LIVRE XXVIII. 45 livre xxyiii. PAIX DE TRENTE ANS. — PASSAGE DE 11ENKI III A VENISE,— PESTE DE 1578.—IIENRI IV RECONNU ROI ÜE FRANCE PAR LFS VÉNITIENS. — LE SAINT-SIÈGE ACQUIERT FERRARE, 1574-1604. — COUP D’OEIL SUR LA SITUATION DU GOUVERNEMENT VÉNITIEN A CETTE ÉPOQUE. 1. Un nouveau calme de Ironie ans suivit cette guerre malheureuse, qui coulait à la république une de scs plus belles colonies, et qui lui annonçait d’aulres pertes, en lui prouvant l’insuffisance de ses forces pour arrêter les progrès des Ottomans. Cependant le gouvernement de Venise ne négligea rien pour se maintenir dans l'opinion des autres peuples, par tout ce qui avait de l’éclat, ou qui pouvait donner une grande idée de scs ressources (1574). Il fit au roi de France Henri 111 une réception magnifique, lorsque ce prince, s’évadant du trône de Pologne, passa par l’Italie, pour aller prendre la couronne de France, qui lui était dévolue par la mort de Charles IX. 11 mit d’abord pied à terre à Murano. La fabrique de glaces et les divers ouvrages de verre que cette ville était en possession de vendre à toute l’iiurope, enchantèrent tellement l’auguste voyageur, qu’il anoblit, dit-on, tous les manufacturiers : ce qui ne veut pas dire qu’il leur donna le patricial, mais seulement le titre de nobles,' dont la république faisait assez peu de cas pour permettre à ses sujets de le recevoir d’un prince étranger. Un magnifique cortège de barques de toute espèce vint prendre le roi à Murano, pour le conduire à Venise. Henri sauta au cou d’Antoine Canale, qui présidait à cette cérémonie, lui fit les compliments les plus flatteurs, sur ses exploits à la bataille de Lépante, et le créa chevalier. C’était un usage qu’affectaient les grands souverains, de distribuer des litres môme hors de leurs Élats. Les •êtes qu'on donna à Henri III attestèrent, non-seulement la richesse des Vénitiens, mais leur supério- rité dans tous les arts. On remarqua que le doge céda toujours la place d’honneur au légat du pape, qui s’asseyait à la droite du trône du roi, tandis que le doge ne se réservait que la gauche, même dans une séance du grand-conseil, où Henri fut prié d’assister, et où il daigna paraître en robe de sénateur vénitien. J’ai déjà rapporté, en parlant de la marine de la république, qu’au milieu d’une fête qu’on offrit au roi à l’arsenal, les ouvriers commencèrent, construisirent et armèrent une galère en sa présence. Cette brillante réception ne fut pas la seule preuve de dévouement que les Vénitiens donnèrent à ce prince. Lorsque les troubles de son royaume l’eurent réduit aux dernières extrémités, il fit solliciter de la république un prêt de cent milleécus, qu’elle fournit sousla garantie dedeux banquiers, sans intérêt. 11 est remarquable que le pape, lorsqu’il apprit ce service que les Vénitiens venaient de rendre à Henri 111, dit devant leur ambassadeur: « Pauvre république!