80 HISTOIRE DE VENISE. de l’une des plus grandes maisons d’Angleterre. Ils ont résolu de continuer le niesme traitement à tous les vaisseaux qu’ils rencontreront. » XI. Le sénat, qui voyait toutes les funestes conséquences que pouvait avoir une guerre contre l’Espagne et l’Autriche, n’avait rien épargné pour se procurer des alliés. 11 n’y avait rien à espérer de la France; cette cour, qui venait de s’unir avec la maison d’Espagne par un double mariage, en avait adopté les intérêts; aussi l’ambassadeur de Savoie disait-il en plein collège : « Toute l’Iiurope admire la sécurité, le sommeil de la république, au milieu d’un péril si évident, elle qui passe pour si vigilante, qui est si soigneuse de sonner l’alarme, d’appeler les autres gouvernements à son secours; aujourd’hui elle s’obstine à fermer les yeux : apparemment qu’elle est rassurée par l’état de la France, gouvernée par un roi enfant, par une reine florentine, tout espagnole dans le cœur, et par un conseil dévoué au cabinet de Madrid. » Cette raillerie amère produisit son effet. La république hésitait pour se liguer ouvertement avec le duc de Savoie, alors en guerre avec l’Espagne : celui-ci feignit d’être disposé à fa paix; aussitôt les Vénitiens se décidèrent d’entrer dans son alliance, lui ouvrirent leur bourse , lui donnèrent trois cent mille ducats d’avance, et lui en promirent cinquante mille par mois. Le sénat avait cherché à s’assurer le secours des Suisses, c’est-à-dire la faculté de solder des troupes de cette nation; mais les affections des Suisses étaient fort diverses. L’argent de l’Espagne avait détourné les cantons catholiques d’embrasser la cause des Vénitiens. La république avait mieux réussi auprès des cantons de Berne et de Zurich, qui étaient les plus puissants de la confédération, et qui voyaient arriver un ministre vénitien, précédé de quatre trompettes, annonçant qu’il avait cent mille sequins à distribuer. Les Vénitiens ne pouvaient se passer de recrues; c’était par cette raison qu’ils briguaient l’alliance des Grisons, et que le roi de France, voulant se réserver cette ressource pour lui-même, mettait obstacle au traité. Ils commencèrent par rendre les intentions du roi suspectes, en ne le désignant que par la dénomination de gendre du roi d’Espagne. L’appât de l’or attirait des soldats sous leurs drapeaux. Ces recrues, non avouées par le gouvernement du pays, s’échappaient de leurs montagnes, malgré un cordon de postes placés pour fermer les passages. Il fallut des lois pénales, qui allèrent jusqu’à la confiscation des biens, pour faire cesser cette émigration. Les Grisons furent tellement enhardis, par les instances que le gouvernement vénitien faisait pour entrer dans leur alliance, qu’ils se permirent des insultes. I Comme pour les déterminer, l’ambassadeur véni, tien était descendu jusqu’à l’intrigue, ils saisirent [ ce prétexte pour publier, le 2 janvier 161 !>, un dé-| cret portant que, ce ministre ne cessant de distribuer des présents, de répandre de l’argent, de donner des repas, pour obtenir le renouvellement de l’alliance avec la république, on lui notifierait que cette alliance était révoquée. On alla plus loin, les agents de la république furent expulsés par un autre décret. Les naturels du pays qui avaient pris du service dans ses troupes furent rappelés; des commissaires furent envoyés pour leur on intimer l’ordre. Ces commissaires ayant négligé de se faire connaître, le podestat de Bergame les fit arrêter. Tout cela devait amener entre ces deux républiques une rupture éclatante, si l’une n’eût été dans l’opulence, et l’autre nécessiteuse ; et en dernier résultat, il se trouva que, malgré tous ces obstacles, Venise avait renforcé son armée de près de quatre mille Grisons. Suriano, qui était alors ambassadeur de Venise auprès de la nouvelle république des Provinces-Unies, conçut l’idée d’une alliance offensive et défensive, qui aurait pour garant l’inimitié naturelle que l’une et l’autre devaient aux Espagnols. Lorsque celte proposition fut agitée dans le conseil, Jean Nani, l’un des membres du collège, ne vit pas entre ces deux républiques cette identité d’intérêts, qui pouvait faire espérer une coopération sincère et une alliance durable. Les Hollandais, soit à cause de leur religion, soit à raison de leur liberté encore mal affermie, devaient avoir une multitude de différents, dans lesquels il était inutile d’engager les Vénitiens. Contracter celte alliance c’était se déclarer en état d’hostilité permanente avec le roi d’Espagne, et il était imprudent, téméraire même, de se faire de ce puissant monarque un ennemi irréconciliable. Quel secours attendre d’un allié si éloigné, et qui avait tant d’autres intérêts à défendre? Enfin, si on avait besoin de ce secours, on pouvait être sûr qu’on serait toujours à temps de se le procurer, tant qu’on aurait des subsides à fournir. A cela Sébastien Venier, autre conseiller du collège, répondit que les alliés lointains étaient les plus fidèles; que le plus grand intérêt de tous, la conservation de leur indépendance, liait les deux républiques; qu’heureusement elles avaient le même ennemi ; que la diversion la plus importante était celle que les Hollandais pouvaient opérer, et que par conséquent il fallait les y encourager : c’était le seul moyen de s’assurer la domination de la Méditerranée. 11 n’était pas douteux que le secours des Provinces-Unies ne (ut utile, et la diversion plus utile encore ; quant au subside qu'il devait en coù-