LIVRE XXXVII. ¡251 ment attestent qu’ils y avaient trouvé deux mille fusils. Il est vrai que l’ambassadeur assurait qu’ils appartenaient aux habitants; mais les Français avaient bien quelques raisons de douter que deux mille armes de guerre renfermées dans un magasin, fussent à l’usage d’une population paisible; et on pouvait soupçonner qu’elles étaient à la disposition d’un podestat qui méditait de sinistres projets. XIX. Pendant ce temps-Ià, la fortune semblait ménager aux Vénitiens un moyen de sortir des difficultés inextricables au milieu desquelles ils s’étaient placés. La Prusse leur faisait une proposition qui devait ranimer leurs espérances (déc. 1796). Le baron de Sandoz-F>olliu, alors ministre de cette puissance à Paris, avait cherché l’occasion d’avoir une conférence avec l'ambassadeur de Venise. Après avoir loué l'habileté du sénat à conserver sa neutralité, il avait ajouté, que cependant il ne paraissait pas de la prudence de s’abandonner tout-à-fait aux chances incertaines des événements; que les Français ayant violé tous les droits de la neutralité, cette conduite pouvait fournir aux Autrichiens un prétexte pour en faire autant, et pour attenter à la sûreté de la république; que peut-être il était digne de la sagesse du gouvernement de se ménager un appui solide, une garantie contre l’ambition de la maison d’Autriche. Ce ministre voyait clairement, disait-il, que la république n’avait pu entrer dans l’alliance de la France, parce que la France ne pouvait se maintenir toujours en Italie. La seule puissance, avec laquelle le sénat pût s’allier utilement et sans danger, était, ce lui semblait, le roi de Prusse, prince qui ne pouvait avoir aucun intérêt en opposition avec ceux de la république, et qui était le seul en état de mettre obstacle aux vues ambitieuses de l’Autriche sur les possessions vénitiennes. Le baron de Sandoz ne disait pas qu’il eût mission de son gouvernement pour proposer cette alliance. Il ne donnait ce projet que comme le résultat de ses propres réflexions ; mais il y avait bien là de quoi provoquer celles du gouvernement de Venise. L’expédient avait d'abord ce grand avantage qu’il était sans aucun inconvénient pour la république. U était clair que la Prusse ne s’intéressait que très-médiocrement au sort de cet État; mais elle voulait ralentir les progrès de la France, en lui ûtant la faculté de traiter sans ménagement les provinces vénitiennes, et enlever ultérieurement à l’Autriche une ressource pour s’agrandir ou pour s’indemniser de ses pertes. Le collège, dit-on, ne communiqua point cette dépêche au sénat, et répondit à son ambassadeur que si le ministre prussien revenait sur ce sujet, il fallait ne lui donner qu'une réponse évasive, et même éviter de prendre avec lui rengagement de transmettre sa proposition. En effet, le 7 mars 1797, le baron de Sandoz, étant allé faire une visite au ministre de Venise, reprit le discours qu’il avait entamé au mois de décembre précédent; mais celui-ci lui répondit conformément aux instructions qu’il avait reçues, c’est-à-dire de manière à laisser tomber cette affaire. On verra bientôt les terribles conséquences de ce refus. Probablement que la république fut retenue par cette considération, qu’elle allait irriter également les deux cours belligérantes; les Français surtout étaient alors en position de ne pas pardonner les alliances faites sans leur aveu. Vers le milieu de décembre, ou apprit à Venise que le chargé d’affaires de Vienne devait demander au gouvernement de désigner un de ses membres pour avoir une conférence avec lui : les inquisiteurs d’Etat en avaient déjà pénétré l’objet. XX. Un officier autrichien était arrivé le 17 janvier à Venise; il était descendu chez le chargé d’affaires; tous deux étaient allés aussitôt chez un citadin : là, ils s’étaient informésdunom, du caractère, des opinions, des dispositions de l’officier vénitien qui commandait à Vérone. Us avaient dit que le général de l’armée impériale avait le projetde passer l’Adige sur ce point; mais qu’on désirait effectuer ce passage sans le moindre dommage pour la ville; et c’était pour cet objet qu’ils sollicitaient une conférence très-secrète. Le 22, le chargé d’affaires revint dans cette même maison, et répéta combien il serait à désirer qu’on pût prendre des mesures, pour que le passage des Autrichiens par Vérone eût lieu de concert avec le gouvernement vénitien. On ne sait pas jusqu’à quel point cette négociation fut poussée : il ne s’agissait de rien moins que de livrer les ponts de Vérone et le corps français qui les occupait; mais apparemment que sa présence fit juger l’exécution du projet trop difficile. Le général autrichien fut obligé de se décider à tenter le passage de l’Adige de vive force. Il se trouvait encore à la tête de cinquante mille hommes, ayant été renforcé par l’inépuisable population des États héréditaires, et notamment par un corps de volontaires fourni par les habitants de Vienne, dont le patriotisme, durant cette guerre, ne saurait être assez honorablement célébré. La ligne des Français s’étendait le long de l’Adige, depuis le défilé de la Corona, et le poste de Monte-Baldo, que gardait la division du général Joubert, sur les confinsduTyrol, jusqu’à Porto-Legnago qu’occupait la division Au-gereau. Le général Masséna était au centre en avant de Vérone. Les Autrichiens, postés parallèlement à celte