84 HISTOIRE DE VENISE. tiens, en tâchant de rentrer dans les ports de la Dalmalie, virent deux de leurs galères s’enfoncer dans les flots : mais ce qui prouve que ce combat ne fut pasbien sérieux, c’est la perte des Espagnols, évaluée par l’auteur de qui j'emprunte tous ces détails (1), à dix morts et à trente blessés. Le gouvernement vénitien donna, il est vrai, un successeur à son amiral, mais le dédommagea de cette disgrâce en l’élevant à la dignité de procurateur. Bientôt après, une flotte d’une trentaine de galères sortit des ports de Naples, pour aller ravager quelques lies de la Dalmalie. Les Vénitiens, par représailles, dévastèrent les côtes de la Pouille ; il n’y eut point de combat. C’était, comme on voit, un état d’hostilité fort difficile à qualifier. XVI. La guerre contre l’Espagne avait fourni au gouvernement vénitien une occasion de montrer sa vigilance et la juste sévérité de sa discipline domestique. On eut à régler avec le duc de Savoie le compte des subsides qui lui avaient été promis : il se trouva que ce prince n’avait pas touché la totalité des sommes que la république avait envoyées. Cet argent avait passé parles mains d’Antoine Donato, ambassadeur de la république à Turin : sa dignité, (1) Capriata, lib. vi. ses talents, sa naissance, l’honneur qu’il avait d’étre neveu du dernier doge, n’empêchèrent pas qu’il ne fut mandé, pour se justifier des soupçons que ce déficit avait fait naître contre lui. Ses réponses peu satisfaisantes, et bientôt sa fuite, les confirmèrent: ses biens furent confisqués; il fut dégradé de noblesse, ainsi que toute sa postérité, et condamné par contumace à être pendu. L’impartialité de la république se manifesta en même temps en faveur d’un des parents de ce condamné. Nicolas Donato fut élu doge, à la place de Jean Bembo, mort en 1G18; mais il n’occupa le trône que pendant un mois. Après lui, on y éleva Antoine l’riuli. L’élection de Nicolas Donato fut suivie d’un scandale auquel on n’était point accoutumé à Venise : lorsque ce doge, porté par les ouvriers de l’arsenal, faisait le tour de la place Saint-Marc, le peuple, au lieu de crier Viva il serenissimo Donato! se mit à crier Vira Nani! Viva Priuli! et ne daigna pas même ramasser l’argent que le nouveau prince faisait jeter. On reprochait à Donato d’avoir proposé un impôt sur les blés; il y eut des rixes, des placards insolents; mais cette mutinerie, qu’on aurait pu prendre pour un avertissement sérieux, demeura sans résultat.