de Médicis, dont la ','imille, depuis un demi-siècle, était devenue sou-i rainc de Florence, et qui alors en était lui-même ;rand-duc, demanda en mariage la fille d’un patri-:ien de Venise, Barthélemi Capello. La république idnpta la future grande-duchesse. Cet honneur au-■ait pu être suspect dans un autre temps. Médicis n’ignorait pas que le mariage d’un roi de Chypre îvcc une Vénitienne avait fourni à la république un prétexte pour s’emparer de cet État; mais il pensa qu'un pareil abus de la force ne serait pas possible en Italie. III. La paix dont on jouissait alors dans cette péninsule était due, en grande partie, aux guerres civiles qui déchiraient la France. Le roi Henri III, réduit, pour combattre la ligue, à appeler à son secours Henri, roi de Navarre, chef des huguenots, faisait le siège de Paris, lorsqu’il fut assassiné par un moine, en 1589. Le roi de Navarre, que cette mort appelait au trône de France, se fit proclamer aussitôt; mais il y avait loin d’une proclamation à la reconnaissance unanime de ses droits, par un peuple que divisaient la guerre civile, le fanatisme et l’étranger. Le roi d’Espagne, le duc de Savoie, avec lesquels Henri était alors en guerre, le pape, qui l’avait excommunié, devaient faire tous leurs efforts pour lui fermer le chemin du trône. Aussi ne négligèrent-ils point de détourner les Vénitiens de le reconnaître. Cette haine n’était pas seulement dirigée contre le roi hérétique : car, du vivant •nèine de Henri III, le pape avait sollicité les Véni-ticnsde se liguer contre la France. Les jésuites, ces fidèles auxiliaires de la cour de Rome, faisaient un cas de conscience d’un acte politique, qu’ils appelèrent un scandale, et refusaient l’absolution à ceux qui embrassaient le parti de Henri IV. L’ambassadeur de ce prince fut reçu à Venise; mais on ne 1 invita point aux cérémonies religieuses, pour marquer que le gouvernement ne considérait cette affaire que sous le rapport temporel, qui était en effet le seul sous lequel la république put y prendre part. La délibération était d’une grande importance Pour les Vénitiens et pour le roi. Le sénat était fort intéressé à ne pas admettre la maxime qu’on était incapable des fonctions du gouvernement, lorsqu’on ava,t encouru les censures ecclésiastiques : il avait eu s°uvent l’occasion de manifester son opinion sur les censures; mais il avait aussi de fortes raisons Pour ne pas se brouiller avec trois puissances de Italie : d’une autre part, il importait de se ménager un appui contre les prétentions du roi d’Espa-Bne, puisqu'il était en même temps roi deNaplesct duc de Milan; et il était naturel de chercher cet appui chez son ennemi, chez un prince assez puissant pour que son secours pùt au besoin être efficace. Ces raisons furent débattues pendant deux jours. Les droits de Henri IV à la couronne de France ne furent pas le sujet d’un doute ; mais on délibéra longtemps sur la question de savoir si on le reconnaîtrait aussitôt qu’il aurait fait notifier son avènement, ou si on attendrait que d’autres puissances l’eussent reconnu, qu’il se fut réconcilié avec le saint-siége, enfin que la fortune eût prononcé. L’ombrage que faisait la puissance du roi d’Espagne, et le désir d’affaiblir l’autorité dont le pape avait abusé tant de fois, notamment envers la république, déterminèrent le sénat à se déclarer sur-le-champ pour Henri IV. Le peuple en témoigna une joie presque tumultueuse. On acheta, on étala partout le portrait du roi. Ces démonstrations n’étaient point frivoles, dans un pays où les délibérations du gouvernement n’avaient pas besoin de l’approbation populaire, et où le peuple ne se livrait à la joie que de l’aveu de scs maîtres. Il y eut même des Vénitiens qui furent portés, par leur enthousiasme, à prendre parti dans l’armée du roi contre la ligue. Le saint-office, qui ne voulut voir en eux que des fauteurs del’hérésie, commença une information, dans laquelle il eut l’insolence de compromettre le doge et le sénat; mais le gouvernement arrêta la procédure, en faisant jeter l’inquisiteur fanatique en prison. La réputation de sagesse dont jouissait le sénat de Venise donnait beaucoup de poids à son suffrage. Henri en conserva une grande reconnaissance. En gage de son amitié, il envoya à la république son épée, celte épée, disait-il dans sa lettre, dont il s’était servi à la bataille d’ivry. Les bons procédés furent réciproques : non-seulement les Vénitiens prêtèrent à Henri IV des sommes que le malheur des temps lui rendait nécessaires, mais leur ambassadeur reçut l’ordre de jeter au feu les titres de cette créance, en présence du roi. Quelque temps après, lorsque ayant abjuré le protestantisme, il se fut réconcilié avec le saint-siége, il accepta les Vénitiens pour arbitres du différent qu’il avait avec le duc de Savoie, à cause du marquisat de Saluces; il conçut l’idée de réclamer leur médiation, pour mettre fin à ses querelles avec l’Espagne ; et, lorsqu’il épousa Marie de Médicis, il voulut bien témoigner le dési* que son nom fut inscrit sur le livre d’or. Les Vénitiens reçurent cet honneur avec empressement. Le roi de France et sa postérité furent admis au rang des nobles de la république. On ne prévoyait pas alors que le nom de