STATUTS DE L’INQUISITION. lîiil seuls et prononcent sur les ecclésiastiques sans attendre une délégation, comparaîtront devant nous avant leur départ, et avant de recevoir leur commission de la chancellerie ducale, pour y déclarer quels sentiments ils professent sur cette matière, alin que le tribunal puisse prendre les déterminations qu’exigera le bien public. 12° Il arrive souvent que les sages ont à envoyer quelqu’un de nos secrétaires de la chancellerie ducale chez les ambassadeurs ou résidents étrangers, pour leur porter la réponse à quelques notes adressées par eux au collège. C’est une chose fort hasardeuse; on expose ces secrétaires à être tentés ; l’ambassadeur se trouve tête-à-tête avec eux, dans sa propre maison, ayant toutes les facilités pour les séduire, et même les égards de déférence ne permettent pas en quelque sorte aux secrétaires de se retirer sans être congédiés. 11 n’y a cependant point de fait qui donne lien de soupçonner la fidélité de ces agents en telle occurrence; mais par surcroît de précaution, il est arrêté que toutes les fois qu’il y aura lieu d’envoyer chez un ambassadeur ou résident, on s’adressera au grand-chancelier, lequel désignera le secrétaire qui devra être chargé de cette mission, en observant cette règle de ne jamais envoyer deux fois le même secrétaire chez le même ambassadeur, et de ne l’envoyer chez un autre qu’après un long intervalle ; à cet effet il tiendra un registre des missions qui auront été confiées aux secrétaires. Au retour de nos ambassadeurs des cours où ils auront été accrédités, les inquisiteurs d’État auront soin de prendre, chacun de leur côté, extrajudiciaircment, des informations sur la fortune du secrétaire attaché à l’ambassade ; et s’il se trouve qu’elle se soit accrue d’une manière notable dans un emploi qui naturellement n’en donne pas les moyens, il y aura lieu de soupçonner quelque malversation, cl dans ce cas le tribunal s’attachera à découvrir la véritable source de cette fortune; mais toujours avec les précautions nécessaires pour éviter que des hommes reconnus jusqu’à présent irréprochables ne soient victimes d’une calomnie. 13° Des nobles sont venus quelquefois rendre compte au tribunal que dans des rencontres nocturnes, ou pendant le carnaval, des personnes inconnues ou masquées ont cherché à les gagner pour qu’ils se vouassent aux intérêts de la cour d’Espagne, en leur promettant de grandes récompenses, et qu’on commençait par leur offrir une vingtaine de doublons. Ces nobles ont ajouté qu’ils n’avaient ni accepté ni rejeté cette proposition, mais seulement demandé du temps pour y réfléchir,et promis de revenir dans quatre jours donner une réponse, la nuit et dans un lieu désigné. Ils s’étaient ménagé ce délai pour avoir le temps de prendre les ordres du tribunal. 11 a été ordonné au capitaine-grand de se tenir aux aguels à l’heure et dans le lieu convenus, pour tâcher de saisir l’agent de celle intrigue en flagrant délit ; mais il est arrivé que cet agent n’a pas paru : le noble interrogé sur la cause de cette absence a répondu qu’il n’eu savait rien ; que peut-être les gens du capilaine-grand n’avaient pas eu la précaution de se bien cacher, et que la personne inconnue les ayanl aperçus, en aura conçu quelques soupçons; mais il a ajouté que, si on voulait en cas de nouvelles tentatives faites par cet agent, lui donner à lui-même la permission de le punir, il se chargeait de le tuer, pourvu qu’on l’autorisât à porter une arme à feu, car il ne pouvait douter qu’on ne revint à la charge pour le gagner. Le tribunal a délibéré sur cetle proposition; il a considéré que le premier rapport du noble peut mériter confiance, mais qu’il esl possible aussi que ce noble ait quelques motifs qu’on ignore de tromper le tribunal, et que son rapport peut élre faux ; qu’en le supposant vrai, accorder du premier coup la permission demandée, ce serait deux maux au lieu d’un, ce serait permettre un homicide de propos délibéré, et autoriser l’emploi des armes à feu qui sont si odieuses; si au contraire le rapport du noble n’étail pas vrai, on lui aurait donné les moyens de luer un homme peut-élre innocent; en supposant l’existence du fait, tuer l’agent de corruption, ce serait fournir à l’ambassadeur qui l’aurait employé une occasion de se plaindre : il ne manquerait pas de nier la tentative de corruption, et de soutenir que le meurtre de son domestique n’aurait eu pour cause qu’une injure personnelle; enfin, il serait possible qu’au lieu de l’émissaire, ce fût le noble vénitien qui restât sur la place, car on ne peut guère supposer que le premier vint à un rendez-vous de celle espèce sans précaution. Par toutes ces considérations, le tribunal ajugé que la proposition qui lui élail faite n’était pas admissible; mais il s’est appliqué à tirer parti de celle circonstance sans scanflale, et il a arrêté que, par le moyen du prélat aflidé, on fera avertir le nonce que les inquisiteurs d’État, voulant faire cesser les tentatives qu’on s’est permises auprès de quelques patriciens pour tenter leur fidélité, ont autorisé celui auprès de qui on se permettrait une pareille proposition à en tuer le porteur, et que, dans cet objet, on avait même permis l’emploi des armes à feu; que les nobles avaient reçu l’ordre, si on lâchait de les gagner, de paraître y consentir, et d'en rendre compte au tribunal, qui sur-le-champ leur fournirait des secours pourôler plus sûrement la vie à l’émissaire. Cet avis porté au nonce, avec beaucoup de mystère, par le prélat afïïdé, sera certainement transmis par