400 HISTOIRE DE VENISE. vcra mon ingénuité. Voire sérénité a fait punir les coupables. Le dernier notamment, qui a été exécuté hier, était un méchant homme qui méritait sa peine plus que les autres. S’ils avaient eu quelques intelligences avec quelqu’un de ma maison, ce que je ne crois pas, je voudrais les voir écarlclés, brûlés ; je porterais de tout mon cœur du bois au bûcher; mais éloigné de ma cour, j’ai des ordres stricts à suivre. Je me trouve entre Carybde et Scylla. J’espère que le temps éclaircira tout. Je reviens à ma demande. Quand il serait vrai que je fusse le plus coupable du monde, en faudrait-il moins respecter mon caractère et le droit des gens? Que voire sérénité pense aux inconvénients qui peuvent résulter d’un désordre, et à scs suites. Je pourrais souffrir ce qui n’offenserait que ma personne; mais il peul arriver tel événement auquel il n’y aurait plus de remède. J’ai lardé de venir à l’audience que vous m’avez accordée, parce que j’ai remarqué quelques symptômes de mouvement, et que j’ai fait un long détour pour arriver jusqu'ici. Le péril est grand; il faut des remèdes prompts et efficaces. Je suis serviteur île votre sérénité, cl je la supplie de ne pas se borner à une réponse aussi laconique que celles qu’elle m’a faites jusqu'ici. Si ensuite elle a à me répondre sur les autres objets que j’ai exposés dans ma précédente audience, je suis prêt à venir et à m’expliquer; mais pour ce moment, il s’agit de la sûreté de ma personne. Je me place sous votre protection, et je suis déterminé à ne pas sortir d’ici que je n’aie reçu des sûretés. J’espère qu’on ne me refusera pas à dîner, et que cette fois on ne me refusera pasune réponse : c’est une satisfaction que j'attends; «on est addenda afjlictio a/Jtictis. Le péril esl trop imminent pour que je sorte d’ici autrement que sous les ailes de votre sérénité. En disant cela, il lit un geste comme pour saisir les manches de la robe des conseillers. On délibéra un moment, après quoi Jean Dandolo lui répondit : Monsieur l’ambassadeur, la demande de voire seigneurie est la même que celle que vous nous avez faite il y a quelques jours. Nous ne pouvons rien ajouter à notre réponse. Des troupes de bombardiers et de milices ont été commandées pour venir augmenter la pompe de l’installation du nouveau doge; et l’on a donné pour la tranquillité publique tous les ordres ordinaires en pareille circonstance. L’ambassadeur lui donna à peine le temps d’achever, cl répliqua : Cela suffit ; je Suis satisfait, et certain comme je le suis des ordres donnés par votre sérénité, je me coutie à sa parole. Le conseiller Dandolo lui répéta qu'il avait été pourvu à la tranquillité de la ville. Cela me suffit, dit l’ambassadeur ; et il se retira. S. Lettre du sénat à l'ambassadeur de la république en Espagne, du 2 juillet 1018. Vous apprendrez , par les pièces dont copie est ci-joinle, les communications que notre conseil des Dix nous a faites, au sujet des machinations qui ont été tramées par quelques hommes qui ont déjà subi le supplice, et par d’autres sur le sort desquels il reste à prononcer. Vous y verrez aussi les offices de l’ambassadeur de sa majesté catholique; ces renseignements sont pour votre gouverne, pour vous mettre au courant des faits que la voix publique pourra porter jusqu'à vous, et pour vous mettre en état de répondre, si vous venez à être interpellé. Mais vous éviterez d’entrer dans aucune particularité. Vous vous renfermerez dans des termes généraux, vous bornant à affirmer que de graves motifs ont déterminé le conseil aux mesures qu’il a prises. Vous verrez quelle part l’ambassadeur d’Espagne avait dans cette affaire. Il nous est justement eu horreur, ainsi qu'à toute la ville, pour celle action et pour sa conduite passée. Celte horreur est telle, que vous devrez vous employer pour que, d’une manière ou d’une autre, il soit rappelé d'ici. Vous en parlerez de telle sorte que sa majesté catholique ne puisse attribuer celle demande qu'aux torts de son ministre, et non à la diminution de notre dévouement, et surtout de notre respect pour elle. Vous l'assurerez que nous lui tiendrons, comme cela est juste, le plus grand compte de celle condescendance, el qu’après le rappel de ce ministre, le successeur qu’elle lui donnera sera reçu avec honneur, avec la bienveillance dont nous faisons profession, et qui est due à la grandeur de la couronne d’Espagne. I’our donner plus de force à cette demande, que vous aurez soin d'adresser d’abord au roi, avant d’en parler à aucun des ministres, nous vous adressons des lettres de créance spéciales. En les présentant à sa majesté, vous lui direz que notre respect pour elle est si grand, que, bien que mal satisfaits de la conduite précédente du marquis de la Cucva, pendant les longues années qu'à duré son ambassade, et dont nous avions déjà fait parvenir quelques plaintes à sa majesté; quoique nous eussions désiré depuis longtemps l'éloignemcnt de ce ministre et son remplacement par un ambassadeur mieux intentionné, plus soigneux de ne pas donner, par lui-même et par sa maison, des sujets de zizanie et de plaintes,cependant nous l’avons toléré, pour don ner au roi celte preuve de notre affection respectueuse. Mais ccs égards n’ont pas produit lemoindre