222 HISTOIRE DE VENISE. d’après les ordres qu'il en a reçus de son gouvernement, une alliance entre les deux républiques. » Les circonstances les invitent à s’unir, puisqu’elles leur donnent le même ennemi. Cet ennemi, qui n’est que trop connu du sénat, c’est celte puissance inquiète qui a desséché les sources de la prospérité des provinces vénitiennes sur la terre-ferme; qui, de jour en jour, fait déchoir le port de Venise de son antique splendeur; qui n’aspire à rien moins qu’à dominer dans l’Adriatique, après avoir envahi les importantes provinces de la côte orientale. Mais l’Autriche n'est pas le seul ennemi qui doive exciter l’inquiétude du sénat. La cour de Saint-Pétersbourg, qui marche aujourd’hui si ouvertement à la conquête de toute la Turquie européenne, a déjà jeté les fondements de son empire dans le cœur de la Grèce, et n’est point moins dangereuse que la maison d’Autriche, pour l'indépendance et la sûreté de la république de Venise. K Comment douter que la Russie ne favorise les vues ambitieuses de l’Aulriche contre la république, après avoir éprouvé elle-même, dans l’exécution de ses projets, la condescendance de ce cabinet? Pourrait-il rester aux Vénitiens quelque espérance de conserver le commerce si avantageux dont ils sont en possession, de garder même les îles de Zante , de Corfou , de Céplialonie , si le colosse de la puissance russe s’étendait jusqu’aux Dardanelles? Le gouvernement français en appelle à la conscience, à la profonde sagesse du sénat vénitien. Des mesures dont l’objet est de prévenir les. dangers qui viennent d’être indiqués, et d’obvier à ceux qui existent déjà, en rétablissant la puissance vénitienne sur des bases plus solides, ne peuvent donc qu’être conformes aux vues du sénat. L’alliance proposée est d’autant plus désirable, qu’elle serait vue favorablement par la Porte ottomane et par l’Espagne, qui, vraisemblablement, ne tardera pas à y accéder, etc. « A Péra, ce 17 messidor an IV de la république française, 7 juillet 1796. « Verninac. » En effet, le reiss-effendi répéta plusieurs fois à l’interprète de la légation vénitienne, qu’il lui paraissait indispensable que la république prit un parti dans la crise actuelle; qu’elle ne pouvait plus se flalter de maintenir son indépendance en s’isolant; et qu’il la croyait dans la nécessité de faire cause commune avec la Porte, la France et l’Espagne. La France, pour déterminer les Vénitiens à entrer dans celte alliance, ne leur offrait pas seulement la garantie de leurs Étals, mais encore elle leur promettait des avantages considérables. Les ambassadeurs de Venise en Espagne annon- çaient que l’alliance de cette cour avec la France était conclue, et que le prince de la Paix les avait pressés vivement d’engager leur république à s’y réunir; ajoutant même qu’il croyait pouvoir s’en (latter, d’après les armements qu’on lui voyait faire. A Paris, à Venise, au quartier-général de l’armée, on avait réitéré les mêmes propositions. Tout cela n’empêcha pas le collège de faire décréter dans dans le sénat, le 27 août 1796, qu’on persisterait le système de neutralité, et (ce qui était contradictoire avec les préparatifs militaires qu’on faisait de toutes parts), dans une neutralité désarmée, c’esl-à-dire impuissante. Il est évident que le gouvernement vénitien était affermi dans ce système, parce qu’il l’étail dans l’opinion que les succèsde la France notaient que passagers. Ceci nous oblige à reporter nos regards sur les opérations militaires. X. L’Autriche, au commencement de celle campagne, avait vu son armée dispersée et détruite en partie; mais, dans toute cette guerre, son administration signala son habileté par sa promplitude à créer, organiser, équiper et mettre en ligne de nouvelles armées. Indépendamment des nombreux détachements qui venaient de l’intérieur renforcer les troupes allemandes dans le Tyrol, le maréchal de Wurmser marcha, pour en prendre le commandement, à la tête de vingt mille hommes, appelés de l'armée du Rhin (29 juillet 1796). L'armée française avait reçu, depuis le commencement de la campagne, à peu près neuf mille hommes de renfort; mais elle avait perdu bien davantage dans les combats qu’elle avait livrés. Un pays immense à garder, et le siège de Mantoue, occupaient près de la moitié de cette armée. Elle s’étendait depuis le lac d’Iseo, à l’ouest du lac de Garde, jusqu’à Porto-Legnago. La ligne commençait à Corona, sur les confins du Tyrol; passait à Torbolé, à l’exlrcmité septentrionale du lac de Garde ; descendait à Salo, sur la côte occidentale; puis à Desen-zano, au midi de ce lac; à Peschiera, qui est sur le point où le Mincio en sort : de là elle se prolongeait sur la rive gauche du Mincio, par Bussolengo, vers Vérone, et enfin jusqu’à Porto-Legnago et Labadio. Brescia était un point excentrique, mais lié avec Peschiera par des postes intermédiaires. Celte ligne, qui traversait les roules par lesquelles l’ennemi pouvait déboucher du Tyrol vers l'Italie, couvrait le corps d’armée chargé du siège de Mantoue. Le quartier-général était à Marmirolo, un peu au nord de cette place. Le 29 juillet, le maréchal de Wurmser, descendant des Alpes Tyroliennes, arriva vers l’extrémité supérieure du lac de Garde, détacha un corps de