STATUTS DE [/INQUISITION. Icment sur la place à douze ou quinze pour cent; cl il ne se fait pas une opération clans le commerce, que le vendeur ou l’acheteur ne cherche à y faire entrer par dessus le marché une de ces créances : cela porte atteinte au crédit public. Il semble qu’il n’y ait pas de plus mauvais papier sur la place que celui du prince. Quoique le sage-caissier soit fort restreint dans les fonds dont il peut disposer pour satisfaire à cette sorte de créances, il n’est cependant pas que, dans la durée de son ministère, qui est de huit mois, il ne puisse y employer au moins cinquante mille ducats. Si avec cctte-somnic on pouvait espérer de parvenir dans un certain délai à l’extinction de cette dette, et de voir renailre h; crédit, cela serait tolérable, mais il n’y a pas moyen de s’en flatter avant un grand nombre d’années. Le tribunal ayant mûrement réfléchi sur cet objet, a reconnu qu’il était possible de dégrever le trésor public sans léser les intérêts privés. Cette même idée peut être venue à d’autres; mais il n’y a que le tribunal qui puisse l’exécuter, parce que le succès de l’opération tient à un secret rigoureusement gardé. En conséquence il est arrêté que les inquisiteurs d’État, après s’étre concertés avec les sages-grands, choisiront une personne discrète qui, sous l’apparence d’un négociant spéculant pour son propre compte, achètera sous main le plus qu’elle pourra de ces créances; de manière que l’achat et les frais, y compris son salaire, ne reviennent pas à plus de dix-huit pour cent, c’est-à-dire qu’avec dix-huit, argent comptant, elle ail une créance de cent sur le trésor. A cet effet on lui fera compter lous les mois par le caissier du conseil des Dix, et sous un prétexte quelconque, une somme de cinq mille ducals. La personne se présentera tous les mois devant le tribunal pour y remettre les effets qu’elle aura achetés, alin que, le compte vérifié, 011 lui délivre un nouveau mandat sur le caissier. Les sages-grands auront soin de faire réintégrer dans la caisse du conseil des Dix les fonds qu’elle aura avancés; mais pour une cause supposée. I/agcnt chargé de cette négociation, sera averti que la plus légère indiscrétion de sa part sera punie de mort. I’ar ce moyen 011 aura éteint en un peu plus de huit mois trois cent mille ducals de dette, et en trois ans l’Élat se trouvera entièrement délivré de ce ver rongeur qui le mine. Personne n’aura été lésé; car lous les porteurs de ces créances les ont achetées à encore plus bas prix, et ceux qui les ont de première origine ne peuvent les vendre qu’au cours. (1) Ceci donne la date, à-peu-près précise, de ce supplément aux statuts. Le cardinal Commendon fut promu au cardinalat en 15(i5.Cesupptément aux statuts est postérieur de pius d’un siècle à cet événement, A l'article précédent ; 30° Une autre observation réclame l’attention de notre tribunal pour détourner l’effet d’un désordre qui pourrait êlre pernicieux. On a remarqué que, dans les promotions de cardinaux, la cour de Rome s’applique à dépouiller notre sénat de ses membres les plus consommés. On peut craindre aussi qu’un jour elle ne veuille élever à celte dignité un prélat non noble ou natif de la terre-ferme, ou pris dans l’ordre de la citadinancc. Ce serait un grand scandale dans une république constituée comme la nôtre; parce que la condition des temps ne permet pas de donner à des sujets des prétentions qui pourraient être dangereuses, si on en voyait un jouir d’un rang supérieur à toutes les prélatures dont sont revêtus les nobles Vénitiens, et qui leur sont conférées par le gouvernement, en récompense do leur piété. On se rappelle encore le trouble qu’occasionna, il n’y a guère plus de cent ans, la nomination du cardinal Commendon (1), qui railla assez amèrement la république de ce qu'elle élail plus habile que les autres princes à reconnaître les tra vaux de ses plus utiles serviteurs. Ce fut par un sou venir de cette affaire que le gouvernement s’opposa avec vigueur à la promotion de monsignor Ragaz-zoni, qui passait déjà pour une chose certaine dans le clergé. Eu conséquence le tribunal arrête qu’il sera écrit dès à présent à l’ambassadeur de la république à Rome, et qu?à l’avenir on recommandera à tous ses successeurs, d’avoir soin, toutes les fois qu’on parlera d’une promotion de cardinaux sur la demande des couronnes, de recommander au pape les prélats véiiiticnsau nom du gouvernement, mais exclusivement les prélats nobles; et comme la cour de Rome pourrait vouloir faire tomber son choix sur inonsignur Paoluzzio, qui est maintenant auditeur de rote, l’ambassadeur sera chargé de veiller avec grand soin à ce que cela ne soit pas, parce que son père, encore vivant, est employé parmi les secrétaires du sénat, quoiqu’à peu près retiré des affaires à cause de son grand âge; et si l’ambassadeur trouve la cour de Rome tellement portée à faire ce choix, qu’il ne soit pas sûr de pouvoir l’empêcher, il eu rendra compte au tribunal, pour qu’on puisse prendre les mesures convenables suivant l’occurrence. 31» Un nouvel abus s’est introduit depuis vingt-cinq ans dans Venise; on a institué beaucoup d’oratoires : dans les uns se réunissent des personnes de diverses conditions, dans d’autres 011 rie voit que des marchands ou des gens du peuple. Nos pères, ou parle des dettes occasionnées par la guerre de Candie, qui finit en 1603; ainsi ce supplément a dû être délibéré peu de temps après cette dernière époque.