LIVRE XXXVII. rent au fort Saint-Félix. Voici les conditions que leur dicta le général Balland : «Un commissaire français avec deux compagnies de grenadiers, précédé et suivi d’une troupe vénitienne à pied et désarmée, entrera dans Vérone par la porte San-Zeno, qui sera remise à un bataillon de grenadiers français. « Il se portera dans tous les lieux de la ville où il était demeuré des Français. « Tous les Français, détenus ou non, en quelque lieu qu’ils se trouvent, seront indiqués et rendus sur-le-champ à ce commissaire, qui les fera sortir aussitôt par la porte San-Zeno. « Toutes les pièces de canon, obusiers, etc., existant dans la ville, seront encloués sur-le-champ par les Vénitiens, pour que les paysans ne puissent pas s’en servir; le commissaire en fera la visite pour s’en assurer. « On enverra à la citadelle seize otages, parmi lesquels seront les deux provéditeurs, l’évêque et d’autres personnages nommément désignés. « S’il sort de la ville une voiture, un cheval, un seul habitant, soit par les portes, soit par l’Adige, le traité sera rompu. « D’ici à ce soir, toute troupe armée, de quelque espèce qu’elle soit, viendra déposer ses armes à cinq cents pas du camp, en face de la Croix-Blanche. « Les autres conditions à ajouter à cette capitulation, seront dictées par le général Kiltnaine. La réponse devra arriver au fort avant quatre heures. » Les provéditeurs se soumirent à ces conditions. C’était se rendre à discrétion, puisqu’on ne stipulait rien pour la sûreté des propriétés, ni même de la vie des habitants. Ils écrivirent : « Accordé. Les Vé-« nitiens s’abandonnent à la générosité française; « les vies, les propriétés des habitants, des troupes « et de leurs chefs, sont sous la sauvegarde de la « loyauté de la nation française, de scs chefs et de « scs troupes. » Alors trois parlementaires montèrent au château, où le général Kilmaine venait d’arriver. Celui-ci ajouta, pour l’exécution de la capitulation, quelques dispositions peu importantes. Les provéditeurs ne jugèrent pas à propos de se livrer en otages; ils partirent pour Padoue dans la nuit du 24 avril, laissant dans Vérone, suivant leur rapport, à peu près deux mille hommes de troupes réglées, sept à huit mille paysans, et une population nombreuse et très-exaltée. Les provéditeurs partis, on recomtncnça la négociation sur nouveaux frais. Les Véronais se soumirent à payer quaranie mille ducats de contribution, pour racheter leurs propriétés et leurs vies. Les paysans furent désarmés et renvoyés chez eux; les troupes réglées partirent pour Vicence, avec leurs armes et leurs bagages. Les malheureux qui avaient échappé au massacre se trouvèrent rendus à leurs compatriotes, et les troupes françaises entrèrent •dans Vérone consternée. En déplorant ces fureurs, il serait injuste de ne pas ajouter que plusieurs habitants de Vérone curent la générosité et le bonheur de sauver un petit nombre de ces Français, que poursuivait la haine nationale. Les comtes Alexandre Carlotti et Noga-rola sont du nombre de ceux à qui l’histoire doit cct honorable témoignage. Quelques maisons furent pillées par les troupes victorieuses, et trois des principaux habitants furent livrés à une commission militaire, et fusillés. Tel fut le résultat de l’insurrection de Vérone, que les Français appelèrent les Pâques véronaises, par allusion aux Vêpres siciliennes. XLII. Pendant qu’on était à Venise dans le pa-roxisme d’anxiété que devait produire l’entreprise des Véronais, et à une époque où on ne pouvait pas encore en prévoir l’issue, le 20 avril au soir, il s’y passa un événement non moins déplorable, non moins propre à faire juger les sentiments qui animaient la population de la capitale et les chefs du gouvernement. Le commandant du fort Saint-André du Lido, c’est-à-dire de la passe par laquelle on entre dans le port de Venise, adressa au provéditcur des lagunes le rapport suivant, que je traduis littéralement : « Divers rapports, qui m’étaient parvenus ces jours derniers, m’annonçaient que treize bâtiments armés croisaient dans le golfe, sans arborer un pavillon qui fit connaître à quelle nation ils appartenaient, et qu’ils étaient accompagnés d’autres navires qui paraissaient chargés de troupes. Ces avis avaient excité ma vigilance; lorsque hier, une demi-heure avant la nuit, les vigies aperçurent trois gros bâtiments armés, qui se dirigeaient à pleines voiles vers le port. « Je fis partir aussitôt deux embarcations, qui leur portaient l’ordre de rétrograder. Dès qu’elles furent près du premier bâtiment, qui avait arboré le pavillon français, nos officiers signifièrent au capitaine que l'entrée de ce port était interdite à tout bâtiment armé, de quelque nation qu’il fut. Celui-ci répondit insolemment que rien ne l’empêcherait d’entrer, et qu’il était prêt à forcer le passage. Toutes les représentations furent inutiles; il continua sa marche. « J’ordonnai aux galères et galéoltes de se tenir prêtes, et à l’officier d’artillerie d’envoyerdeux volées à ce vaisseau, pour avertir les deux autres qui le suivaient. En effet, ils revirèrent de bord ; mais le premier corsaire poursuivit sa course, et, quand il