LIVRE XXXI. 113 il, en se montrant à sa suite, démentir, par sa présence, les bruits qui avaient couru contre l’ex-vice-roi. Il était possible enfin qu’ils ne fussent pas parvenus jusqu’aux oreilles de Philippe III, car ce prince ne gouverna jamais par lui-mêtne. Quoi qu’il en soit, le duc d’Ossone ne fut pas le dernier à se laisser éblouir par ces apparences de faveur. Le maréchal de Bassompierre, qui était alors ambassadeur de France en Espagne, raconte que, Philippe étant mort le 51 mars 1621, le duc dit à quelques gentilshommes français, qu’il se proposait de dire au nouveau roi : « Sire, il y a maintenant en Europe trois grands princes, dont l’un a seize ans, l’autre dix-sept, et le troisième dix-huit (c’est-à-dire, le roi d’Espagne, le roi de France, et le grand-seigneur) : celui des trois qui aura la meilleure épée, sera mon maître. » XXXIV. Mais il n’eut pas occasion de se permettre cette jactance; car le changement de règne amena une révolution, dont il fut la victime. Le premier ministre fut disgracié, et, immédiatement après, le duc d’Ossone fut arrêté, ainsi que ses secrétaires, plusieurs Napolitains de sa suite, et même j quelques Espagnols, dont le seul tort était d’être de scs amis. On saisit ses papiers, et on commença à rassembler des matériaux, pour lui faire son procès. Des commissaires furent envoyés en Sicile et à Naples, pour recueillir des informations contre lui. Les Siciliens lui rendirent un éclatant témoignage: personne, dans cette province, ne déposa contre l’ancien gouverneur. Mais il n’en fut pas de même à Naples; des volumes immenses se remplirent de toutes les charges dont on cherchait à l’accabler; et on accuse le résident de Venise de s’être rangé parmi ses dénonciateurs, en fournissant un mémoire, qui contenait les plus graves inculpations. Des magistrats furent nommés pour examiner toutes ces charges, et recevoir les réponses du prisonnier. Cette procédure se prolongea pendant plus de j trois ans, sans qu’il y eût aucune décision juridi-{ que, malgré l’acharnement des inquisiteurs d’Es-j pagne, qui, fidèles à leur ancienne inimitié contre le duc d’Ossonc, voulurent faire revivre les accusations d’hérésie dont, autrefois, il avait été l’objet. Enfin le prisonnier mourut au château d’Almeda, le 25 septembre 1624, d’une apoplexie, selon quelques-uns, mais non sans soupçons de poison, s'il faut adopter l’opinion de quelques autres. HISTOIRE I1E VENISE.— T. il. 8