HISTOIRE DE VENISE.
« gouverneur de Milan, et l’ambassadeur. C’est la « réunion de ces trois hommes qui est désignée par » les historiens italiens, sous le nom de triumvirat, ii I,c génie de la Cucva lui suggéra mille ressources,
•i pour rassembler dans Venise des conjurés. Il es-« pérait en trouver dans le peuple, injustement ir-i! rité des charges inévitables qu’occasionnait la « guerre contre les Uscoques, contre le gouverneur « de Milan et les Autrichiens. Il s’insinua même au-« près de quelques hommes d’une condition plus h relevée; et malgré la sévérité des lois de Venise, j « il parvint, par des moyens détournés, à recueillir j ii les informations les plus précises sur tout ce qu'il » lui importait de savoir pour la conduite d’un des-<i sein si hasardeux. Il réussit à rendre infidèles des « soldats et des officiers à la solde de la république. h Nous épargnerons aux descendants des coupables,
« bien que ce ne fussent point des patriciens, le cha-ii grin d’avoir à rougir du crime de leurs pères. »
   On voit qu’ici l’historien vénitien se croit obligé de corriger l’historien français : celui-ci dit que le j marquis de Itedemar avait séduit et même acheté j plusieurs sénateurs. Sandi, plus circonspect, dit qu’il n’y avait point de patriciens dans la conjura-lion, et il évite de nommer les coupables, pour ne pas faire rougir leurs descendants. Celte excuse ne vaut rien, quand on écrit cent quarante ans après l'événement, et quand on publie une histoire, où l'on a, comme de raison, nommé, dans d’autres occasions, des criminels de toutes les classes, sans s’informer si leur postérité était ou n’était pas éteinte.
   « Nous laissons les circonstances de cette trame,
» consignées dans les monuments inédits, que quel-« ques particuliers possèdent encore. »
  Cette manière de s’exprimer annonce assez qu'il
   C’est une proposition hasardéc que tir dire que le marquis i île Itedemar est l'auteur «le cet ouvrage : d'abord ¡1 serai! ! étrange qu'un ambassadeur eût risqué de perdre lout son j crédit, en écrivant une satire politique contre le gouvernement auprès duquel il était envoyé. En second lieu, un liomtnc d'Klal devait savoir que la liberté, l'indépendance, -J'empire de la mer, «ont des choses de fcil.cl que la discussion du droit est une puérilité.
   nayle, article f/'tsscrut, attribue le Squinitio à cel Allemand, et non au marquis de Rcilemar. Sans entrer daus l'examen de celle question, je me bornerai à rapporter une observation que j’ai trouvée sur un exemplaire de ce livre, existant dans la bibliothèque du roi. On lit à la page 7 de j l'édition in-tSde 1607 : « Pour déraciner entièrement l'opi-» nion de la liberté de ces iles (Venise), dans les esprits non « prévenus, il ne faut que voir en deçà une armée impé-« riale en Aquilée, et delà l'empereur à Rarenne. • Le mot en deçà prouve évidemment que l’auteur, au moment où il écrivait, se trouvait placé de manière qu'Aquilée était entre Venise et lui, c’est à-dire qu'il était en Carinthie ou en Allemagne.
   n’existait pas de monuments publics. En ce cas, comment Sainl-Réal a-t-il pu les voir?
      » Ces documents ne sont point tous fabuleux, ou » exagérés par la haine, mais cji grande partie irré-« fragables. »
     Voilà une précaution oratoire. On conçoit que dans une ville comme Venise, où lant de personnes avaient part au gouvernement, beaucoup de particuliers devaient avoir, parmi leurs papiers de famille, des mémoires recueillis par leurs ancêtres. Mais il parait qu’on accusait d'être fabuleuses ou exagérées les relations manuscrites de la conjuration de 1618.
      « Nous apporterons encore plus de soin à épar-« gner la mémoire de quelques ecclésiastiques, par « respect pour leur caractère.
     « Le duc d’Ossonc envoya à Venise le Normand « Jacques l’ierre, corsaire de sa profession, homme h d’un esprit ardent, et capable de tous les crimes. « Celui-ci,ayant feint quelque mécontentement con-» tre le duc, passa au service des Vénitiens, comme « pour se venger de lui. Il fut accueilli ainsi que ■I l.anglade, son compagnon, habile artificier. On « fit peu d'altention aux avis donnés par Siméon » Conlarini, ambassadeur à Home, qu'il se tramait <i quelque intrigue. Le duc d’Ossone, pour cacher « son jeu, avait fait arrêter à Naples la femme de « Pierre, et faisait offrir des avantages à celui-ci, « pour l’engager à revenir. Le traître montrait ces « lettres, cl afTectait de révéler les projets du duc.
      » Parvenu à inspirer quelque confiance, il s’in-e troduisit dans l’arsenal avec Langladc, où ils tra-« vaHlaient de leur métier. »
      Jusque-là le récit est absolument conforme à celui de Sainl-Réal ; mais remarquez que Sandi ne dil point, comme l'historien français, qu'on donna
      Une autre considération qui prouverait que le marquis de lieilcmar n'est point l'auteur de cc livre, c'est la manière dont il en parle dans l’instruction que Sainl-Réal lui attribue, cl qu'il avait rédigée pour son successeur. Elle se trouve à la suite du manuscrit de la bibliothèque du roi,
 , il» 10130,intitulé: Sommario delta congiura {alla fontro j ta serenissima repubbtlca. L’ex-amhassadeur y dil -. • De mon temps il a été publié un litre iotilulé : Examen de ta liberté des /'initient, petit ouvrage vraiment di;;ned'étrc lu ; parce qu’il contient, sur ce sujet, des observations exprimées avec autant de politesse que de profondeur, et qui ne laissent pas de réponse. »
       Il semble qu’il n’aurait pas dû parler en ces termes de son propre ouvrage, daus un écrit purement confidentiel j mais cel argument ne peut être opposé qu'à ceux qui, comme Saint Real, veulent que celle instruction soit du marquis de Bcdcmar.
       J’ai donné ci-dessus les raisons qui me font penser que c’est une pièce supposée.