i)'t HISTOIRE DE VENISE. haute réputation, et proche parent de l’archevêque tic Naples. Mais le clergé, et surtout les jésuites, loin de se montrer disposés à rendre légèrement leur confiance, n’en furent sans doute que plus vigilants à épier les motifs secrets d’un si grand changement dans la conduite du vice-roi. Dans la nécessité de se procurer de l’argent, il établit de nouveaux impôts, en évitant de les faire peser uniquement sur le peuple: il s’empara des caisses des banques, sous divers prétextes: il fit aux Génois des emprunts considérables, qui ne furent pas exempts de contrainte : il poussa même l'affectation jusqu’à consulter un théologien sur la légitimité de ces emprunts, dont le remboursement ne paraissait pas assuré. Par ces moyens ou d’autres, il se vantait d’avoir accru les revenus du royaume de onze cent mille ducats. On juge bien quelle était la destination de tout cet argent, dont la levée ne pouvait se faire sans compromettre un peu la popularité du vice-roi. Ses libéralités lui garantissaient le dévouement des troupes, et ses manières encore plus séduisantes lui gagnaient les cœurs des officiers. Cependant la petite armée qui occupait le royaume de Naples était composée principalement d’Espagnols. Le duc cherchait tous les moyens d’augmenter ses forces et de se rendre propres celles qui l’entouraient. Il ne pouvait, sous peine de se trahir, ôter aux Espagnols la garde de la capitale; mais il inspira aux régents du royaume des inquiétudes pour quelques points importants de la côte. Les apparitions fréquentes de la flotte vénitienne devant les ports confirmèrent ces craintes, et, sollicité de porter rapidement ses meilleures troupes sur les points qui semblaient menacés, le duc ne parut que céder aux conseils de la régence, lorsqu’il détacha de la garnison de Naples les régiments dont il était le moins sùr, pour les disperser dans les provinces. Il ne resta dans la capitale que six mille Espagnols, dont quelques-uns avaient fait la guerre sous lui, et qui généralement paraissaient lui être entièrement dévoués. Il y avait aussi, parmi les troupes du royaume, des Wallons et des Italiens. La fidélité de ceux-ci était moins difficile à ébranler. Le duc savait que, pour les entraîner à la révolte, il suffisait de leur fournir quelque occasion de se mutiner, et ces occasions n’étaient pas rares, grâce à la pénurie de la cour d’Espagne, qui demandait continuellement des fonds au royaume de Naples, au lieu d’assurer la solde des troupes par des envois d’argent. 11 importait au vice-roi de former quelques corps de gens qui fussent entièrement à lui. Laverrière, Deveynes, lui conseillèrent d’attirer à son service des aventuriers français, répandus alors en fon grand nombre sur toute la surface de l’Italie. par leur caractère entreprenant, leur haine contre l’Espagne, et leur amour pour les nouveautés, ils étaient plus propres que les autres à embrasser une révolution avec ardeur, et à donner l’impulsion dans un moment décisif. D’ailleurs, plus il aurait d’hommes de cette nation sous scs drapeaux, plus il devait être facile au duc d’entraîner la France dans ses intérêts, ou au moins de faire croire qu’elle les favorisait. XII. Il ne pouvait recruter que sous le prétexte d’une guerre. 11 répandit le bruit que les Turcs et les Vénitiens faisaient des armements ; il se tint en état d’hostilité avec la république, et cela sans nécessité réelle; car enfin, c’était l’Autriche, et non pas l’Espagne, qui se trouvaiten guerre avec les Vénitiens. 11 était au moins étrange que le vice-roi de Naples se déclarât l’auxiliaire de l’archiduc, lorsque le roi d’Espagne se bornait au rôle de médiateur. La signature de la paix ne laissait pas même l’apparence d’un prétexte pour continuer les actes hostiles ; mais le duc d’Ossone ne les suspendit point malgré les ordres réitérés de la cour. Le roi lui écrit de sa main, pour presser la restitution des bâtiments capturés; cette restitution est éludée. De la part d’un gouverneur fidèle ce serait un acte de démence; mais si ce gouverneur médite une rébellion, les conséquences de cette désobéissance ne peuvent l’effrayer. Il fait courir la flotte de Naples dans l’Adriatique, pour éviter de la renvoyer en Espagne, où les ordres du roi la rappelaient : il prolonge la guerre, pour se dispenser de désarmer. Profitant de cette circonstance que le roi est en paix, il fait arborer à ses vaisseaux, non le pavillon d’Espagne, non les armes de Naples, mais les siennes, pour habituer scs troupes à ce signe, qui bientôt doit être sur leurs drapeaux. Sa flotte rencontre plusieurs fois la flotte vénitienne, jamais il n’y a de combat; il semble que toujours l’amiral qui a la supériorité des forces, ait aussi dans scs instructions de ne pas détruire la flotte ennemie; tout se réduit à des escarmouches, à des canonnades sans effet, et à la capture de quelques bâtiments isolés. Un amiral vénitien avec une flotte quatre fois plus nombreuse que l'escadre napolitaine la canonne de si loin, que la perte des Napolitains se réduit à une trentaine de blessés : on se contente de lui retirer le commandement, et encore on l’en dédommage par la dignité de procurateur. Son successeur rencontre l’armée ennemie, et, quoique au moins égal en forces, il évite le combat : un cri d’indignation s’élève contre lui, il est mis en jugement et absous. Ce n’est qu’après une troisième rencontre semblable, que le gouvernement vénitien se croit obligé, scus peine d'a-