loi HISTOIRE DE VENISE. où l'amour-propre, sans cesse exalté par les discussions, a besoin d’êlre contenu, défendait les duels, privait de son rang et notait d'infamie le patricien infracteur delà défense (1676). Marc-Antoine Justiniani remplaça le doge Conta-rini, qui mourut en 1683. II. Il laissait la république dans un état de paix, mais d’inquiétude, occasionnée parles procédés du ministère ottoman. La gloire acquise par Achmet Kiupergli avait imposé à Cara Mustapha, son successeur, l’obligation d'illustrer aussi son visiriat. Mustapha crut ne pouvoir mieux se signaler, qu’en affectant non-seulement de la haine, mais du mépris pour toutes les nations chrétiennes, et surtout pour les Vénitiens, qui partageaient avec l’Autriche la gloire d’être les plus constants ennemis de la Porte. Les Russes n’avaient pas encore pris le premier rang parmi ceux que la puissance ottomane avait à redouter (1684). Des avanies faites au commerce vénitien, des outrages prodigués aux agents diplomatiques, attestèrent et la résolution des Turcs do ne garder aucun ménagement, et l’imperturbable patience du gouvernement de la république. Rien convaincue de l’inutilité de chercher des auxiliaires, et de l'impossibilité de soutenir seule une guerre contre un empire si puissant, elle se résigna à supporter toutes les insultes, pour ne pas s’exposer à de plus grands malheurs, et se borna à des représentations, qui furent reçues avec une hauteur dédaigneuse. Cara Mustapha, croyant trouver, dans la révolte des Hongrois, une occasion favorable pour attaquer la puissance autrichienne , lit déclarer la guerre à l’empereur, marcha sur Vienne avec deux cent mille hommes, mit le siège devant cette capitale, qui était défendue par un général vénitien, Ferdinand Degli Obizzi, et était sur le point d’y entrer, lorsque Jean Sobicski, roi de Pologne, fondit sur son camp, dispersa l’armée ottomane, délivra et vengea l’Autriche. Cet événement changea tout à coup la politique des Vénitiens ; ils oublièrent, quoiqu’ils l’eussent éprouvé plus d’une fois, que les puissances du second ordre , en société avec de grands États, risquent d’être écrasées dans la guerre, et sont presque toujours sacrifiées à la paix. Ils se déterminèrent à entrer dans l’alliance de l’Autriche avec la Pologne et le czar de Moscovie, et à déclarer la guerre aux Turcs. La principale condition de cette ligue, fut que chacune des parties contractantes resterait, après la paix, en possession de ce qu’elle aurait conquis. L’envoyé de la république à Constantinople remit furtivement au divan une déclaration de guerre, cl se sauva en habit de marinier. Vingt-quatre vaisseaux de ligne, six galéasses et vingt-huit galères, étaient prêts à opérer uneimpor-tante diversion, si favorable aux intérêts de l’Autriche. Lorsqu’il fut question de donner un commandant à cette Hotte, tous les yeux se tournèrent vers François Morosini ; on ne se souvint plus ni de ses torts prétendus, ni de l’injure qui lui avait été faite; on oublia une seconde fois cette maxime, qui défend de confier le pouvoir à ceux qu’on a grièvement offensés. Je ne connais, dans l’histoire de Venise, que le seul exemple d’une imprudence de cette nature; car la nomination de Pisani au commandement, lorsqu’on le tira de prison, pour le mettre à la tête de l’armée, pendant la guerre de Chiozza, ne fut pas un acte volontaire. Morosini mit à la voile, et, renforcé de quelques galères, que fournirent le pape, l’ordre de Malte et le grand-duc de Toscane, il se porta sur l’ile do Sainte-Maure, débarqua ses troupes, investit la forteresse, donna l’assaut, et força le commandant turc à capituler, au bout de seize jours, le 6 août 1684. L’occupation de cette île était très-importante, parce que, placée entre les iles de Céphalonie et du Corfou, elle protège ou menace l’entrée du golfa Adriatique, en même temps qu’elle ferme le golfe de Lépante. C’est l’ancienne Leucade. Elle touche presque au continent de la Grèce, par un banc de sable que les Corinthiens avaient coupé autrefois. Envahie par les Turcs en 1479, elle avait déjà été conquise en 1S02 par les Vénitiens; mais, à la paix, ils avaient été obligés de la rendre. Immédiatement après cette conquête, le généralissime jeta un corps de troupes sur le continent voisin ; le général Strosoldo qui les commandait, fit capituler le château de l’révésa, près de l’ancien promontoire d’Actium, le 29 septembre. La flotte turque était sortie des Dardanelles, mais n’osant hasarder un combat contre la flotte vénitienne, elle se bornait à quelques ravages sur les iles de l’Archipel. Les Turcs avaient à faire face sur toute la frontière occidentale de leur empire , depuis Kaminieck, que les Polonais assiégeaient, jusqu’à Coron, que l’armée de Morosini se disposait à attaquer. Huit mille Vénitiens, débarqués dans la pres-qu’ileduPéloponèsc,venaientd’invcstir cette place, lorsque le généralissime , informé que le pacha de la Morée s’avancait pour la délivrer, lève sou camp, ! marche à la rencontre de l’ennemi, le surprend la nuit, le met dans une déroule complète, revient occuper ses lignes devant Coron, fait jouer une mine chargée, dit-on , de deux cent cinquante barils de poudre, ouvre une large brèche, donne l’assaut, et force la garnison à arborer le drapeau blanc. Pendant qu’on discute les conditions de la capitulation,