STATUTS DE L'INQUISITION. 347 lui transmettre l’avis de tout ce qu’ils recueillent de la conversation de leurs parents, qui se sont bien relâchés de l’impénétrable réserve de nos ancêtres. Quoique nos prédécesseurs dansce tribunal se soient constamment appliqués à trouver un remède à cet abus, ils n’ont pu parvenir à le déraciner, parce que les prélats vénitiens, à raison de leur état, sont autorisés à avoir un commerce habituel avec le ministre pontifical, et que cet usage a été confirmé par le temps ; de sorte qu’aujourd'hui on ne pourrait le faire cesser sans des moyens violents, et il faudrait en venir aux peines les plus sévères pour contenir les transgresseurs de la défense, mesures qui produiraient plus de scandale que d’utilité. 11 en résulte que l’abus existe, qu’on le sait, qu’on le condamne, et qu’on ferme les yeux. Cependant le mal étant inévitable, il est au moins de la prudence de notre tribunal de tâcher d’en tirer quelque fruit. Dans cette vue, il est arrêté que nous et nos successeurs nous nous appliquerons à observer soigneusement les prélats vénitiens qui fréquentent le plus le palais du nonce ; car ceux qui y sont peu assidus et qui résident dans leurs diocèses ne divulguent pas les secrets publics et ne seraient pas propres à rendre le service dont il sera parlé ci-après. Parmi ceux qui résident plus habituellement à Venise, on en choisira un, dont le zèle pour la patrie soit bien connu, l’esprit habile à manier les affaires, et la fortune assez médiocre pour qu’il ail besoin de l’augmenter, comme pourrait être un évêque inparlibus. Ce choix fait, un des inquisiteurs d’abord et ensuite tous les trois s’aboucheront avec ce prélat pour lui offrir un traitement de cent ducats par mois s'il veut transmettre au nonce, sous l’apparence d’une confidence, les avis que nous le chargerons de lui donner, comme, par exemple, une délibération très-secrète des sages prise à l’occasion de quelque différent entre la république et une puissance étrangère, et d’après laquelle les sages devraient soumettre au sénat une mesure peu agréable à cette puissance. Tout cela ne serait qu’une supposition, mais on chercherait à faire parvenir par cette voie ce faux avis au prince étranger, afin que pour éviter ce désagrément, il cherchât à se remettre en bonne intelligence avec la république. Ainsi si on avait à se plaindre deFEspagnc, on tâcherait de lui faire croire qu’on traite d'une ligue avec la France. Ce faux avis serait porté au nonce par le prélat affidé de l’inquisition d’État. Il n’y a point de doute que le nonce ne se hâtât de le communiquer à l’ambassadeur d'Espagne, attendu la bonne intelligence qui subsiste habituellement entre cette couronne et la cour de Rome, et il serait possible que l’Espagne cessât de donner des sujets de plainte à la république pour la faire renoncer à ce projet de ligue. On pourra user de ce moyen dans les circonstances semblables, car souvent les princes sont plus inquiets d’un danger à venir que d’un péril présent dont on peut mesurer toute l’étendue. 4° C’est une coutume ancienne et fort utile que nos ambassadeurs au retour de leur mission fassent dans le sénat une relation exacted« la cour près de laquelle ils ont été accrédités, des forces, des alliances, des intérêts du prince, de scs bonnes ou mauvaises dispositions pour notre république, des inclinations de scs ministres et surtout des personnages influents. Ces relations sont écoutées avec beaucoup d’intérêt par tous les membres du sénat. Il arrive que d’autres nobles étrangers à cette assemblée, et par conséquent non initiés dans les seerctsde l’État, s’en procurent des copies; et quoiqu’un très-ancien règlement du conseil des Dix défende à ces ambassadeurs de communiquer ces relations à d'autres qu’aux membres du collège, quelques-uns par vanité, pour faire montre de leur capacité ou de leurs services, ne se font pas scrupule de communiquer leur rapport à leur parents, de chez qui il passe bientôt dans d’autres mains et devient à peu près public, ce qui est une chose de la plus dangereuse conséquence; car bien que ces relations ne paraissent destinées qu’à exposer les intérêts des puissances étrangères, elles n’en font pas moins connaître à quel point nous sommes en bonne intelligence avec elles, à quoi lient celle bonne intelligence, et par conséquent quels sont les intérêts de la république. Pour remédier à cet abus, l’ancien règlement qui défend aux ambassadeurs de donner aucune communication de leurs rapports sera renouvelé. Les peines les plus sévères seront portées contre les transgresseurs. A l’avenir cette défense sera insérée dans la commission délivrée à chaque ambassadeur, afin qu’ils l’aient toujours sous les yeux. A leur retour, avant de porter leur relation au collège, ils devront la présenter à notre tribunal pour qu’elle y soit examinée, et qu’on y ajoute ou qu’on en retranche, selon que le bien public paraîtra l’exiger, car il n’est pas toujours convenable de donner des communications sans restriction à toutes les personnes qui ont entrée au sénat. Ce n’esl pas tout : si l’ambassadeur rapportait que la république eut reçu ou put recevoir quelque dommage par les mauvaises dispositions qu’un ministre étranger aurait manifestées contre elle, ou aura soin de faire que l’ambassadeur ajoute dans sa relation que telles étaient en effet les dispositions de ce ministre, mais qu’ayanl lâché de le gagner et ayant étéautorisé par notre tribunal àlui offrir une somme considérable, il a été assez heureux pour le trouver accessible à l’intérêt el pour changer son animosité en bienveillance; et qu’il n’a pas manqué de lui