LIVRE XXXVII. 247 la lettre qui nous a été remise par votre aidc-de-camp, et qui nous instruit des fâcheuses impressions que vous avez reçues contre l’ingénuité de notre conduite, nous éprouvons quelqùe consolation, en voyant qu’une voie nous est ouverte pour les effacer entièrement par une réponse prompte et précise. « Le sénat, invariable dans la résolution de maintenir la paix et l’amitié qui nous lie avec la république française, s’empresse de vous en renouveler l’assurance dans les circonstances présentes. « Certainement une’déclaration aussi franche, aussi solennelle, ne saurait recevoir quelque atteinte d’événementsqui n’y ontaucun rapport. Lorsqu’une révolution, aussi fatale qu’inattendue, a éclaté dans nos provinces de la rive droite du Mincio, les sentiments unanimes de nos peuples leur ont fait prendre spontanément les armes, dans le seul objet de réprimer la révolte, et de repousser les violences desinsurgés;c’estuniquementpouratteindrc ce but qu’ils ont imploré l’assistance du gouvernement. u Si, dans une confusion aussi grande, quelques malheurs sont arrivés, ils ne peuvent être imputés qu’à un désordre passager, et ils sont tellement contraires aux intentions du gouvernement, que, dans la vue d’en éloigner le danger, nous avons toujours, et même dans une proclamation récente, recommandé à nos sujets de borner l’usage de leurs armes à leur propre défense, même en présence des insurgés. « Bien déterminés à prendre des mesures qui peuvent seconder vos désirs, nous espérons que vous reconnaîtrez dans votre justice, qu’il est indispensable en même temps que nous soyons garantis d’une attaque extérieure, et que des agitations intérieures ne viennent point troubler notre tranquillité et nos sujets, dans la manifestation de leurs sentiments pour nous. « Empressé de satisfaire à votre demande, le sénat fait rechercher, pour vous les consigner, ceux qui ont osé commettre des assassinats sur des individus de l’armée française. Les mesures les plus efficaces seront prises pour en découvrir les auteurs, afin qu’ils subissent le châtiment qu’ils méritent. « Pour arriver à remplir tous ces objets à notre satisfaction réciproque, nous avons cru utile de vous envoyer deux députés, qui sont en outre chargés expressément de vous assurer de notre désk de vous complaire. Ils vous diront combien il nous serait agréable que vous voulussiez bien intervenir d’une manière efficace auprès de votre gouverne- (1) « Le ministre de France présenta Junot, te sénat fut à ses pieds ; tous les moyens furent employés pour l’adoucir. Cependant il remplit sa mission avec toute la franchise et la rudesse d’un soldai, ce qui accrut de beaucoup l'épou- ment, pour qu’il s’intéressât au rétablissement de l’ordre dans les provinces qui se sont séparées de nous, et à leur retour vers l’ancien état des choses. Nos députés ont aussi l’ordre de vous renouveler les assurances des sentiments aussi constants que sincères dont nous sommes pénétrés pour la république française, et de notre considération la plus distinguée pour votre illustre personne. « Andué Alberti, secrétaire. » Cette lettre fut approuvée par cent cinquante-six suffrages. Les deux députés qu’elle annonçait furent le censeur François Dona, et l’ancien ministre de la guerre, Léonard Justiniani. L’aide-de-camp, qui ne trouvait pas, dans ces promesses évasives, la réponse catégorique qu’il était venu chercher, me naçait de faire afficher dan& Venise la déclaration de guerre. On parvint à le calmer et à le faire repartir (1). Les choses en étaient venues au point qu’il ne paraissait pas qu’il restât au gouvernement de Venise le temps de commettre d’autres erreurs. Le provéditeur de Vérone mettait une grande importance à faire entrer dans cette place des troupes esclavonnes, quoiqu’il y eût déjà des Italiens. Les commandants français s’y étaient refusés avec obstination. On usa de tous les moyens pour dissiper leurs craintes et vaincre leur résistance. Le 14 avril, on obtint que quatre compagnies seraient introduites dans la ville. Le provéditeur, en se félicitant de ce succès, ajoutait que dans l’intérieur, la population était armée, et qu’au dehors, il y avait à peu de distance une force considérable. Le surlendemain, il écrivit qu’il avait recommandé de gagner du temps, pour éluder le désarmement exigé par le général en chef. Cependant à I’eschiera, à Castel-Nuovo et dans quelques autres places, les commandants français désarmaient les garnisons vénitiennes. A Vérone, où ils n'étaient pas à beaucoup près les plus forts, on prenait de part et d’autre toutes les précautions quesupposent la méfiance et la haine^en continuant les protestations d’amitié et de loyauté. XXXVII. A Paris l’ambassadeur vénitien se repliait en cent manières pour pénétrer les intentions du directoire, et même pour influer sur ses déterminations. 11 n’épargnait ni les moyens de corruption, ni les souplesses; mais c’était une faible ressource de descendre jusqu’à l’intrigue, pour se livrer à des agents subalternes qui finirent par le compromettre (2). Quelquefois les membres du directoire mirent dans leurs communications avec ce vante du sénat, exalta au contraire les amis de la liberté et leur fit prendre tout-à-fait le dessus dans la ville. {Mémorial de Sainte-Hélène, tom. IV, par/. 46.) (2) Recueil chronologique, tota. IX, à» part. » Le sénat