I.IVRE XXXVII. 215 « ment. Seulement il s’en est trouvé quatre parmi ii les prisonniers. » Ce succès, quoique peu glorieux, était fort important dans les circonstances; on l’appela une victoire, et il releva les espérances des partisans du gouvernement; mais il en résultait en même temps un inconvénient très-grave. Ce combat, ces prisonniers, les autres combats, les échanges qui s’ensui-virent, constataient la guerre civile et l’existence de plusieurs factions ennemies s’entre-déchirant au sein de la république. Les montagnards de la province de Bergame formèrent le blocus de Brescia. Vérone envoyait un détachement de trois mille hommes de sa levée en masse sur le Mincio, pour en disputer le passage aux insurgés. Cette province se remplissait de troupes régulières et de paysans armés. On était de part et d’autre dans une extrême déliance; le commandant français se croyait obligé de prendre les plus exactes précautions pour éviter une surprise; il avait approvisionné les forts, n’habitait plus que la citadelle, et menaçait de faire jouer l’artillerie des châteaux sur la ville au moindre mouvement que ferait la population. Des Véronais parurent à Venise avec une cocarde bleue et jaune. C’était arborer un signal auquel la haine, qui fermentait depuis longtemps, devait se rallier, et, pour qu’on ne se méprit pas sur l’objet de cette haine, le ministre anglais résidant à Venise affecta d’adopter ce signe de ralliement. Mais l’éclat qu’avaient fait les montagnards, leurs premiers succès, la captivité de deux cents soldats de la légion polonaise, étaient des événements trop inquiétants, pour que les Français laissassent s’organiser cl s’accroître une force, qui tenait déjà une de leurs garnisons bloquée dans Brescia. Il était facile de voir quel danger pouvait en résulter pour l’armée. Le général qui commandait en Lombardie entreprit de désarmer les habitants de ces vallées, et il en résulta des combats, des incendies, des dévastations, que la jactance des Français prit encore soin d’exagérer. XXXIV. Le gouvernement autrichien, alors réduit à préparer la défense de sa capitale, suivait de l’œil avec un vif intérêt les mouvements qui se manifestaient dans les provinces vénitiennes. Dans une conférence qui eut lieu le 9 avril entre le baron de Thugut et l’ambassadeur de Venise, le ministre autrichien s’étendit en observations sur le parti qu’on pouvait tirer de ce mouvement populaire. 11 ne doutait pas que le gouvernement vénitien ne l’encourageât, ne l’appuyât, et il y voyait une nouvelle preuve des dispositions bienveillantes de la république pour les intérêts de l’enipereur; il n’en avait jamais doulé, et, à cette occasion, on laissa échap- per quelques mots d’où l’on pouvait conclure qu’il n’ignorait pas les offres séduisantes que le directoire avait faites au sénat; mais il s’empressa de dire que l’empereur avait trop éprouvé l’amitié de la république pour ne pas y compter. A cela il ajouta ces mots (dont l’ambassadeur ne fit aucune mention dans sa dépêche adressée au collège, mais dont il rendit compte aux inquisiteurs d’Etat, par une lettre secrète) : « Vous verrez que le directoire « ne vous'donnera que de belles réponses aux plain-« tes que vous lui avez adressées sur la conduite a des Français en Italie. Il désapprouvera peut-être « ce qui s’est passé, mais il en agira avec vous « comme avec le duché de Clèves; il mettra la main « sur les provinces vénitiennes de la rive droite du h Mincio, et la souveraineté de la république n’en « sera que plus lésée. Je connais trop la sagesse du ii sénat pour ne pas être certain qu’il ne prêtera « point l’oreille aux séduisantes paroles du dircc-« toirc et de Bonaparte, comme il s’y est refusé il y « quelques mois et même depuis pou, si je ne me « trompe. Oh ! si les Brescians et les Bergamasques h s’unissaient à nous, l'Autriche serait certaine de « terminer la guerre par une paix raisonnable. Il « est si aisé de fermer les passages du Tyrol ! En « vérité, il dépend du sénat de réduire les Français « à la dernière extrémité. « Je m’imagine bien que votre excellence n’a au-« cunes instructions pour traiter de cet objet; aussi « n’en parlê-je que par forme de conversation. Le « mouvement de la population vénitienne, soutenu « par le gouvernement, peut empêcher le renverse-ii ment du système de l’Italie; il peut tenir en rcs-« pcct l’Espagne, qui a des vues pour l’agrandisse-« ment du duché de Parme, et le roi de Sardaigne, ii qui voudrait aussi reculer ses frontières. » Là-dessus, l’ambassadeur lui ayantexprimé combien la république aurait de regret de voir cesser ses relations de voisinage avec sa majesté impériale, le baron de Thugut reprit : « Les intentions de l’em-ii pereur sont de maintenir la Lombardie dans le « système où elle était avant l’invasion des Fran-ii çais. 11 s’opposera tant qu’il pourra aux projets « des autres puissances, et j’espère qu’elles ne réus-« siront pas. Monsieur l’ambassadeur, l’intérêt de « la maison d’Autriche et celui de votre république ii sont maintenant les mêmes. Je ne vous demande « aucune réponse sur cela. Je vous fais part de « mes réflexions ; ce n’est pas le ministre des affai-ii res étrangères qui vous parle. » C’était très-réellement le ministre qui parlait. Il feignait de croire que le sénat avait alors à se défendre des séductions de la France, tandis qu’il y avait déjà longtemps que le directoire avait cessé de faire usage avec le gouvernement de Venise même de