LIVRE XXV. « divine et l’imprudencc de nos ennemis. » A son approche , le sénat s’empressa de rappeler son armée sur l’Adige. Il se repentait alors vivement d’avoir abandonné l’alliance du roi. Cependant, pour ne pas se compromettre par une défection trop précipitée, il fit faire quelques marches à ses troupes vers l’Adda. VIII. Tout porte à croire que, si François Ier eût pressé les alliés sans leur donner le temps de se reconnaître, et s'il n’eût pas détaché deux corps de son armée, l’un pour tenter la surprise de Gênes, l’autre pour faire une diversion dans le royaume de Naples, il aurait réduit les ennemis à chercher un asile dans les places fortes du domaine vénitien ; mais son malheur voulut qu’il en crut le conseil de l’amiral Bonnivet, et qu’il s’arrêtât pour faire le siège de Pavie , le 18 octobre 1324. Pendant que le général des Impériaux demandait à grands crisque l’armée vénitienne vint le joindre, le roi faisait négocier très-secrètement, pour détacher la république de l’alliance de Charles-Quint. Les perplexités des Vénitiens recommençaient chaque fois qu’il devenait inévitabledeprendre un parti. Le pape venait de leur donner l’exemple de l’inconstance en traitant avec le roi. Après une délibération solennelle, où chaque oraleur tâcha d’élablir la probabilité des événements tels qu’il les prévoyait, le sénat se rangea du côté qu’il croyait être celui de la fortune, et, par un nouvel oubli de ses derniers engagements, se sépara de l’empereur, pour rentrer dans l’alliance du roi; mais en ayant soin de tenir ce traité fort secret. On ne pouvait pas se flatter qu’il restât ignoré , car il était de l’intérêt des Français de le divulguer. La fortune sembla se faire un jeu de tromper tous les calculs de la vaine prudence du gouvernement vénitien. François Ier, par trop de confiance dans les dispositions de Bonnivet, et dans la force de son armée, dont il n’avait pas eu soin de s’assurer, fut vaincu, blesséet fait prisonnier devant Pavie , le 24 février 1323. 11 y perdit neuf mille hommes et l’Italie. A cette nouvelle , la consternation fut extrême dans Venise ; on n’avait guère que mille gendarmes et dix mille hommes d’infanterie à opposer au ressentiment d’un allié trahi, et d’un vainqueur irrité. Le sénat s’empressa de négocier auprès du pape, qui était alors Clément VII, successeur d’Adrien , pour former une ligue qui pût imposer à l’empereur. On se proposait de lever en Suisse un corps de dix mille hommes, à frais communs. Ces conseils auraient été bons, et l’Italie aurait pu se constituer en étal de neutralité armée, avant les derniers événements; mais depuis le désastre de Pavie, il n’y avait plus moyen d’être neutre. Des deux puis- sances belligérantes , une avait totalement disparu du champ de bataille. 11 ne restait que deux partis à prendre, résister ou se soumettre au vainqueur. Pour l’attaquer, surtout avec des forces très-infé-rieures, il aurait fallu un courage héroïque , et cet accord qui suppose une parfaite unité de vues et d’intérêts. Ménager son accommodement avec l’ennemi, était un parti beaucoup plus conforme au caractère delà politique italienne. Comme la défection des Vénitiens n’avait pas été annoncée officiellement, le général des Impériaux se fit un malin plaisir de leur envoyer un officier pour leur faire part de la victoire de Pavie. L’évêque de Bayeux, ambassadeur de France, sortait en ce moment de l’audience du collège, où le doge lui avait fait, sur le malheur du roi, un compliment de condoléance qu’on pouvait croire sincère. Quand l’envoyé espagnol eut été introduit, le doge lui répondit par les paroles de Saint Paul : « Nous nous affligeons avec ceux qui pleurent, « nous nous réjouissons avec ceux qui sont dans la « joie. » 11 s’agissait de savoirquels ordres arriveraient d’Es-pagne, lorsque Charles aurait appris le succès inespéré de ses armes. Toute l’Europe, et surlotil les Vénitiens , attendaient avec inquiétude les sentiments qu’allait manifester l’empereur en se voyant désormais sans rival. On apprit qu’à la réception de cette nouvelle et d’une lettre de François lor, où ce malheureux prince s’exprimait plus en prisonnier qu’en roi, Charles était allé sur-le-champ rendre grâce à Dieu de sa victoire ; que le lendemain il avait ordonné une procession, et l’avait suivi avec toute sa cour, après avoir reçu l’eucharistie ; qu’il avait défendu les réjouissances publiques, plaignant son illustre prisonnier, et disant qu’on ne devait pas se réjouir d’avoir versé le sang des chrétiens ; que, lorsque les ambassadeurs étaient venus lui présenter leurs hommages de félicitation , il n’avait parlé que des grâces qu’il avait à rendre à la Providence,ajoutant qu’il n’appréciait sa victoire que parce qu’elle lui donnait les moyens de témoigner son amitié à ses alliés, et de rétablir la paix. C’était avec cette gravité, qui ne laissait percer ni joie ni ostentation, qu’un prince de vingt-cinq ans recevait la nouvelle d’une bataille, qui le rendait le maîlre de la moitié de l’Europe. L’ambassadeur de Venise n’avait pas manqué de se trouver parmi les ministres étrangers, accourus pour féliciter l’empereur, et, en prodiguant les compliments au nom de sa république, il avait tâché d’amener la justification de la conduite qu’elle avait tenue dans ces derniers temps. Charles, sans donner aucune marque de ressentiment ni de bien-