LIVRE XXXVII. XXVIL Pendant que les Impériaux étaient ex- ' puisés de l’Ilalie, une colonne de prisonniers de guerre, qui se trouvait à Bergame, disparut, et les Français accusèrent les troupes vénitiennes restées dans la place d’avoir favorisé cette évasion, qui ne pouvait pas avoir été exécutée sans la connivence du podestat. La légation française porta plainte contre lui ; mais on a vu, par les projets qu’il méditait, combien le gouvernement vénitien devait juger la présence de ce magistrat nécessaire à Bergame (12 mars 1797). Ce magistrat savait que plusieurs Vénitiens, qui se trouvaient à Milan, s’étaient affiliés à une de ces sociétés politiques qui préparaient alors les révolutions populaires. 11 ne doutait pas que les Milanais ne cherchassent à exciter un soulèvement dans les provinces de Bergame et de Brescia. Il envoya son secrétaire avec la mission de pénétrer le mystère de ce plan et le nom de ceux qui devaient avoir la principale part à son exécution. Cet émissaire, adressé à une personne que le podestat croyait sûre, ne fut mis en communication qu’avec des agents de la police de Milan, et par conséquent ne fut instruit que de ce qu’on voulait qu’il crut. Il rapporta que l’insurrection devait éclater dans dix jours, et commencer par Brescia. C’était un faux avis. Elle éclata dès le lendemain à Bergame : en voici le récit, d’après le podestat lui-même. Dans la matinée du 12 mars, les postes occupés par les troupes françaises furent doublés, des patrouilles parcoururent les rues, des pièces de canon furent mises en batterie sur les places. Le commandant français, à qui Ottolini envoya demander l’objet de ces dispositions, fit répondre à ce podestat qu’on avait remarqué de l’agitation parmi les troupes vénitiennes, qu’elles avaient fait de nombreuses patrouilles pendant les nuits précédentes, qu’il savait qu’on réunissait le corps des bombardiers, et qu’en conséquence de tous ces mouvements, il avait cru devoir prendre ses précautions. Quelques temps après, plusieurs membres de la magistrature municipale vinrent avertir le podestat, que le commandant français les avait mandés, et leur avait dit d’un ton impérieux qu’ils eussent à signer le vœu de la nation pour la liberté et pour la réunion de la province à la république cisalpine; que, sur leurs représentations, il avait ajouté qu’ils couraient le risque de la vie. Ottolini leur fit considérer tout ce qu’ils devaient à leur gouvernement et à leur patrie, leur rappela qu’il y avait quatre cents ans que leurs ancêtres s’étaient mis volontairement sous la loi des Vénitiens, et les exhorta à résister, par une fermeté inébranlable, à des menaces, qui seraient probablement sans effet. Mais il ne pouvait leur offrir aucun secours; leur sûreté, | celle de leurs familles était compromise; ils lui déclarèrent qu’ils allaient signer la pétition, en restant au fond du coeur dévoués au gouvernement. Pendant que cette scène se passait chez le podestat, les colporteurs de la pétition recevaient un grand nombre de signatures; le concours des habitants inquiets, ou exaltés, ou curieux, était immense; on s’occupait d’élire une municipalité. La journée se termina, sans qu’au milieu de cette agitation extraordinaire, on eût à se plaindre d’aucun excès, ni même à remarquer du trouble. Vers le soir, le commandant français fit demander au podestat que les patrouilles vénitiennes cessassent de parcourir la ville, ajoutant que les troupes françaises feraient feu sur elles si elles les rencontraient. Le lendemain, le même officier déclara à Ottolini que le peuple de Bergame était libre, que par conséquent il convenait d’écarter tout ce qui pouvait mettre obstacle à cette liberté ; et, dans cet instant, deux des nouveaux membres de la municipalité vinrent intimer au podestat l’ordre de partir. Tel est le récit de ce magistrat. Le 14, on afficha dans Bergame l’avis suivant : « Le peuple souverain est informé que la municipa-u lité provisoire exercera ses fonctions jusqu’à ce « quelui-mêmeait nommé ses magistrats. »Le même jour, les représentants du peuple souverain de Bergame écrivirent à la nouvelle république de Milan : « Nous avons reconquis notre liberté; nous « désirons qu’elle s’allie à la vôtre : recevez notre