PIÈCES JUSTIFICATIVES. 397 que chacun était mailrc d’écrire ce qui lui plaisait, et que cc devait être quelque manœuvre de scs ennemis pour le perdre; mais qu’il ne savait rien, qu'il niait même la copie des lettres écrites au duc de Guise. Il demandait qu’on lui permit d’écrire pour reconnaître si c’était sa main ; on pouvait en juger par beaucoup d’autres papiers de son écriture, trouvés dans la cassette, qui se ressemblaient parfaitement. Il lui fut dit qu’on voyait bien qu’il était un homme de mauvaise vie et ayant des intentions perverses, puisqu’il était lié avec le capitaine Pierre, et qu’il avait concerté avec lui des projets contre la république par le moyen de l’Espagne, même de la France; qu'aussi, s’il avait dit la vérité, s’il avait indiqué les autres complices et ceux qu’il avait induits à une action si criminelle, on aurait eu plus de pitié pour lui ; mais qu’il demeurait convaincu ; et qu’il aurait le châtiment qu’il méritait. Il fut interrogé de nouveau sur toutes les particularités du complot qui se tramait sur terre et sur mer. Il lui fut demandé s'il avait écrit au roi de France contre la république; mais il s’obstina à tout nier, assurant qu’il était un homme de bien, et qu’il avait toujours été plutôt porte à se rendre utile à cet État qu’à lui nuire. Quand on lui représenta qu’il ne disait pas la vérité, en niant d’avoir eu aucune relation avec Jacques Pierre et avec l’ambassadeur d'Espagne, comme d'avoir écrit au duc de Guise, il persista dans ses dénégations. Interpellé de déclarer sa profession, il répondit qu'il l’avait déjà fait connaître, et qu’il n’était pas nécessaire de se répéter. Les inquisiteurs l'ayant fait reconduire, ordonnèrent d’amener devant eux les deux pétardiers à la solde de la république, hommes habiles dans leur art; et l'un après l’autre, ils furent interrogés sur tout ce qui les concernait depuis leur naissance jusqu’à l’affaire présente. Le premier nia d’avoir jamais parlé ni traité avec le capitaine Pierre, et après beaucoup d’interrogations, on le lit retirer. On amena le second, auquel on donna à entendre que son frère avait tout déclaré, qu’en conséquence il venait d’être mis en liberté; que, s'il voulait aussi dire la vérité, il serait immédiatement élargi, de même que les trois autres qui venaient d'être interrogés. Il avoua la quantité de pétards et d'artifices qu’ils avaient préparés, ajoutant qu'ils avaient travaillé beaucoup de jours dans le palais de l’ambassadeur d’Espagne; qu'il y avait dans ce palais une grande quantité d'arquebuses, de lances, de poudre, d'armes offensives et défensives; qu'on voulait mettre le feu dans plusieurs endroits de la ville, en commençant par l'arsenal et ensuite à la fois dans plusieurs endroits désignés, que M. d'Arnault ainsi que le capitaine Pierre avaient examinés avec beaucoup de soin; que le capitaine, en partant pour l’armée, leur avait recommandé de se tenir dans les auberges, dans les chambres garnies, chez des femmes publiques, pour gagner le temps et attendre le moment de l'exécution. Dans la terre-ferme il y avait beaucoup d'officiers et de gens de guerre, qui étaient aussi dans le complot. Enlin cet homme dit toutes les particularités de l’affaire. Il fut confronté immédiatement avec Jaflier et avec les autres. I,c soir même, ils furent reconduits en prison séparément. Les inquisiteurs d'État délibérèrent d'envoyer au palais de l’ambassadeur d'Espagne l’a-vogador Nicolas Valcrio avec des membres du conseil des Dix, en leur ordonnant d'y entrer à l’im-proviste et hardiment, de parler à l'ambassadeur lui-même, et, sans perdre de temps, de faire une visite exacte de tout le palais, en déclarant à l'ambassadeur que c’était pour le service de la république que l'on faisait cette perquisition. Cet ordre fut exécuté. On trouva dans le palais une grande quantité d’armes, de barils de poudre, soixante pétards petits ou moyens. Il y eut une chambre pour l’ouverture de laquelle l’ambassadeur fil une grande résistance, en disant qu'elle contenait des objets pour le service du roi son maître ; mais on n’eut aucun égard à cette opposition. L’avogador exigea qu’elle fût ouverte, et elle se trouva pleine d'armes blanches, d'arquebuses, etc. Les commissaires firent leur rapport, et le lendemain il fut rendu compte du tout au collège, après avoir reçu le serment de chacun des membres de ne rien révéler de cette affaire. Le nonce du pape et l'ambassadeur de France furent mandés sur-le-champ. Ou leur fit part du fait, en les invitant à en rendre compte à leurs maîtres. L'ambassadeur d'Espague vint aussi à l’audience, lequel s'efforça, dans un long discours, de persuader que toutes ces armes n'avaient pas été rassemblées dans un mauvais dessein; qu'elles étaient destinées à être envoyées à Naplcs ; qu’on ne devait en croire que lui seul ; que le roi ne méditait rien contre la république; que tout ce qu'on avait dit était des faussetés, des calomnies, etc. Mais on lui répondit vivement en lui produisant les lettres de sa main, qui avaient été trouvées sur M. d’Arnault, ainsi que celles du vice-roi de Naplcs, ce qui lui donna occasion de s’excuser, en disant que ces lettres lui avaient été demandées, et qu’il ne pouvait pas penser qu’on voulût en faire un mauvais usage. Cette contestation dura une grande heure : sa sérénité lui dit qu’on ne pouvait croire qu’un projet aussi barbare eût été conçu dans l’esprit d’un prince aussi pieux que le roi catholique;