HISTOIRE DE VENISE. Tels Curent les discours par lesquels Jacques l’ierre et scs complices tâchèrent d'engager dans leur complot Montcassin, qui était sur le point de partir. Des gens bien intentionnés firent parvenir dans les mains du sérénissime Nicolas Donato, un écrit en italien, mais orthographié à la française, dans lequel on dévoilait la machination avec des particularités sur les projets concertés entre le duc d’Os-sonc et d’autres capitaines, et même, y était-il dit, avec un dominicain vénitien pour surprendre la capitale. Montcassin revint vers le milieu du moisd’avril; il alla loger à l’auberge de la Trompette, où descendit aussi un capitaine nommé llalthazar Juven. Il lui dit, avec beaucoup de précaution, qu'il avait à conférer avec lui sur des choses très-importantes, et quoique Juven lui eut répondu qu’il était prêt à l’écouter, Montcassin différait. Cependant, après s’élre assuré de sa discrétion, Montcassin le conduisit chez Jacques Pierre, dont le logement était peu éloigné; ils y trouvèrent le pétardier l.angladc, Nicolas Renault, les deux frères Charles et Jean Uoleo (1), un soldat nommé la Colombe, et, à ce qu'on croit, aussi Jean llérard, condamné par le conseil des Dix à la peine capitale. Jacques Pierre, Montcassin et le capitaine liai -thazar s'étant écartés des autres, Montcassin dit que Juven ne s'était point engagé à faire tout ce qui dépendrait de lui, ni à garder surtout un profond silence; mais qu'il avait donné sa parole d'y concourir si on lui communiquait tout ; qu’on lui exhibât le plan et qu’on lui en remit la copie. Cela fut fait; et par ce moyen il fut instruit de tout. {Voilà qui est bien invraisemblable.) Déterminé à révéler ce complot au gouvernement, il feignit d'avoir à traiter des affaires de sa compagnie ; il alla avec Montcassin, qui ne s’en méfiait pas, jusque dans la salle ducale. I.à, il le fit asseoir, et lu laissa gardé à son insu par diverses personnes, notamment le noble Marc Rollani, à qui il s'était adressé pour obtenir audience, à l'effet de faire cette révélation. I.c capitaine llalthazar Juven fut d’abord introduit dans la chambre du sérénissime Donato, et là il exposa l'affaire comme ou le voit dans la déclaration annexée au procès. Mais, comme ils entraient dans la salle ducale, Montcassin demanda à Juven où ils allaient. Celui-ci lui dit alors franchement qu’il allait demander au doge la permission de inetlrc le feu à l'arsenal, à la monnaie, et de livrer Crème aux Espagnols. (I) Ces lloli-o .vint les mîmes nue les tk‘bouleaux, ilont le nutn se trouve iulmmi' djns ce ra|>porl. Alors Montcassin, pèle, abattu, à demi mort, lui dit : Ah! vous voulez nous perdre tous! Juven le rassura en .ajoutant qu’il dirait au doge que lui, Montcassin, venait aussi pour révéler ce qu'il savait, et qu’il le ferait introduire, cc qui eut lieu en effet; l'un et l’autre furent fort caressés par sa sérénité, qui leur promit une récompense. Montcassin s'obligea à garder le secret, et à donner avis de tout ce qui arriverait d’Espagne ou de quelque autre part. Le capitaine Rallhazar, qui avaitaffaire à sa compagnie, ne s'occupa plus de la conjuration, partit de Venise, et s’en alla à Crème. Immédiatement après son départ, Montcassin, ayant réfléchi probablement sur le danger qu’il courait, s'adressa au noble .Marc llollani, déjà nommé, pour obtenir une audience des inquisiteursd’Etat. Là, il exposa toute l’affaire, et révéla, comme il appert par scs nombreuses déclarations, toutes les particularités qu’il avait recueillies, notamment chez l'ambassadeur d'Espagne, avec lequel il avait eu plusieurs conférences, et d’un nommé Robert Buccilardo de Itergame, ami cl confident de l’ambassadeur, par les mains duquel passaient toutes les négociations relatives à cc complot, les lettres du duc d'üssonc et les réponses, dont il avait un grand nombre, et enfin de tous ceux qui fréquentaient celle maison pour se dévouer à l'Espagne, et conjurer la perte de la république. Cc Robert, à l’époque de la mutinerie des soldats hollandais qui étaient au Lazaret (2), y était allé, et leur avait mené un soldat nommé La Roche, pour leur dire que dans peu de jours il leur arriverait du secours de Naples; il en entretint même un capitaine du comte de Lœwcnstein, que ces mutins avaient choisi pour chef, et qui ensuite s'cri alla. Jacques Pierre fomentait aussi cette insurrection, en disant que l’armée espagnole était dans le golfe, et que sous peu de jours elle donnerait du secours aux révoltés. Il était en intelligence avec quelques officiers principaux des mutins, qui étaient initiés dans la conjuration, cl qui voulaient s’emparer de trois galères en station pour la garde du lazaret. Montcassin s'offrit à faire prendre ledit Robert avec scs papiers. Il l'attira dans une maison où étaient les autres conjurés; mais soit effet d’un malheureux hasard, soit par une suite des précautions qu'il était obligé de prendre à cause d'une condamnation qu'il avait déjà encourue pour le meurtre d'un capitaine csclavon, il ne tomba point en notre pouvoir. En somme, Montcassin donna des preuves de son zèle en indiquant par écrit les moyens de déjouer (J) Voilà le fait de 11 mutinerie Jes soldais hollaiklau constata.