CO HISTOIRE DE VENISE. « aussi de les manger, afin qu’il leur donne asile « dans son sein ; et pour vérifier ces paroles de l’a-« pôtrc, je vous souhaite tous dans les entrailles de « Jésus-Christ. Il n’y a point de cruauté dans ce « meurtre, il n’y a que pitié, puisqu’il tend à sau-« ver l’âme qui allait périr, si on eût laissé vivre « le coupable. L’excommunication, suivant le grand « pape Nicolas Ior, n’est point un poison qui tue, ii mais un remède désirable et salutaire. Poursuivez « donc, très-saint père, ainsi que vous avez com-it mencé. Loin de vous accuser de précipitation, on « doit vous rappeler ce précepte de Saint Paul qui « recommande la célérité, quand il s’agit de venger « l’Église et de punir la désobéissance ; votre sain-« teté n’a que trop différé. « Pour moi, je l’avoue avec sincérité, je suis au « comble de la joie et de l’espérance : il me semble « voir sur la chaire do Saint Pierre un autre Gré-11 goire VII, un autre Alexandre III, tous deux sor-« tis de Sienne, comme votre sainteté, pour venir ii gouverner l’Église et servir d’appui à sa liberté « chancelante; l’un vainqueur de Ilenri IV, le plus « pervers des empereurs; l’autre triomphant de ii Frédéric Ior, par son admirable constance. Les « mêmes combats vous sont réservés. Relevez la « liberté de l’Église presque abattue. La victoire est « prête, car Dieu est avec nous. Le Christ l'a dit : « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre « elle. Successeur de Pierre, c’est à vous que Jéré-« mie adressait ces paroles prophétiques : je t’ai n placé comme une colonne de fer, et comme un « mur d’airain. Souvenez-vous que vous êtes la « pierre contre laquelle tous les efforts ennemis « viendront se briser, et que vous demeurerez in-ii ébranlable, parce que vous êtes avec le Christ, qui « combat et qui vaincra pour vous. » On conçoit qu’après cette harangue, le cardinal de Vérone, Augustin Vallicr, ne fut pas bien reçu, lorsqu’en sa qualité de Vénitien, il se crut obligé de conseiller une marche moins précipitée, et qu’il s’appuya de l’autorité de ce vers latin : Differ, habent parvæ commoda magna moræ. 11 ne manqua pas de citer les services que les Vénitiens avaient rendus à l’Église, et de dire que c’était par leur secours, que le pape Alexandre Ili avait remporté sur Frédéric Barberousse cette victoire que Baronius venait de rappeler assez mal à propos. Le pape se leva, et publia son monitoirc. Comme cette pièce fait connaître avec beaucoup de précision les torts des Vénitiens, les prétentions du pape, et les peines qu’il infligeait, je crois utile de la rapporter textuellement, je n’en supprime qu’une formule. ii Paul V, pape, à nos vénérables frères les patriarches, évêques, etc., etc. « Nous avons appris, il y a quelques mois, que le doge et le sénat de la république des Vénitiens avaient fait dans le cours de ces dernières années divers décrets également attentatoires à l’autorité du siège apostolique, aux immunités et aux libertés de l’Eglise, aux dispositions des saints canons, et aux constitutions des souverains pontifes. « Le 15 mai de l’an 1602, à l’occasion d’un procès entre le docteur Zabarella et le monastère de Pragiia, ils ont déclaré que les religieux ne pouvaient, ni dans cette circonstance ni dans aucune autre, prétendre à rentrer dans la jouissance des biens ecclésiastiques aliénés par emphytéose à des personnes laïques, et cela sous quelque prétexte, à quelque titre que ce fut, que jamais ils ne pourraient revendiquer la propriété de ces biens, mais seulement le domaine direct qui leur en était réservé. Le 10 janvier de l’an 1005, sous prétexte de maintenir l’exécution de certaines dispositions prises par leurs prédécesseurs, pour éviter que les églises, monastères et autres bâtiments pieux ne se multipliassent sans nécessité dans la ville (le Venise, ils ont étendu à tous les lieux de leur domination le règlement qui défend d’entreprendre ces constructions, avant d’en avoir obtenu la permission spéciale, et ils ont prononcé contre les délinquants la peine de l’exil ou de la prison perpétuelle, outre la confiscation et la vente des édifices commencés. h De plus, le 26 mars de l’an 1603, confirmant un ancien décret de lo56, qui prohibait, dit-on, sous certaines peines, l’aliénation des biens immeubles situés dans la ville et dans le duché de Venise, en faveur du clergé, soit à titre de donation entre-vils, soit par testament, le même doge et le même sénat ont non-seulement renouvelé cette défense, mais l'ont généralisée pour tous leurs États, annulant toutes les aliénations qui pourraient avoir été faites, prononçant la confiscation des biens aliénés et en ordonnant la vente, au profit de la république et des dénonciateurs. «De plus, le même doge et le même sénat ont fait arrêter Scipion Sarraceno, chanoine de Vicence, et Brandolin Vraldemarino, abbé de Nervèse, personnages constitués en dignité ecclésiastique. Ils l^s détiennent en prison, sous prétexte de quelques crimes, qui leur sont, disent-ils, imputés, et se prétendent en droit de les juger, d’après des privilèges qui, selon eux, auraient été accordés à la république par quelques-uns des pontifes romains nos prédécesseurs. « Les actes ci-dessus rapportés sont attentatoires aux droits des églises, aux contrats faits avec elles, à l’autorité du sainl-siégc apostolique et à la nôlre,