STATUTS DE L’INQUISITION. 533 une délibération du conseil des Dix prise à l’unanimité des voix. De cette manière le banni pourra être effectivement dépouillé de la noblesse, mais sans que la décision soit aussi formelle, et sans qu’il en résulte aucune atteinte portée à l’autorité du conseil des Dix. 10° Pour que le respect que doit inspirer la magistrature des inquisiteurs d’Èlat ne puisseéprouver avec le temps aucune altération, ce qui arrive facilement, quand on voit les décrets d’un tribunal modifiés, et les condamnés absous par une autre autorité, il est arrêté que les sentences, condamnations et peines prononcées par l’inquisition d’État ne pourront jamais être annulées ou modifiées par une autorité quelconque, ni pour quelque cause que ce soit. Le condamné restera irrémissiblement soumis à la peine qui lui aura été imposée, sans aucune espérance d’en être relevé, à moins que le tribunal lui-même ne juge à propos de la modifier, pour des raisons importantes. Seulement il ne sera rien innové à la coutume qui permet de rétablir dans leur domicile les personnes contre lesquelles il a été prononcé un bannissement de vingt-quatre heures, attendu que cette peine n’est qu’une mesure de police prononcée arbitrairement et sans forme de procès. Nos successeurs examineront dans leur prudence si, après la cessation des causes qui ont motivé cette disposition, il convient de rétablir les choses dans leur premier état. 17° Toutes les précautions qui ont été prises par nos prédécesseurs et par nous, pour parvenir à connaître si quelque noble vénitien n’a pas des communications avec des ministres étrangers résidant en celte capitale, sont fort bien entendues et dictées par la prudence d’hommes consommés dans le gouvernement de la république; cependant on peut y ajouter, non-seulement pour faciliter les découvertes de ce genre, qui sont si importantes, mais encore pour servir de contrôle aux autres moyens, et faire connaître la confiance que nous devons accorder aux avis qui nous parviennent; car si ces avis sont exacts, c’est un grand bien; si au contraire ils étaient incertains ou incomplets, ce serait un grand inconvénient, le tribunal se trouvant exposé à sévir contre des personnes innocentes, et dans une matière si grave qui emporte une tache éternelle : il convient donc d’appliquer son esprit à redoubler de précaution et de n’épargner aucune dépense pour arriver à la fin qu’on se propose. En conséquence le tribunal arrête qu’indépendamment de la vigilance recommandéeà tous lesagents pour surveiller les maisons des ambassadeurs, indépendamment des moyens qui seront pris pour se procurer quelque intelligence avec leurs secrétaires, ou au moins avec les personnes notables de leur cour, et enfin, si cela HISTOIRE DE VENISE. — T. II. ne se peut, avec leurs gondoliers ou autres domestiques, il sera écrit à l’ambassadeur de la république en Espagne de chercher un homme de cette nation, qui, sojis le prétexte de ses affaires particulières, fasse un voyage en Italie, arrive à Venise, avec des lettres de recommandation de personnes considérables de son pays, et se procure un accès facile chez l’ambassadeur espagnol résidant auprès de nous. Cet étranger s’y fixera pendant quelque temps, sans être suspect, ni au ministre ni aux autres habitués de la cour, parce qu’il passera pour n’être point au courant des affaires et occupé uniquement des siennes; il pourra par conséquent observer facilement tout ce qui se passe dans le palais de l’ambassadeur, cl communiquer scs observations à un agent que nous aurons aposté près de lui. L’ambassadeur de la république en Espagne sera autorisé à traiter avec cet étranger pour l’indemniser des frais de son voyage et le récompenser de ses soins, mais il ne le fera partir qu’après avoir fait connaître au tribunal les conditions et la dépense convenues : le tribunal examinera quelle est la personne, quel est le prix de ses services, et ordonnera ce qu’il jugera à propos. Si cette dépense procure la découverte de quelques Vénitiens qui auraient des intelligences avec l’ambassadeur, elle aura été fort utile, parce que l’argent est toujours bien'employé quand il sert à obtenir de pareilles informations : si au contraire il n’en résulte aucune découverte, il ne faudra pas regretter la dépense, parce qu’au moins on sera tranquille et qu’on aura la certitude que, dans le corps si nombreux de notre sénat, il n’y a aucun membre entaché de corruption. 18° II ne faut pas moins de vigilance, mais il faut d’autres procédés avec la cour de Rome. De ce côté, le danger est peut-être plus grand, parce que le mal est à peu près incurable. Les funestes habitudes sont invétérées : on a quelque honte d’entretenir un commerce secret avec lesaulrespuissances; avec celle-ci on n’en rougit pas, et quand mèmece serait avec de mauvaises intentions, on se croit à l’abri de tout reproche. Il est inutile que les inquisiteurs se tourmentent pour découvrir quels sont les Vénitiens qui ont des pratiques secrètes avec cette cour, parce qu’il est reçu que tous nos prélats voient publiquement le nonce. On ne gagnerait pas davantage à découvrir que tel patricien séculier est en relation avec ce ministre, parce qu’il est indubitable que si aucun ne communique personnellement avec lui, tous peuvent lui faire passer des avis de jour en jour par l’intermédiaire des prélats de leur famille. Il est également superflu de s’informer si ceux qui entretiennent ce commerce le font pour de l’argent, parce qu’il est bien certain que le nonce 25