PIÈCES JUSTIFICATIVES. 109 courir, cl dont nous n’avons été préservés que par la miséricorde divine; cependant, pour ne rien laisser à désirer et afin de mettre la vérité dans tout son jour, il y ajoute les renseignements suivants. I.a trahison a été constatée. On ne peut plus en former aucun doute. Aucun homme de bon sens n'ignore que les conspirations sont ourdies dans un profond secret, avec circonspection, et que par conséquent on ne peut parvenir à les connaître que par ceux-là mêmes qui y ont trempé. C’est ce qui est arrivé dans celle-ci, qui n’a pas été traînée par des nationaux, mais par des Français, gens d'un esprit subtil et d’une naissance distinguée. C’était entre leurs mains qu’était la direction de cette affaire. Un sujet de cette nation qui ne participait pas à la conjuration, mais que les autres entretinrent de leurs abominables projets, fut poussé par une inspiration divine à nous le révéler, sans y être déterminé par aucune promesse de récompense, et même au mépris de sa propre vie. Il nous a découvert ce que la procédure a confirmé; nous avons reconnu la sincérité de ses déclarations par les aveux que la torture a arrachés aux coupables, enfin par une lettre que l'un des agents de la conspiration écrivait au duc d'Ossonc et qui a été trouvée, enveloppée de chiiïons, dans la besace de l'un des condamnés, avec une autre lettre de recommandation adressée par l’ambassadeur de la Cueva au duc d'Ossone, dans laquelle l'auteur sc plaint de ce qu'on a perdu une occasion favorable, et donne à entendre que, si on l’en avait cru, il ne se serait pas passé longtemps sans que l'on entendit crier dans Venise : Vire l'Et-pagne! rive l'Espagne ! liais ce qui doit achever de porter la conviction dans tous les esprits, ce sont les discours tenus par les conjurés dans une de leurs assemblées, et qui ont été entendus par une personne de qualité et de j«ge-ment possédant parfaitement la langue française, et dévouée au bien de la patrie, laquelle, d'après les circonstances qui déjà nous avaient été révélées, avait été apostée, et qui, sans être vue, entendit tout ce qui vient d'être rapporté (oit n’a pat encore rapporté ce discourt), el en outre qui a vu, dans le palais de l'ambassadeur, une grande quantité de lettres écrites par le *iuc d'Ossone sur ce sujet, les unes adressées à l'ambassadeur, les autres à un de ses familiers, chargé de la direction du complot; que c'était celui-ci qui avait écrit la lettre de regret au duc d'Ossonc au sujet du temps que l'on avait perdu. Ce même agent écrivit en présence de l'ambassadeur, d'autres lettres qui furent signées. Elles étaient en espagnol, cl il les traduisit de vive voix en français. Notre observateur a ajouté tous les renseignements qu'il tenait d'un secrétaire du duc d'Ossonc, et il s'en est fallu de peu que nous ne nous soyons emparés, non-seulement des lettres, mais du porteur lui-même. On a continué diligemment la procédure, et en dernier lieu on s’est occupé de l'affaire de Crème. On a prononcé sur tous les détenus : les innocents ont été relâchés; deux coupables,dont l’un avouait le fait, et dont l'autre était convaincu par des preuves et par ses propres aveux, ont été condamnés au dernier supplice. Les déclarations de fini de ces condamnés ont donné beaucoup de lumières sur la trahison tramée contre Venise. Il a été délibéré de surseoira l'exécutionde lasentence, tant qu’il pourra être utile de la différer : après quoi ou agira selon ce qu'exigera la raison d'Élal. On a fait tout ce qu’exigeaient l'exemple, la vindicte publique et la sûreté de la patrie. Il avait été écrit au capitaine-général de la mer, pour qu'il t'atsuràl de quelques hommesqui ont eu part dans ce détestable complot, uolamment de Jacques Pierre et de l.anglade qui en étaient les chefs, lesquels étaient déjà fort suspects, et étaient partis pour rejoindre la flotte, avec de très-mauvais desseins. Après leur départ, on acquit de telles preuves sur leur trahison, qu'il fut indispensable d'ordonner leur mort. Mais on a jugé à propos de n'y mettre aucun appareil, parce que leur détention ou l'éclat de leur exécution aurait pu avertir leurs complices, sur la trace desquels ou était. D'ailleurs les desseins du duc d'Ossone, contre notre armée navale, étaient sur le point d'être exécutés. Il eût élé possible que ces hommes pervers eussent réussi à faire éprouver quelques dommages considérables à notre flotte. Il reste à terminer le procès de quelques autres complices, on ordonnera à leur égard ce que la justice réclamera. 19. I-cttre du doge au rétidenl de la république à Milan, du 19 octobre 1GIH. On lui écrit qu’on est parvenu à faire croire dans les cours étrangères, que ces récits de la trahison tramée contre Venise n’étaient pas fondés, mais que cette trahison n’est que trop réelle cl trop bien constatée par les aveux des coupables cl les écrits trouvés sur eux. On espère que ccux qui onl observé les événements pendant les années qui viennent de s'écouler, sauront sc défendre de ces insinuations; et ou recommande au résident de soutenir la vérité du fait, et la nécessité des mesures prises par le gouvernement. Cependant on lui prescrit de n'entamer celle matière que lorsqu'il sera provoqué, de mettre le projet sur le compte des ministres, cl de ne jamais y mélrr le nom des princes. Ou l'informe que le gouvernement a cru devoir ordonner des prières publiques pour rendre grâces à la Providence de la découverte de cette conjuration.