174 HISTOIRE DE VENISE. port lout ce qu’elle jugerait convenable au bien de ses sujets, Pour marquer encore mieux l'intérêt qu’il mettait à ces travaux, et l’invariable résolution de les poursuivre, l’empereur fit un voyage à Trieste, afin que les ouvrages fussent tracés cl continués sous ses yeux; elle sénat de Venise, sachant ce prince dans son voisinage, ne crut pas pouvoir se dispenser de l’envoyer complimenter par deux ambassadeurs, qui furent témoins des progrèsd’une entreprise si fatale aux antiques prétentions de la république. VII. La mort d’Antoine Farnèse, duc de l’arme, arrivée le 20 janvier 1751, donna ouverture aux prétentions de l’infant don Carlos sur cet héritage. L'empereur avait cherché à éluder sa promesse; la veuve du duc Antoine se disait enceinte, et comme l’infant d’Espagne ne pouvait hériter de cette principauté qu’à défaut d’héritier direct, l’empereur lui refusa l’investilure, et fit occuper Parme par ses troupes. Mais l’Espagne s’était déjà réconciliée avec la France, par un traité conclu à Séville. La France voulait forcer l’empereur à laisser remonter sur le trône de Pologne, Stanislas Leczinski, beau-père de Louis XV. La grossesse de la douairière de Parme n’étant que simulée, les menaces de la France, de l’Angleterre et de la Hollande, obligèrent Charles VI à retirer scs Iroupes de ce duché; et don Carlos, à la lélc de six mille Espagnols, vint prendre possession de sou État. Ainsi il y eut sur le Pô deux armées appartenant à deux souverains qui venaient de rompre leur ancienne alliance; la guerre paraissait inévitable ; car l’inlant prenait, outre son nouveau titre de duc de Parme, la qualité de généralissime des armées espagnoles en Italie. L’empereur rassemblait des troupes dans le Tyrol, et en faisait filer vers le Milanais; d’autres venaient du fond de l'Italie vers celle même province, traversant l’État de l’Église. La France promettait d’aider l’Espagne à chasser les Allemands de la Péninsule; et le duc de Savoie, Victor-Amé-dée, venait de conclure deux traités également perfides, par lesquels il s'engageait avec l’un et l’autre parti. Les ambassadeurs de France et d’Autriche pressaient la république de se déclarer; mais elle se tint en garde contre les protestations d’amitié et les offres séduisantes de l’une et de l’autre puissance. Elle notifia son invariable résolution de conserver une exacte neutralité, et exigea, sans y compter, la promesse que son territoire serait respecté par les puissances belligérantes. Le gouvernement appela une partie de ses troupes de la Dalmatie et des îles Ioniennes, leva les milices des provinces de terre-ferme, et établit un cordon militaire sur les confins des duchés de Manloue et de Milan. Le doge Sébastien Moncenigo étant mort sur ces entrefaites, fut remplacé par Charles Iluzzini, l'un des hommes les plus considérables de la république, pour avoir signé les traités de Carlowilzet de Passa rowilz (1752). VIII. Les hostilités entre l’Autriche et les cours de France, d’Espagne et de Turin, commencèrent eu 1755. C’est la seconde fois que, dans une situation pareille, nous voyons les deux gouvernements placés aux extrémités de l’Italie septentrionale, embrasser deux systèmes différents; les Vénitiens persister dans une neutralité difficile à garder, et encore plus à faire respecter; et le duc de Savoie, que désormais il faut appeler le roi de Sardaigne, se jeter au milieu des événements, sauf à changer de parti avec la fortune. La première opération des alliés fut l’occupation du Milanais. Les Français, sous les ordres du duc d’Harcourt, se portèrent jusqu’à Lodi et Crémone, tandis que le roi de Sardaigne, maître en un instant de Vigevano,de Pavie, voyait les magistrats de Milan venir au devant de lui, pour lui présenter les clefs de cette capitale, pratiquait dans le château des intelligences qui lui en ouvraient les portes, et, par la prise de l’izzighitone, consommait la conquête de ce duché : cette conquête avait été l’affaire de deux mois. Manloue devint, comme elle l’a été depuis dans toutes les guerres, le point de refuge et de résistance do toutes les forces autrichiennes en Italie. Une armée française bloquait celle place plutôt qu’elle ne l’assiégeait. Depuis la Sesia jusqu’à l’O-glio, tout était conquis. Les Impériaux, pour venger ou réparer ces pertes, livrèrent coup sur coup trois batailles, à Parme, à Quistello, à Guastalla, dont le résultat, quoiqu’ils eussent célébré la dernière comme une victoire, fut pour eux la perle de tout le Milanais. Pendant ce lemps-là, trente mille Espagnols leur enlevaient le royaume de Naples; le duc de Monté-mar y acquérait le glorieux surnom de duc de Bi-tonto, par la victoire qu’il remportait près de celle ville. La noblesse sicilienne appelait don Carlos ; et ce prince, après avoir été proclamé à Naples, faisait son entrée triomphale dans Paierme. L’Autriche avait rassemblé de nouvelles troupes dans le Tyrol ; une lettre du maréchal de Noailles annonça au sénat que, pour les empêcher de pénétrer en Italie, les Français allaient s’avancer dans le territoire vénitien. En effet le corps de Maillebois vint à Castel-Nuovo, celui de Lautrec à Gossolongo, le maréchal de Noailles occupait leVéronais, les Espagnols étaient postés sur le bas Adige, les Pic-