PIECES JUSTIFICATIVES. 405 Joan Dandolo, doyen des conseillers, répondit, conformément à ce qui avait été délibéré dans le conseil : Nous avons entendu, monsieur l'ambassadeur, ce que votre seigneurie nous a exposé; reccvex les assurances do la considération du conseil; il délibérera sur sa réponse et vous la fera communiquer. L'ambassadeur répliqua, un peu hors de lui : Je sais, sérénissimc prince, quel est l’usage du conseil et quelles sont les formes : j’attendrai; mais je lui renouvelle la prière de pourvoir à la sûreté de ma maison et de ma personne; car s’il survenait quelque accident, quoique je sois bien persuadé de toutes les diligences que YV.EExe. s’empresseraient de faire, il serait possible que la chose fut sans remède; et je ne doute pas qu’elles n’en éprouvassent un grand regret ; je suis leur serviteur prêt à leur obéir. Je leur ai dit, avec ingénuité, tout ce que je sais, tout ce que j’ai dans le cœur : Dieu peut y lire mon dévouement : si je voyais s’exécuter les pernicieux desseins dont on parle, je voudrais perdre la vie pour la défense de votre ville, comme l’un de vos plus fidèles sujets. Je inc confie à VV. EExc. comme un fils à son père, et je me place sous leur protection. L’ambassadeur se levajet son secrétaire, le visage pâle d’effroi, dit: Le péril de notre maison est grand. Il répéta cela deux fois. 27 mai 1618. Le secrétaire de l’ambassadeur d'Espagne s’étant présenté, ce matin, devant l'excellentissime conseil, a dit : M. l’ambassadeur m’envoie auprès de V. S. pour la prier de prendre en considération le message que je lui présente, et il a présenté la lettre dont la teneur suit : « Sérénissimc prince, seigneurs, j’ai attendu jusqu’aujourd’hui la réponse de V. S. au sujet des représentations que j’eus l’honneur de lui faire vendredi dernier. N’en ayant reçu aucune, je reste dans l’inquiétude qu’une pareille affaire doit inspirer, mais en même temps dans la ferme persuasion que je verrai bientôt des effets de votre bonté et de votre prudence, que réclament une nécessité aussi urgente, un péril si imminent. Je prie cependant, avec respect, V. S. de faire pourvoir d’abord a la sûreté de ma personne et de ma maison , sauf à prendre ensuite une détermination sur les autres considérations que je lui ai exposées. Elle aura la bonté de m’excuser si je ne vais point en personne lui présenter mes hommages cl celte lettre. S’il était nécessaire, je remplirais ce devoir avec empressement, non-seulement une fois, mais plusieurs. Je suis, etc. Le marquis de Biduiaii. Après la lecture de celte lettre, Jean Dandolo, doyen des conseillers, vice-doge, répondit qu’on la prendrait en considération. Le secrétaire ajouta : M. l’ambassadeur supplie votre sérénité, comme elle vient de l’entendre, de faire cesser un péril qui est imminent. Dans deux ou trois jours, il peut arriver quelque malheur. Ce matin, une barque chargée de soldats a passé devant le palais. En voyant les armes du roi, qui sont sur la porte, ils ont jeté des cris scandaleux et se sont arrêtés. Il est possible qu'il arrive quelque accident. Votre sérénité est suppliée d'aviser aux moyens de préserver la demeure de l'ambassadeur de tous les dangers qu’on peut prévoir. Et il se relira. Peu après, le même secrétaire se présenta encore à la porte du conseil, demandant une audience pour l’ambassadeur. On lui répondit, après en avoir délibéré, qu'il pouvait venir quand il voudrait. Uii l'attendit assez longtemps : enfin il parut. Il commença par de nouvelles instances pour qu'on pourvût à sa sûreté, et puis il ajouta : « Je n'ai pris aucune pari à tout ce qu’on débile; si quelqu'un de ma maison y esl intéressé, je l'ignore ; mais je n'eu devrais pas moins le protéger, comme sujet du roi. Je me charge de leur garde, et, s'il y avait quelque coupable, sa majesté saurait bien en ordonner le châtiment. Il n’y a dans mon palais que des domestiques, tous sujets de sa majesté, à l'exception de deux, qui sont sujets de la seigneurie. J’ai écrit au roi, et le temps fera connaître que je suis un cavalier d'honneur. Mou maître est un grand roi; il saurait punir qui le mérite, et ne m'épargnerait pas moi-même; sa justice est sévère : on sait quelle n’épargne pas même ses propres enfants. Je ne suis pour rien dans les projets qu’on a divulgués. J’ajoute ingénument que je n’en avais pas même entendu parler. N’esl-il pas juste de pourvoir à la sûreté de ma personne, el de la préserver de tout accident? Le droit des gens le réclame, ainsi que les privilèges doril ont joui de tout temps les palais des ambassadeurs. {On voit combien ces discours du marquis de liedemar sont différents de ceux que l'abbé de Saint-Hèal lui prête. Il n'y a ni assurance ni jactance, l'as un mot des armes, île part ni d'autre ; donc il n'y avait pas même eu de perquisition, l’as un mot de la conjuration, ni des reproches que Saint-Hèal dit que le collège fit à l’ambassadeur.) Je suis ministre du roi d’Espagne, j’ai à la cour beaucoup de parents d’un rang élevé qui me protégeront; les ministres dans les autres cours, les commandants de nos forces sont mes adhérents, et s’ho-norentd’appartenir à ma maison.Je voudrais pouvoir ine dépouiller de ma qualité d'ambassadeur, pour me justifier. J'espère que le temps le fera, cl prou-