190 HISTOIRE I)E VENISE. se réunirent pour fêler son retour; mais on appril que les inquisiteurs d’État venaient de prolonger sa peine, se fondant sur ce principe, que les premiers jugements n'étaient jamais que provisoires. Le grand-conseil ne manifesta son indignation de cet acte arbitraire, qu’en nommant un des inquisiteurs à une place fort au dessous de sa dignité. Il appela en même temps un autre patricien prisonnier, en Ceignant d’ignorer sa détention, au gouvernement important de Chiozza. Le tribunal rendit celte nomination inutile, en ne relâchant point le nouveau gouverneur , et il fallut que ce patricien payât l’amende pour ne s’étre pas rendu au puste que le conseil souverain avait voulu lui donner. Un noble véronais nommé Sarramossa, noté pour la hardiesse de scs discours, disparut à peu près vers ce temps-Ià, et 011 répandit qu’il avait été étranglé en prison. C’est aussi à celle époque cl à la même cause, dit-on, qu’il faul rapporter le bannissement du patricien Léopold Curli, qui vint publier à Paris ses mémoires sur le gouvernement de Venise. Ainsi les esprits audacieux se montraient impatients ; on s’agitait dans les conseils, on nommait des commissaires pour proposer une réforme ; mais ces commissaires trompaient toujours les espérances qu'on en avait conçues; et les autorités odieuses, dont on voulait limiter le pouvoir, finissaient par triompher. Pour s’expliquer comment l’énergie des commissaires les abandonnait au moment de faire leur rapport, il faul savoir que, depuis une époque bien antérieure, il y avait, dans les règlements de l’inquisition d’Étal, un article portant que, toutes les fuis que le grand-conseil aurait nommé des correcteurs des lois, ils seraient mandés secrètement devant le tribunal, et qu’on leur intimerait la défense de faire aucune proposition tendant à restreindre l'autorité du sénat, ou celle du conseil des Dix. Le frein était puissant, mais il fatiguait, et la multitude des nobles mécontents ne cessait pas de se débattre sous le joug. XXII. Un autre symptôme non moins remarquable de la révolution qui s’était opérée dans les esprits, fut la guerre que le sénat déclara auclergéen 1768. On se plaignit de la tendance de ce corps à accroître continuellement ses richesses, à défaut de toute influence politique. Des commissaires furent nommés pour proposer les moyens d’y remédier. Après un exposé de l'ambition du clergé, de son opulence, objet de scandale et d’envie, et de scs ruses pour éluder les lois, qui ne cessaient d’y mettre obstacle; malgré tous les efforts, ajoutent-ils, opposés avec tant de constance, pendant cinq cents ans, à l’agrandissement du clergé, on va voir combien de vers rongeurs (ce sont les expressions du rapport) se nourrissent de la substance destinée aux besoins de la population active. Les commissaires évaluent : Les revenus en immeubles du clergé, sujets aux décimes, à............ 1,163,837 duce. Ceux des immeubles non passibles des décimes......... 219,4156 Les rentes ducs au clergé par des laïcs............... 108,28a L’intérêt des capitaux du clergé provenant de la vente de ces immeubles ............. 303,003 L’intérêt des capitaux du clergé placés sur les fonds publics . . . 940,224 2,734,807 durât«. Tel était le montant du revenu fixe : il restait à évaluer le revenu casuel. On fit faire le relevé du produit des quêtes faites par les religieux mendiants seulement, sans y comprendre les quêtes faites par les couvents de femmes, ni pour les maisons où l’on recevait d’autres secours : ce produit se trouva monter annuellement à...... 170,06 4 duent». On fit faire également le relevé des messes fondées, dont le nombre se trouva être de 3,107,682, et celui des messes payées aux sacristies descouvents, pendant cinq ans, qui donnèrent pour terme moyen la quantité de 1,435,539 messes paran.C’était un total de4,688,399 messes à dire par les religieux. Nous n’avons pas manqué, disent les commissaires, de réfléchir sur le nombre de prêtres qu’exigerait la célébration de tant de messes : on assure qu’on a grand soin de s’en acquitter; niais il est évident qu’on ne le peut pas. Il y a bien 7,638 religieux réguliers, mais sur ce nombre on ne compte que 5,272 prêtres; ainsi ce serait quatorze ou quinze cenls messes par an à dire pour chacun. Le nombre des messes célébrées par les prêtres séculiers fut évalué à 4,230,060. Ainsi la totalité des messes payées au clergé, s’élevait à la quantité de 8,938,439. Ces messes coûtaient au public, défalcation faite des messes fondées, dont le prix faisait partie des revenus fixes du clergé. . 1,569,589 Total des revenus casuels. . . 1,339,633 Les revenus fixes étaient de. . . 2,734,807 Le clergéjouissait donc d’un revenu de............. 4,274,460 duc».