240 HISTOIRE DE VENISE. formes, rétablir le calme dans les provinces, il ne doutait pas qu’on ne trouvât, dans Pamilié de la France et dans le rapprochement des principes, tout l’appui nécessaire pour consolider une constitution adaptée à l’esprit du temps, et pour ramener ces époques de prospérité, où la république de Venise faisait respecter sa neutralité, et voyait rechercher son alliance. » Celte réponse était absolument dans l’esprit de la politique que le gouvernement français avait alors adoptée. Il est probable que le ministre, privé d’instructions précises [tour une circonstance si extraordinaire, ne crut pas pouvoir se dispenser de sc renfermer dans le système qui tendait à créer des démocraties. Sans être en droit d’en faire un reproche au représentant de la république française, on peut remarquer que le conseil qu'il donnait de changer la forme du gouvernement vénitien, n’était pas d’une haute politique. Venise aristocratique était certainement alors l’ennemie de la république française; mais Venise démocratique ne pouvait lui être utile; et si cette puissance, déjà trop faible, devait se subdiviser en plusieurs États, que faire d’un gouvernement fédératif composé de gouvernements municipaux? Quoi qu’il en soit, cette insinuation du ministre français devint l’objet d’une délibération dans le conseil-général. Il y avait à peu près deux cents votants. On y entendit pour la première fois, depuis cinq cents ans, la proposition de changer la forme du gouvernement, mais elle ne fut appuyée que par cinq suffrages. Des opinants, qui mettaient encore (1) o A peine l'eûmes-nous atteint à Goi'ice, disent-ils, qu’il s’empressa de nous recevoir, quoique très-occupé d’autres affaires, et notamment de la capitulation de Trieste. « Nous lui retraçâmes toutes les circonstances des événements de Bergame et de Brescia, en lâchant d’intéresser sa justice à réparer le tort, et même l’offense si grave que venait d’éprouver ira gouvernement neutre et ami. 11 répondit que l’insurrection de Brescia n’était pas encore parvenue à sa connaissance; qu’on lui avait fait le rapport de celle de Bergame; mais que, d’après ce rapport, tes troupes françaises n’y avaient pris aucune part. On la représentait comme le résultat des dispositions des habitants, encouragés probablement par l’exemple et le voisinage des Milanais. Il ajouta cependant que, d’après la note que le sénat avait fait remettre au ministre de France, et d'après nos représentations, il allait donner des ordres pour que le commandant de Bergame fût jugé et puni, s’il résultait de l’instruction qu’il eût coopéré à l’insurrection de celte ville. « Parmi les remerciments que nous lui devions pour ces démonstrations d’équité, nous glissâmes cette observation, que la punition d’un officier, en supposant qu’elle eût lieu, ne pouvait être qu’une réparation du mal passé; mais qu’il de la confiance dans les mesures énergiques, furent d’avis de comprimer l’insurrection par la force et la sévérité. Cette proposition compta jusqu’à cinquante partisans. Il était facile de prévoir que la majorité préférerait les partis mitoyens; et, lorsque des orateurs proposèrent de modifier la constitution par degrés, sans secousses, insensiblement, c'est-à-dire de renvoyerles réformes à un autre temps, sans refuser absolument de s’.y soumettre, ils réunirent cent quatre-vingts suffrages. Il faut ch convenir, on ne pouvait guère prendre un autre parti. Puisqu’on avait envoyé des députés au général en chef, il fallait bien attendre sa réponse. D’ailleurs, ceux qui pouvaient se croire assez de sagacité pour pénétrer le système politique de cet homme extraordinaire, se croyaient autorisés à le soupçonner de ne pas partager les opinions et les projets de son propre gouvernement. Ils avaient remarqué que, par sa promptitude à accorder la paix à quelques puissances de l’Italie, il les avait fait échapper à l’uniformité démocratique, dans laquelle les vues du directoire paraissaient se renfermer. Un homme qui, vraisemblablement, ne soumettait son opinion aux préjugés du ijioment que pour les dominer, admettrait peut-être la possibilité de laisser subsister une aristocratie légitimée par cinq siècles d’existence. XXX. Le rapport des deux commissaires qu’on lui avait envoyés ne se fit point attendre. Ces commissaires, qui étaient le procurateur François Pe-saro et le sage de terre-ferme Jcan-Baptisle Cornaro, eurentavec lui deux conférences (1) (2a mars 1797). Le général n’était encore instruit qu’imparfaite- s’agissait aussi du présent, et que.le plus grand intérêt, pour la république, était de rétablir la tranquillité dans ces deux provinces. L’objet le plus important était donc de connaître les mesures à prendre pour y parvenir, afin que, lorsque le gouvernement les aurait ordonnées, elles ne rencontrassent point d’opposition de la part des commandants français, et ne fournissent pas un prétexte, pour accuser la république de s’écarter des principes de neutralité. « Eh bien ! répliqua-t-il avec vivacité , quel serait votre projet? Nous n’hésitâmes pas 5 ajouter que, dans les circonstances, ces insurrections étant l’ouvrage d’un petit nombre d’individus, la population ne les ayant point secondées, il était permis d’espérer que la douceur, appuyée de l’appareil de la force , suffirait pour ramener les citoyens égarés ; mais que, les châteaux de Bergame et «le Brescia étant occupés par les troupes françaises, il serait à désirer, pour éviter toute occasion de mésintelligence, qu’ils fussent remis aux troupes vénitiennes; ce qui était d’autant plus proposable, que, dans sa position actuelle, l’armée ne pouvait avoir besoin de ces deux places. « Celte dernière proposition ne parut pas obtenir de sa part le moindre assentiment. Le général s’excusa de son refus sur la prévoyance, qui ne permettait pas. même au