2 ¡50 HISTOIRE DE VENISE. parvenue, objet de l’admiration universelle, trouvera certainement plus de gloire dans les efforts volontaires que la république vénitienne s’empressera de faire, que dans une conduite hostile contre un gouvernement qui se reconnaît sans défense. » Voici la réponse : « Je ne puis, messieurs, vous recevoir couverts du sang français. Quand vous aurez fait remettre en mes mains l’amiral du Lido, le commandant de la tour et les inquisiteurs d’État, qui dirigent la police de Venise, j’écouterai cc que vous avez à dire pour votre justification. « Vous voudrez bien quitter le continent dans le plus bref délai. ii Cependant, messieurs, si le nouveau courrier qui vous est arrivé est relatif à l’affaire de Laugier, vous pouvez vous présenter devant moi. » Les députés racontent, dans leur rapport du lor mai, qu’ils reçurent cette lettre, toute sévère qu’elle était, avec une joie inexprimable, parce qu’elle leur offrait une conférence. Ils s’y rendirent, et exposèrent au général qu’ignorant les détails du malheureux événement arrivé au Lido, ils n’hésitaient pourtant point à l’assurer que ni le sénat ni les inquisiteurs d’État ne pouvaient y avoir pris aucune part; et que certainement les officiers quelconques qui auraient transgressé leurs ordres seraient punis d’une manière exemplaire. « Nous ajoutâmes, disent-ils, que, pour le moment, nous ne pouvions lui dissimuler que le meilleur moyen d’obtenir la satisfaction qu'il demandait était d’en prescrire la forme, mais de la prescrire telle qu’elle put se concilier avec l'existence politique de la république vénitienne et de ses États; que c’était le vœu de la nation entière; qu’enfin nous désirions qu’il se montrât pour nous tel qu’il s’était montré pour les ennemis à qui il avait accordé la paix, poulies peuples conquis à qui il avait donné la liberté, pour les neutres dont il avait accepté l’alliance; et que nous ne devions pas avoir à craindre de le trouver indifférent à l’égard d’une république toujours amie de la France. « II avait écouté tranquillement; mais, au lieu de nous répondre, il répéta le contenu de sa lettre, déclarant qu’il ne voulait rien entendre avant qu’on lui eût livré les coupables. 11 nous dit que, s’il avait donné la liberté à d’autres peuples, il briserait aussi les chaînes des Vénitiens; qu’il fallait que le conseil choisît entre la paix ou la guerre; que, si l’on voulait la paix, il fallait commencer par proscrire cette poignée de patriciens qui avaient disposé de tout jusqu’à présent et ameuté le peuple contre les Français. Ce fut en vain que nous essayâmes tous les moyens de l’apaiser. Nous hasardâmes légèrement de lui proposer une réparation d’un autre genre; mais il répliqua avec vivacité : « Non, non, quand « vous couvririez cette plage d’or, tous vos trésors, « tout l’or du Pérou, ne peuvent payer le sang fran-« çais. » En sortant de cette conférence, le général publia le manifeste qui contenait la déclaration de guerre.