LIVRE XXXIX. 287 vénitiennes. Il ne peut, ni lui-même, ni aupun de sa famille, Svoir un intérêt dans les entreprises. Ses (ils sont obligés de résider dans la capitale, même ceux qui seraient déjà membres du sacré collège. Ses enfants, scs frères, ses neveux, ne doivent rien accepter des princes étrangers; et s’ils en avaient reçu quelque chose avant son élection, ils ne peuvent plus sortir du territoire de la république sans y être autorisés. Sa femme, qu’on appelait la doga-resse, et qui jusque-là avait été couronnée, ne peut plus porter la couronne, ni se faire accompagner hors du palais par d’autres femmes que par celles de sa famille. Elle ne peut recevoir aucune visite des ministres étrangers. Enfin les conseillers sont chargés de faire faire tous les mois au doge une nouvelle lecture de son serment. On n’est pas d'accord sur l’époque à laquelle l’usage de couronner la dogaresse fut aboli ; mais 011 a remarqué que rarement les Vénitiens élevaient à la dignité ducale 1111 homme ayant encore sa femme. On a supposé que c’était chez eux une maxime. Il n’était pas étonnant que la plupart des doges fussent veufs, puisqu’on les élisait ordinairement dans un âge très-avancé; cependant, en général, il y avait plus de chances, dans l’élection, pour un veuf ou célibataire, que pour celui qui ne l’était pas. Delà l’usage de ne marier ordinairement que les cadets dans les grandes maisons ; de là l’immense quantité de filles nobles condamnées au célibat, et la nécessité des couvents. Dans le dix-huitième siècle, le fils aîné et un des frères du doge peuvent seuls prendre séance au sénat, et encore sans y avoir voix délibéralive. Il ne peut exiger aucune redevance des officiers de sa maison, ni donner à loyer aucune partie du palais public. Il 11e peut avoir aucune correspondance, aucune entrevue avec les ministres des cours étrangères, soit à Venise, soit ailleurs, ni môme avec les étrangers de l’un ou de l’autre sexe, qui auraient eu ou qui pourraient avoir des relations avec eux. Ainsi, pendant huit siècles on avait travaillé sans relâche à restreindre l’autorité ducale, et soixante-dix-huit lois successives constataient la jalousie qui animait les conseils contre le premier magistrat. Toutes ces restrictions étaient encore aggravées par les obligations qu’on Ini imposait, et qui lui étaient tracées avec la plus minutieuse exactitude. Sans autorité quand il était seul ; obligé d’assister à tous les conseils, à beaucoup .de cérémonies; soumis à des règlements pour l’emploi de son temps, pour sa table, pour scs habits même, le doge de Venise était certainement le citoyen le moins libre de tout ITOtal; et de scs anciennes prérogatives, il 11’avait conservé que celle de nommer le primicicr et les chanoines de l’église de Saint-Marc. Vers le milieu du XVIII0 siècle, on paraissait avoir senti l’excès de cette méfiance et ses inconvénients, 011 voulut faire quelques règlements pour augmenter l’autorité du prince, il était trop tard. Dans les premiers siècles de l’existence des doges, on les voit presque toujours se mettre à la tète des armées. Urse enlève Ravenneaux Lombards; Jean Participatio défait Obelerio, son compétiteur; l’ierre Gradenigo conduit une armée contre les Sarrasins; Urse Participatio commande une expédition contre les corsaires; Jean Participatio 11 délivre Grado, assiégée par les Sarrasins; Pierre Caudiano locest tué en combattant les pirates de Narenta; Pierre Candiano II les défait; Pierre Urseolo 1er marche au secours de la Pouille, contre les Sarrasins; sou fils, Pierre Urseolo 11, conquiert la Dalmatie; le fils de celui-ci, Othon Urseolo, bat le roi des Croates; Dominique Contarini assiège Zara et la soumet; Dominique Silvio fait plusieurs campagnes contre les Normands; Ordelafe Falier ajoute à ses litres celui de duc de Croatie, et est tué en combattant les Hongrois; Dominique Michieli conduit les Vénitiens au siège de Tyr; Vital Michieli, second du nom, fait la guerre à l’empereur d’Orient; Sébastien Ziani a la gloire de sauver le pape Alexandre III, en battant la Hotte de l’empereur Frédéric llarbcrousse; enfin Henri Dandolo monte à l’assaut de Constanti-nople. Voilà une assez longue liste de doges guerriers; ils sont tous antérieurs au treizième siècle: leur ardeur belliqueuse n’atteste pas seulement leur patriotisme, elle est aussi un indice de leur autorité, du plaisir qu’ils trouvaient à l’exercer, ou de leur désir de l’accroître. Dans le siècle suivant, un seul (loge, Laurent Thiépolo, marcha en personne dans une courte expédition contre les Bolonais. Quelques autres n’osant prendre eux-mêmes le commandement, le donnèrent ou le firenteonfier à leurs fils. Jen’en connais que trois exemples, et ils cessent vers le milieu du treizième siècle. Aussitôt que l’aristocratie fut établie, toute occasion d’exercer le commandement militaire, soit par eux-mèmes, soit par leurs enfants, fut interdite aux doges. Deux vieillards parurent sur les flottes, mais entourés de leur conseil et du sénat: André Contarini, dans la guerre de Chiozza ; et Christophe Moro, malgré lui, dans la croisade provoquée par le pape Pic II : c’était le gouvernement tout entier qui se transportait à l’armée, pour l’animer par sa présence, sans exercer le commandement militaire. Au commencement de la guerre de Candie, il avait été décidé que le doge François Erizzo marcherait en personne, mais il mourut avant de s’embarquer. Depuis la fin du treizième siècle, un seul